Un voyage dans le temps


La Voie Lactée, et les nuages de Magellan – Nkasa Rupara, Namibie

Sous le tropique du Capricorne, l’astronome “du nord” perd ses repères. On ne reconnait plus, au premier coup d’oeil, le ciel. D’abord il y a ces grandes constellations boréales qui ne sont plus “à leur place” et surtout sens dessus dessous ! Il faut quelques minutes pour reconnaitre des astérismes connus: le Scorpion, les pinces vers le bas, la queue en direction du zénith, le Cygne sur l’horizon nord, et dont les ailes déployées semblent le faire plonger dans un océan invisible, et puis pas de Grande Ourse bien sûr. Ma première sortie nocturne sera étrange, je vois un ciel d’une pureté sans reproche, d’une transparence rarement observée, mais je peine à trouver des choses familières qui sont pourtant là, sous mes yeux.

A la tombée de la nuit, toujours brutale sous les tropiques, un point extrêmement lumineux        attire mon attention à l’ouest. Je pense à Vénus bien sûr, mais l’éclat de l’objet est tel que je doute qu’il provienne d’une planète. Un peu au-dessus, un autre objet extrêmement brillant continue de me perturber. Il me faudra ouvrir Stellarium pour constater qu’il s’agit bien de Vénus, et au-dessus de Jupiter ! Et puis, droit au-dessus de moi, au zénith, une boule bien rouge, c’est bien ça… il s’agit de Mars ! Les planètes semblent plus lumineuses que des étoiles. L’explication m’apparait soudain limpide: pour la première fois j’observe un ciel sans aucune pollution, lumineuse bien sûr (je suis au milieu de la savane) mais surtout atmosphérique. Ici pas de villes, pas d’usines, peu de monde (3 millions d’habitants pour une superficie 1,5 fois plus grande que la France), pas de climatisation ni appareil de chauffage, peu de circulation automobile sur des pistes où l’on croise deux voitures en trois heures de route. Le ciel est préservé de toute agression.  Je me dis avec émotion que ce ciel là devait être celui que nos ancêtres pouvaient voir au 18ème ou 19ème siècle dans l’hémisphère nord ! Constatation crue et cruelle de ce que nous avons fait de notre planète.

Une autre nuit, je me lève vers 2h, pour observer une autre partie du ciel, et surtout ces constellations australes que nous ne voyons jamais. Lorsque je sors, mon oeil est tout de suite attiré par deux étoiles très brillantes, assez proches l’une de l’autre. A nouveau je suis perdu… de quoi s’agit-il ? Il me faut un bon moment pour comprendre, et c’est la constellation juste au-dessus qui me donnera la réponse: je reconnais en effet Orion à l’envers, mais la ceinture ne laisse pas de doute, et puis surtout M42 parfaitement visible à l’oeil nu. Quel spectacle ! je ne l’ai même jamais vue comme ça au sommet du Restefond à 2800m d’altitude ! Et donc, les deux “phares” qui avaient attiré mon attention sont
Castor et Pollux ! les Gémeaux ont la tête sur l’horizon Est, et les pieds en l’air, vision incroyable.

Je continue ma découverte en me tournant en direction du nord. Voilà le Bouvier avec une Capella surbrillante encore, et puis le Taureau juste au-dessus, les Pléiades sont incroyablement lumineuses également. Et puis, voilà le grand carré de Pégase et… oh la galaxie d’Andromède ! Pourtant assez basse je la distingue nettement, je sors mes jumelles et la voilà entière dans mon champ de vision. Je jubile.

Je fais un tour d’horizon, je commence à comprendre le ciel du sud, je retrouve des repères connus: la Baleine tout là-haut dans le ciel, elle que l’on ne voit que très basse sur l’horizon sous nos latitudes. De la Baleine je descends vers le sud, dans une zone où je ne reconnais rien. Il me faudra une carte pour repérer l’Hydre, le Sextant, la Dorade, la Machine Pneumatique, la Boussole, la Carène, le Compas ou la Poupe. Une ambiance maritime qui nous rappelle que les premiers astronomes du sud étaient des navigateurs.  La Voie Lactée est aussi d’une luminosité extraordinaire, visible avec force détails dès la tombée de la nuit, avec des détails que seule l’astro-photographie nous montre dans le nord, comme le Grand Emeu, cette masse sombre qui ressemble à ce grand oiseau du sud couché.

Et puis voilà Hercule là-bas, comme un grand pantin désarticulé sur l’horizon, avec M13 bien visible à l’oeil nu, mais si pâle à côté d’Omega du Centaure, le roi des amas globulaires. Jour après jour, le ciel austral me devient familier, je trouve mes repères aussi vite que dans le nord, comme la Croix du Sud et Omega du Centaure.

Une fois le ciel “ordinaire” en place, et les constellations du sud repérées, je pars à la chasse aux curiosités du coin. A partir de la Croix du Sud, je croise le Caméléon, puis le Poisson Volant pour me retrouver dans la Dorade. Et ce nuage que je n’avais pas remarqué  au premier abord, mais oui voilà le Grand Nuage de Magellan ! et un peu plus loin, dans le Toucan, le Petit Nuage de Magellan. Ces galaxies naines, satellites de notre Voie Lactée, se détachent très bien sur le ciel namibien. Avec Andromède, ce sont donc trois magnifiques galaxies très nettement visibles à l’oeil nu !

J’ai passé trois semaines sous ce ciel, me délectant chaque soir de ce spectacle magique, et ne résistant pas à l’envie de le faire découvrir à mes compagnons de voyage. Il manque à ce récit un mot sur l’ambiance de ces observations. En première partie de nuit, dans les zones humides le long des grands fleuves du nord, ce sont les grenouilles “cloche” et leurs chants qui ressemblent à des airs de xylophone, qui vous accompagnent. Au milieu de la nuit, les grognements d’un hippopotame ou les rugissements des lionnes qui chassent sont toujours du plus bel effet (…). et puis sur le matin, les incroyables oiseaux du sud et leurs chants bruyants vous font sursauter et vous cassent vite les oreilles, sans oublier les courses folles des babouins dans les arbres !

Magnifique nature, de jour comme de nuit, et qui semble encore préservée de toutes les agressions que nous constatons dans l’hémisphère nord. Pour combien de temps ?

jp

 

 

 

 

 

 

 

 

La Grande Route Galactique

Le mois de mai est favorable à l’observation des galaxies. En effet, à cette époque, les grandes réserves de galaxies que constituent La Grande Ourse, Les Chiens de Chasse, La Chevelure de Bérénice et La Vierge sont en bonne position dans le ciel, et restent visibles une très grande partie de la nuit. Avec l’arrivée de l’été sidéral, les choses seront moins simples.

Ce soir, les conditions sont excellentes, le SQM mesuré est du niveau du ciel du Restefond, c’est dire! Je pense aussitôt à l’amas de galaxies de La Vierge, il faut un bon ciel, et ce soir tout semble réuni. Mais avant de plonger dans le temps, avant de me perdre dans le cosmos, il faut apprivoiser son oeil, l’habituer aux lueurs délicates, aux formes cotonneuses des sculptures galactiques.

Le meilleur moyen est de suivre la Grande Route Galactique. C’est un cheminement que je pratique quelques fois l’an, une approche initiatique, entre la Grande Ourse et, précisemment, La Vierge. Je vous en ai déjà parlé, entre Alkaid et Vindémiatrix, aux portes de la plus grande réserve de galaxies de “notre” univers.

Dès le départ, on croise le couple M51 et NGC5195. Les deux grands bras de M51, s’enroulent tels les ressorts d’un mécanisme de montre. L’un d’eux semble se détendre et je le vois toucher délicatement la petite mais lumineuse NGC5195, vision subtile et touchante. Je grossis à peine (x123) et reste un long moment à admirer cette caresse galactique.

Me voilà lancé dans cette descente jubilatoire. M63 est ma prochaine étape. Son bulbe ovalisé et brillant, et son noyau ponctuel, au centre d’une robe à l’aspect grumeleux, lui donne un air félin.

Puis je me pose sur Cor Caroli, ce merveilleux couple stellaire , composé d’une étoile bleue brillante et de son petit compagnon, blanc comme un diamant. Juste au-dessus, c’est l’oeil du chat (M94) qui me regarde, large et lumineux, entouré par un disque diaphane qui se fond dans le ciel. Réglisse, qui attend patiemment à mes pieds, ne se doute pas qu’il y a des chats dans l’univers! A peine plus loin, NGC4618, petite spirale ovalisée et son noyau ponctuel. Mon oeil commence à discerner les faibles détails, la vision décalée aidant.

De Cor Caroli, je fais alors un saut de quelques 5º en direction de la Chevelure de Bérénice. Là-bas, deux duos m’attendent: NGC 4656 et 4657 (la crosse de hockey, que les anglo-saxons appellent aussi “crowbar” le pied de biche) et puis, juste à côté, la baleine et son baleineau (NGC 4631 et 4627). Au 26mm, les deux couples sont dans le champ, magnifique! La baleine est très lumineuse, son “petit” semble se frotter contre son ventre. Le pied de biche est plus disccret, surtout 4657. Ce soir, j’ai un faible pour les visions “grand champ” au 26mm.

Et puis, voilà Bérénice. Et là, il ne faut pas se perdre. Les étoiles sont faibles à cet endroit, les repères fragiles. Tout d’abord c’est un groupe de sept galaxies, une sorte d’amas ouvert: NGC 4414, 4314, 4278, 4274, 4245, 4150 et 4136. Il se trouve non loin du seul vrai point de repère de la constellation, ce groupe de sept étoiles de magnitude 5 environ. Sept étoiles pour sept galaxies! Le groupe est centré sur NGC 4274, une bien belle galaxie, large, allongée. Prendre son temps, les sept membres sont accessibles, on les découvre par une simple pression sur le tube, tout ça tient dans un mouchoir de poche , un rectangle de 2ºx4º. Un bon entrainement pour l’amas de la Vierge!

De là, en continuant en direction de Vindemiatrix, je m’arrête sur NGC 4565, cette lame, interminable, fine comme un trait de lumière, avec en son centre un petit bulbe rond et renflé. Un esthétisme délicat, une émotion fragile dans un coin du ciel bien noir. Elle est tout simplement belle, j’ai même renoncé à grossir pour garder en mémoire cette finesse dans le grand champ.

La suite n’est pas mal non plus! L’Oeil Noir, M64, est sur ma route. Une belle spirale, brillante, un bulbe allongé et tout autour, à la manière des petites vagues sur la surface d’un étang, une étendue cotonneuse qui donne cette impression de mouvement.

Nous voilà proche de la fin du GRG. En passant, je m’arrête bien sûr voir M53 et NGC 5053 les deux amas globulaires proches d’Alpha Com. M53 est beau, presque résolu au 13mm (x123). NGC 5053, le discret, restera ce soir invisible.

Me voilà aux portes de la Vierge. Mon oeil est prêt, une nouvelle fois il a aimé cette approche galactique: essayez cette route pavée de petits trésors, la suivre est simple, limpide, pas besoin de carte, le tube connait le chemin!

L’amas galactique de la Vierge.

Entre Vindemiatrix et Denebola, que dire ? Les premières fois qu’on y vient, on en a le vertige: tant de galaxies, les unes sur les autres! On baisse vite les bras, renonçant souvent à détailler ce qui passe dans l’oculaire. Je l’ai fait aussi! Mais c’est une erreur, car le cerveau est ainsi fait que l’on ne voit bien que ce que l’on a identifié. Il faut donc être méthodique , utiliser des repères, et se construire des cheminements.

Les repères existent: ce sont les Messiers! M60 et M59 si l’on part de Vindemiatrix, M98 et M99 si l’on part de Denebola. Et au centre M84 et M86, le point de départ de la chaine de Markarian. Il faut donc se familiariser avec ces repères, être capable de les trouver sans faille. Au bout de quelques nuits, c’est une affaire entendue: tout devient ensuite plus simple!

Sur la carte, on peut “apprendre” 3 itinéraires (voir sur la photo en-tête de l’article):

  • M60-M59-M58-4564-4568-4550-M89-M90: tout d’abord une ligne droite en direction de Denebola, puis on descend vers 4564 et 4568, et on remonte franchement vers M89 et M90. Il faut apprendre le mouvement, s’habituer à le suivre avec le tube, compter les galaxies: 1-2-3… il y en a 8 jusqu’à M90. Lorsque l’on est sur M90, on rebrousse chemin, on redescend: 8-7-6-5- (là, on remonte) 4–3- etc jusqu’à M60. Après quelques passages cela parait si simple!

  • M84-M86-4435-4438-4461-4473-4477-4459-M88-M91: c’est la dite Chaine de Markarian! 10 galaxies toutes différentes les unes des autres. “Les yeux” (4435 et 4438), des ovales, des rondes, au bout d’un moment on ne se perd plus, tant les belles sont reconnaissables.

  • M98-M99-M100-4340-4350-M85-4394: même technique, “apprendre” la forme du parcours, compter les galaxies, apprendre à les reconnaitre. Sur ce parcours, deux couples facilement reconnaissables: 4340-4350 et M85-4394, de plus M85 est l’une des plus grosses galaxies du secteur.

Avec un peu d’apprentissage, vous apprécierez encore plus cet immense amas galactique. Depuis le temps que j’y traine, je l’apprécie beaucoup plus depuis que je sais où je vais et ce que je vois. Essayez!

Hier soir, j’ai donc parcouru ces 3 itinéraires, avec plaisir, avec délectation je dirais même. Après cet exercice, l’oeil est comme ultra-sensible, il voit la moindre lueur dans le champ de l’oculaire, le moindre bulbe fut-il très pâle.

Il est 1h du matin, je suis comme après un bon repas, repu et heureux. Je mettrai du temps à trouver le sommeil.

Que le ciel soit avec vous!

jp

Conditions d’observation:

Heure: 23h
Durée de l’observation: 2h
Lieu: Les Cytises
Altitude: 1686m
Vent: nul
Température: 7º C
Humidité: 71%
Transparence: SQM 21.60 (zénith)
Turbulence: 1/5
Instrument: T300
Grossissements utilisés: 26mm (x62), 13mm (x123)

La promesse de l’aube

Lulin_TEC_18

23 janvier 2012.

En cette nuit de Nouvelle Lune, le ciel est au rendez-vous. La Voie Lactée griffe le ciel comme lors d’une belle soirée d’été; il fait d’ailleurs bien doux en cette fin janvier! Je suis heureux d’être sous les étoiles, et encore plus ce soir car je suis accompagné. J’observe le plus souvent seul, mais il est des compagnies qui transcendent le plaisir, qui rendent l’instant exceptionnel.

Mon compagnon est une vieille connaissance, bien plus encore, et aussi mon maitre en terme d’Astronomie. Les circonstances de la vie nous empêchent de nous voir plus souvent, mais il n’est pas un objet dans le ciel qui ne me rappelle une nuit, une discussion, un regard, un instant partagé. Il faut dire que les discussions nocturnes sont intenses car silencieuses, profondes car intemporelles, touchantes car pleines d’émotion.

J’ai affaire à un spécialiste, inutile d’essayer de le surprendre, de l’épater. Je veux simplement me promener avec lui dans le ciel, je sais que chaque objet sera l’occasion de regards qui brillent, de sourires entendus, de plaisirs dont la rosée perle au coin des yeux. Je sens son oeil amusé me voir déplacer cette étrange machine, ce tube sans repères, sans cercles, sans coordonnées; et lorsque je m’arrête sur Orion, une tape sur l’épaule me dit qu’il aime cette simplicité. M42 est un beau commencement, l’oiseau majesteux, paré de rouge et de vert, plane. La turbulence fait trembler le trapèze, mais le spectacle nous rappelle ces nuits d’hiver où le Mistral ne parvenait pas à nous décourager de prolonger ces instants, où nos mains gelées ne sentaient pas le froid. L’oeil à l’oculaire nous survolons IC 434 dans les parages de la Tête de Cheval. Le silence me parait toujours plus profond à cet endroit. Et c’est bien, car j’entends alors nos pas sur les marches métalliques de l’observatoire.

Je redresse le tube et nous voià dans les Gemeaux. En un instant je suis sur la nébuleuse planétaire de l’Esquimau (NGC 2392). Elle ne montre pas beaucoup de détails ce soir. Nos regards se croisent lorsque j’enlève mon oeil de l’oculaire. Le sien brille, je crois y lire un peu de fierté de me voir si à l’aise dans le ciel. En direction de Castor et Pollux, j’arrête le tube sur NGC 2371-2, une nébuleuse planétaire “double” en quelque sorte. Elle est assez brillante, et l’on voit nettement les deux lobes blancs, à défaut de centrale. Mon compagnon apprécie cette vision presque “galactique”. Puis, nous passons voir ce duo si attachant: M35 et NGC 2158. Il nous rappelle une nuit de fin d’été, non loin de la vallée des Merveilles. Ce soir là, pour tester un miroir non encore alluminé, nous avions écumé les amas d’étoiles. Le miroir était bon, et le plaisir grand. Nous y repensons en même temps, pas la peine de finir nos phrases.

Il semble donc naturel de passer voir les amas ouverts du Bouvier tout proche. M36, puis M37 dont la centrale orangée est toujours une merveille. Et puis NGC 1893, pour finir par la Flaming Star Nebula, un peu éteinte ce soir mais que le filtre OIII nous montre quand même.

La Licorne est basse mais je veux montrer NGC 2301, cet amas unique, en forme de “T”. Je remarque du coin de l’oeil un petit sourire admirateur sur les lèvres de mon maitre. Et puis, il déplace le tube vers le nord, pas très loin, pour se poser sur la Rosette que l’on voit si bien dans le ciel. Et je sais pourquoi il veut m’emmener par là. Il y a bien longtemps, une nuit de printemps, en attendant une comète, la plus belle qui me fut donné de voir à ce jour, il m’avait montré cette nébuleuse pour la première fois. Les souvenirs se bousculent dans nos têtes, et nous sommes bien d’accord: quelle merveille de Comète!

Avant que le ciel ne s’éclaire à nouveau (il est bientôt 5h), je veux que nous observions ensemble quelques galaxies. La Grande Ourse est toute indiquée: M81 et M82 sont belles sans être exceptionnelles, puis le couple M108-M97 nous rappelle cette nuit où je découvrais les galaxies (et cette nébuleuse planétaire) pour la première fois. “Tu ne vois pas parce que tu regardes trop vite”, nous rions de bon coeur.

Pour finir, nous passons un court moment dans les Chiens de Chasse: M51 nous montre le pont de matière et ses deux grands bras, puis M106 nous cache son escorte, le ciel est trop clair. Alors je me souviens de l’autre passion (en dehors des galaxies) de mon invité pour les étoiles doubles, et pointe sans hésiter Cor Caroli. Il observe le couple, sa main posée sur mon épaule, je sais ce qu’il voit, et ce qu’il ressent; je n’ai pas besoin de regarder dans l’oculaire, je lève simplement la tête vers le ciel, en souriant.

L’aube s’approche, nous allons rentrer. Je me pose une question à propos de la petite nébuleuse planétaire Jonckheere 900 que j’ai essayé en vain de voir. “Il faut grossir au minimum 300x”. Il faudra que je m’en souvienne.

C’était une nuit spéciale, en bonne compagnie, un moment rare. Je me fais la promesse de recommencer.

jp

Photo: Comète C/2007 N3 (Lulin) par Johannes Schedler, Visitez son site http://panther-observatory.com/

Nuages dans le Cygne

Valberg, le 25 juin 2011.

Première nuit d’été dans mes montagnes. Lorsque je sors le T300 un peu avant minuit, je suis en T-shirt, pieds nus dans mes sabots; l’air est doux, le ciel hésite toujours entre le jour et la nuit, mais pas un nuage à l’horizon. C’est le paradoxe de l’été astronomique: nuits réduites à la portion congrue, mais douceur conviviale. Je sens que je vais passer une belle nuit.

Déjà le Scorpion se dresse au-dessus des montagnes, il semble menacer Ophiuchus aux prises avec le Serpent. Belle entrée en matière me dis-je. Je me dirige vers la nébuleuse planétaire de la Boîte, NGC 6309.  Elle est petite, impossible de la distinguer des étoiles à faible grossissement, mais dès le 13mm (120x) en place, je repère ce regroupement stellaire un peu étrange: trois étoiles entourent un objet dont on voit bien qu’il a quelque chose de particulier. C’est le moment de grossir à 200x: une forme allongée, vaguement rectangulaire, verdâtre, translucide. Bel ensemble que cette forme verte et ces trois étoiles sentinelles.

Ophiuchus héberge quelques amas globulaires que je passe rarement voir. Je vais réparer cet oubli en allant rendre une petite visite à deux d’entre eux: M12 et M14. Visions contrastées, l’un (M12) est riche et résolu sans difficulté, l’image au 9mm (178x) est surprenante de précision; l’autre (M14) est plus discret, dense et d’aspect un peu granuleux, on dirait une image faiblement résolue, qui ne le sera d’ailleurs pas! J’aime cette constellation, je me souviens lui avoir dédié un CROA l’été dernier (Riche comme Ophiuchus).

Je m’éloigne du Serpentaire pour rejoindre les Chiens de Chasse. Il n’est pas de belle soirée d’observation sans galaxies! Je commence par M51, pas mal du tout au 26mm (62x), le pont de matière est net. Mais au 13mm (120x) il devient plus discret, et… invisible au 9mm (178x). Le ciel est propre, pas de turbulence, mais la transparence reste perfectible. Après un passage “obligé” par la belle Cor Caroli, je me dirige vers la galaxie du Cocon (NGC 4490) et la petite NGC 4485 toute proche. Depuis ma dernière nuit sur les pentes du Restefond je les appelle “les madeleines de Michel”. Elles sont douces ce soir, et bien lumineuses,  on les croquerait volontiers ces madeleines! Poussant à peine plus loin en direction de la Grande Ourse, je m’arrête sur ma favorite de l’hiver, NGC 4449, et sa forme rectangulaire, plutôt diffuse ce soir. Et puis un peu plus haut encore, la belle M106, très en forme.

Un petit arrêt sur le seul amas globulaire de la constellation de la Vierge, NGC 5634, relativement brillant mais pas résolu, et me voilà chez Hercule. M13 et sa “crevette” NGC 6207 (un peu comme la crevette compagne de la murène) sont en (très) grande forme. NGC 6207 montre même son noyau et sa robe transparente, je l’ai rarement vue si bien. Puis, direction NGC 6210, la très belle et lumineuse nébuleuse planétaire d’Hercule. Je ne parviendrais pas toutefois à apercevoir sa centrale.

Et puis… et puis, je gardais le meilleur pour la fin: le Cygne, roi de l’été. Albireo bien sûr, et au passage la M27 du Petit Renard et sa translucidité magnifique dans laquelle je me noie volontiers au 9mm, puis l’anneau de la Lyre (M57) qui est d’une netteté fantastique ce soir, sans la moindre turbulence, mais qui ne me permettra toutefois pas de voir sa centrale. Mais surtout, ce qui m’excite ce soir ce sont les nuages du Cygne, ces nébuleuses mythiques , ces filets de brume sur la Voie Lactée. Seul impératif, chausser le filtre OIII sur le Nagler 26mm, et se laisser ainsi porter par ces volutes célestes, ces entrelacements, cette broderie cosmique.

Je commence par la nébuleuse du Croissant (NGC 6888), au large de Sadr, en direction d’Albireo. Le croissant est évident, il flotte sur la Voie Lactée. Il y a de la nébuleuse du Crabe dans ce croissant-là, des filaments bourgeonnent de partout, trois étoiles bien brillantes ornent l’ensemble, au centre et sur les deux bords. Et puis, par transparence, le tapis d’étoile se déroule, il magnifie la vision. Un vrai régal.

Direction Deneb maintenant, et le triangle qu’elle forme avec xi et nu Cyg. Deux monstres nébuleuses sont là, NGC 7000 (North America) et IC 5070 (le Pélican).   Pas faciles de voir ces deux-là dans un télescope, tant elles sont étendues. Souvent, on en aperçoit des bribes, mais il est difficile de reconstituer le puzzle. Sauf certains soirs, sauf hier soir! Pour la première fois, j’ai eu l’impression de voir l’Amérique du nord comme sur les photos; je me suis baladé dans le Golfe du Mexique, j’ai traversé la Floride du nord jusqu’à Key West, je suis remonté jusqu’au Midwest, et même le Canada. Fantastique voyage! La Voie Lactée par transparence préfigure les villes américaines , quel vol de nuit!

Et puis, de l’autre côté de l’océan Atlantique, voilà le bec du Pélican. Je reste un long moment à aller et venir, un vrai bonheur.

Un peu plus bas, sous l’aile gauche du Cygne, m’attendent NGC 6990, 6992, 6995, oui les Dentelles. La double 52 Cyg magnifie la Petite Dentelle: ce petit compagnon ponctuel, un long filament d’un côté, de l’autre un écheveau de crin volant au vent; et presque au centre, 52 Cyg qui éclaire subtilement l’ensemble!  A peine plus loin, le Triangle de Pickering; sa queue est si fournie que le triangle passe plus inaperçu qu’à l’accoutumée.  Après North America, les dentelles sont vraiment fantastiques ce soir. Et que dire des Grandes Dentelles! Cette “patte d’insecte” fourmille de détails, on dirait une macrophotographie de la patte d’une mouche, ou d’une sauterelle. Il faudrait des heures pour en dessiner les contours: ce ne sont que broderies, entrelacements, flamèches, cheveux.  Je suis étourdi de tant de beauté.

Il est bientôt 3h. Il fait 15°, mais je n’ai pas froid. Il est des nuages qui rendent heureux.

jp

PS: La photo d’illustration (NGC 7000 dans le Cygne) est de Johannes Schedler. Visitez son site, en particulier son exceptionnelle galerie sur le ciel profond. http://panther-observatory.com/

Une nuit sur les pentes du Restefond

C’est un lieu exceptionnel, accessible seulement quelques mois de l’année. Dès les premiers virages à la sortie de St Etienne-de-Tinée, on est dans l’ambiance. Le panneau annonce la couleur: “route de haute montagne”. Pour moi qui vit à 1700m toute l’année, c’est quand même un vrai dépaysement: au dessus de 2000m ça n’est plus la même chose.

On s’était donc donné rendez-vous au Camp des Fourches (2291m) avec Gérald, Michel et Pierre: trois habitants de la zone littorale des Alpes Maritimes, mais des habitués du Restefond, et des astronomes expérimentés. Nous étions bien équipés: deux T400, mon T300, et le setup T200 de l’astrophotographe Pierre. Comme Pierre voulait “imager” M83 qui est basse sur le sud, il nous fallait rester sur le versant sud, nous décidions donc de rester au Camp des Fourches.

Le ciel, magnifique toute la journée, allait un peu changer: d’abord quelques nuages montant du sud, puis un vent du nord (mistral) les repoussant à la tombée de la nuit, mais gênant dans les rafales. Malgré tout, le ciel restait quelque peu voilé en tout début de nuit, un voile certes léger mais qui gâchait un ciel que nous avions déjà vu bien meilleur en ces lieux. Heureusement, le vent cessa et le ciel s’améliora, sans toutefois atteindre la qualité dont le ciel du Restefond est capable.

Et puis, en cette époque, le jour ne veut pas partir. Il fallut bien attendre minuit pour commencer à avoir l’impression d’être en haute montagne. Au début, donc, difficile de s’extasier, le ciel magnifique à l’oeil nu était assez décevant dans les instruments: étoiles pâteuses, galaxies pâlichonnes, nébuleuses absentes. Progressivement, les choses allèrent de mieux en mieux, et vers 2h cela commençait à être bien.

Impossible de décrire tout ce que nous avons observé (*), tant nous avons pointé d’objets. Au début, j’explorais le Lion, la Vierge, le Bouvier, le Corbeau et l’Hydre. M83 était discrète, les Antennes visibles mais faibles, le Triplet du Lion s’améliorait au fil des minutes. Déjà le Scorpion pointait le bout du nez,  puis la Lyre et le Cygne. Quel plaisir de les retrouver !  Sans oublier Hercule bien sûr, ni le ciel nord. On a vite le tournis là-haut! A tour de rôle nous décidions des cibles, les Dobsons sont bien les rois: sitôt dit, sitôt dans l’oculaire!

Vers 1h le Sagittaire et son cortège de merveilles entrait en scène. A 2h le Scorpion tout entier se dressait sur les montagnes. Et vers 3h Andromède et Pégase était suffisamment hautes pour passer les voir. Le ciel nord était d’ailleurs le meilleur, M51 finissant par être magnifique vers 2h. Les galaxies des Chiens de Chasse aussi. Michel était content que je lui fasse découvrir NGC 4449, la galaxie “rectangulaire”, après qu’il nous ait montré “ses madeleines” NGC 4490 et 4485. La Baleine (NGC 4631) était belle, alors que la Crosse de Hockey se faisait discrète. Tous les messiers du quartier y passèrent, au T300 et au T400: comparaisons, grossissements, Nagler 26mm, 20mm, ou 13mm (difficile d’aller plus loin vu le ciel), se succédaient, le plaisir pur. On s’est bien régalé quand même!

La Lyre et le Cygne, enveloppés dans la Voie Lactée de plus en plus belle, nous ravissaient. Les Dentelles, le Croissant, quel plaisir de les retrouver et quel spectacle au T400! M27 et M57 aussi; et puis la Blinking, et North America, et M56, et… on arrête pas une minute!

Le Sagittaire nous offrit aussi un beau spectacle. Je retiendrais la Trifide, M22, et surtout M17, ce Cygne/Omega majestueux que j’observais dans trois télescopes en même temps! Pendant que Gérald essayait d’imager avec son T150 et que Michel faisait une pause, je prenais possession des deux T400 et pointais M17 dans le T300 et ses deux grands frères. Pendant une bonne demi-heure je passais de l’un à l’autre: quel spectacle! Outre que M17 état magnifique à cette heure (2h)  j’appréciais les détails dans les T400 de Michel et Gérald, et le gain de définition par rapport à mon T300. Je voyais bien aussi ce qu’apporte l’Hilux puisque le miroir de Gérald n’en possède pas. Je me suis vraiment régalé à détailler cette nébuleuse qui est une de mes préférées.

Lorsque vers 3h30, Gérald et moi pointions M31, je n’avais pas vu le temps passer. Une bonne centaine d’objets plus tard, je n’étais même pas fatigué, mais le ciel s’éclaircissait déjà… Que la nuit est courte fin mai!!!

Voilà. En résumé, un ciel un peu décevant en ces lieux, mais combien l’auraient trouvé merveilleux ?! On s’habitue trop à l’excellence 🙂 Mais, j’ai passé une bien belle nuit, en très bonne compagnie. Vivement, la prochaine!

(*) J’ai finalement décidé d’essayer de mentionner tout ce que j’ai pointé, du moins tout ce dont je me souviens une semaine plus tard!

Andromède: M31/M32/M110

Bouvier: Arcturus, NGC 5466

Cassiopée: M52, NGC 7635

Chevelure de Bérénice: M64, M3, M53, NGC 5053, NGC 4565

Chiens de Chasse: Cor Caroli, M51/NGC 5195, M63, M94, NGC 4485/4490, NGC4449, M106/NGC 4217/4220/4346, NGC 4631/4656

Corbeau: NGC 4038/4039, NGC 4361

Cygne: Albireo, NGC 7000/IC 5070, NGC 6826, NGC 6888, NGC 6960/6992/6995, M27

Grande Ourse: M101,  M97, M108, M81/M82/NGC 3077

Hercule: M13/NGC 6207, M92

Hydre: M83, NGC 3242

Lion: NGC 3681/3684/3686, M65/M66/NGC 3628, MGC 2903, NGC 3190/3193 (H44), M95, M96, M105

Lyre: Vega, T Lyr, M56, M57

Sagittaire: M7, M8, M16, M17, M20, M21, M22, M23,

Scorpion: Antares, M4, M80

Vierge: NGC 3634, Chaine de Markarian, Saturne, M104 (très belle au T400)

:-p

Le retour de la nuit

Il y a un moment que je ne vous ai plus raconté mes nuits sous les étoiles. J’ai pourtant profité de très beaux ciels étoilés depuis la fin mars, mais l’atmosphère printanière est par définition instable, particulièrement en montagne. A cette époque de l’année, il m’arrive donc d’observer le ciel à l’oeil nu, oubliant un temps les instruments. Je rêve, je contemple, la tête dans les étoiles, je m’amuse à voir jusqu’où mes yeux verront. Ce sont des nuits particulières, silencieuses, reposantes. Et je les aime tout autant.

Il faut dire qu’au printemps, la nuit revient en montagne. Et oui, durant tout l’hiver, il n’est pas de vraie nuit. La neige magnifie la moindre lueur, y compris celle des étoiles. Aussi, lorsque la neige a fondu, je retrouve l’obscurité des nuits en  montagne, et les plongées cosmiques n’en sont que plus excitantes.

Je vais quand même vous raconter quelques-unes des nuits où le télescope fut de sortie. Compte-tenu des conditions de transparence, je ne sors en ce moment qu’avec seulement deux oculaires dans mes poches: un Nagler 26mm (62x, 1,3°) et un Nagler 13mm (123x, 0,7°). Voici quelques notes de trois de ces nuits, dans des  conditions similaires (turbulence faible, transparence moyenne). Les observations ont toutes été effectuées au-delà de minuit.

25 mars.

Je  commence par un survol de la chaine de Markarian. Le Dobson s’y prête à merveille. Lorsque l’on connait les lieux pour les avoir fréquentés avec assiduité, que l’on sait où aller,  où changer de direction, la souplesse du Dobson et le grand champ du nagler 26mm accentuent cette sensation de survol. Mes mains déplacent à peine le tube, j’ai l’impression que lui aussi connait le chemin! Sans trop savoir pourquoi, j’effectue toujours la traversée depuis M84 en direction de NGC 4477. Ce soir-là les conditions sont moyennes, mais c’est mon premier vol avec le 26mm et j’aime le champ qu’il m’offre. Une fois de l’autre côté, je rebrousse chemin avec le même plaisir. Je compte les 12 galaxies (M84, M86, 4387, 4388, 4402, 4413, 4425, 4435, 4438,  4458, 4461, 4477) mais pour moi la chaine de Markarian constitue un seul objet indivisible.

Compte-tenu des conditions, je décide ensuite de rendre visite aux quelques amas globulaires de ce secteur essentiellement galactique. Ils ne sont pas nombreux: ils ne sont que six, cinq dans la Chevelure de Bérénice et un seul (le seul!) dans la Vierge. Je commence par NGC 4147: il est assez petit et faible, et je ne le résoudrai pas. Mais, une petite étoile orange, un peu à l’écart, rend le spectacle agréable. Puis je traverse en direction d’Alpha Com pour passer voir les inséparables “53”:  M53 et NGC 5053.  De là je remonte en direction de M3, toujours aussi beau, et poursuis vers le très pâle NGC 5466. Il ne me reste qu’à plonger plein sud pour passer voir le seul amas globulaire de la Vierge, j’ai nommé NGC 5634.  Impossible de le résoudre, mais une étoile jaune-orangée le frôle, et une autre bleue, un peu plus loin de l’autre côté, finit un encadrement de toute beauté.

4 avril.

Conditions très moyennes cette nuit-là. Je me contenterais du seul Nagler 26mm, ne pas trop s’approcher était la meilleure idée ce soir-là! C’est une autre façon d’utiliser le pouvoir séparateur d’un T300: le champ et des images bien définies! Je me promène le long d’une ligne magique: depuis M101 jusqu’à M64. Dans l’ordre: M101, M51, M63, Cor Caroli, NGC 4631 (la Baleine), NGC 4656 (la crosse de Hockey), NGC 4565 (l’Aiguille), et M64 (l’Oeil Noir). La variété des formes, des structures, des luminosités. L’oeil y trouve toujours son compte, et le 26mm est un allié précieux: le recul nécessaire et la précision ! C’est une belle autre façon de voir ces monstres sacrés.

Et puis, je retrouve les étoiles. Amas globulaires: NGC 4147, M3, et un revenant: M13! Quelques amas ouverts aussi: NGC 1502 et la Cascade de Kemble (le 26mm semble être conçu pour elle!), et pour finir: Le Double. Malgré le faible grossissement (62x) je me régale de ces points minuscules et colorés. Même un ciel médiocre permet de passer deux heures passionnantes.

6 mai.

Cette nuit fut sans doute la meilleure en terme de qualité de ciel, sans pour autant atteindre le niveau des nuits exceptionnelles de février dernier. Malgré tout, j’ai pu observer des objets dans pas moins de huit constellations!

Corbeau.

Il y avait longtemps que je n’avais pas vu les Antennes (NGC 4038, 4039). Comme je débutais ma soirée à minuit précise, le Corbeau était déjà très bas.Malgré tout, le distingue la forme caractéristique de cette collision galactique en vision directe, en particulier le “haricot” NGC 4038.  Malgré la vision décalée, je ne verrai pas les extensions; et le 13mm ne sera d’aucun secours.

L’Hydre.

L’Hydre est encore un peu plus basse que le Corbeau, mais le fantôme de Jupiter me tente. Je localise NGC 3242 assez facilement. La centrale est rapidement évidente. C’est un joli spectacle que cet oeil vert! Très basse sur l’horizon, la nébuleuse planétaire ne me donnera pas d’autres détails.

Lion.

Au-dessus de l’Hydre, le Lion m’attend. Je commence par le triplet le moins célèbre: NGC 3681, 3684, 3686. Les trois petits cailloux ronds et blancs sont bien là, nettement visibles dès le 26mm. La luminosité décroit de 3681 à 3686.

L’autre Triplet (M65, M66, et NGC 3628) est en meilleure forme. La meilleure preuve en est la bande d’absorption de 3628 visible en vision décalée au 13mm.   Joli spectacle que ces trois objets dans le même champ (du 26mm).

Encouragé par cette vision, je me dirige vers ce qui est habituellement une des plus belles galaxies du Lion: NGC 2903. Hélas, elle est décevante, peu lumineuse ce soir, ne montrant pas sa structure barrée.

Je continue néanmoins dans la difficulté et passe voir le groupe Hickson 44, dans le cou du Lion, entre Adhafera et Algieba. NGC 3190 et 3193 sont immédiatement localisées. Par contre, j’aurais beau explorer méticuleusement la zone, mais les deux autres membres du groupe (3185 et 3187) resteront invisibles.

Chiens de Chasse.

La belle Cor Caroli est devenue incontournable depuis cet hiver. Cette magnifique double, déséquilibrée (en taille et couleur) rivalise avec Albireo dans mon esprit. En tout cas, une vision réjouissante à chacun de mes passages récents.

De là, je remonte voir M51, plutôt fade ce soir. Le pont de matière est faiblement visible, et si le grand bras est lui assez net, l’ensemble manque de peps!

Par contre la Baleine, NGC 4631, est très lumineuse. Je suis même surpris d’y voir une très légère couleur “saumon”… ?!? Le baleineau est très net également. Je reste perplexe.

La Crosse de Hockey (NGC 4656) est mitigée. Le baton (4656) est assez joli, par contre la crosse (4657) reste invisible. Je suis toujours étonné de telles disparités de vision dans des zones si proches…

Grande Ourse.

La transparence s’est-elle dégradée au cours de la nuit ? Toujours est-il que lorsque je pointe M81 et M82, elles ne me montrent pas grand chose; ce qui est étonnant, tant ces deux-là sont souvent en forme.

M97 et M108 ne seront pas mieux. Quant à NGC 3184, entre les deux Tania (Tania Borealis et Tania Australis) c’est un point lumineux vaguement cotonneux.

Chevelure de Bérénice.

Je tente ma chance un peu plus bas dans le ciel, à la recherche de la qualité rencontrée un peu plus tôt dans le Lion. Hélas, cela ne sera guère mieux: M53 est moyen, NGC 5053 ne se montrera pas, et M64 ne montrera pas son oeil noir. Seul M3 sera fidèle à sa réputation.

Hercule.

Je décide de changer radicalement de secteur, et me dirige vers Hercule qui commence à être haute. M13 sera à la hauteur, magnifique avec ses deux gardiennes jaune et bleue, et la petite galaxie NGC 6207. Puis la petite nébuleuse planétaire NGC 6210 me montrera ses atouts bleu-vert, et sa centrale! Pour terminer, M92 (très beau) et NGC 6229 (non résolu) me laisseront avec le souvenir d’une rencontre agréable avec Hercule.

Dragon.

Pour finir en beauté, je vais aller dans une constellation que je visite moins souvent, à tort. Entre Theta Dra et Edasich, se trouve un joli trio de galaxies (illustré par la photo en tête de l’article): NGC 5981, 5982, 5985. Respectivement, il s’agit d’une spirale vue de face, une ellipse, et une spirale vue de côté, alignées par ordre croissant de luminosité et de taille. Un magnifique spectacle! A noter toutefois que la spirale de côté est très faible au T300.

En conclusion, quelques belles nuits d’observation, même si le ciel était moyen, sans oublier les nuits de contemplation visuelles. Dans les jours qui viennent, les transformations printanières devraient se stabiliser et nous offrir des ciels à nouveau exceptionnels, ce qui permettra de monter encore plus haut en altitude: le Restefond est enfin accessible!

Bon ciel à tous!

PS: La photo d’illustration (NGC 5981, 5982, 5985, dans le Dragon) est de Rob Gendler. Visitez son site, en particulier sa magnifique galerie de galaxies! www.robgendlerastropics.com

Sculptures galactiques

Vous connaissez ma passion pour ces autres mondes que sont les galaxies, ces ensembles de matière, de poussières,  de gaz, et d’étoiles. Il y a longtemps qu’elles m’attirent, et rares sont les nuits où je n’en observe pas. La séquence d’Edwin Hubble , cette classification précise, permet d’en détailler les différentes morphologies, et d’en apprécier leurs propriétés. C’est une activité fascinante que d’essayer de discerner leur forme précise, et d’apprendre ainsi beaucoup de choses sur elles: leur masse, leur diamètre, leur taille, leur âge.

Au printemps, les foyers de galaxies sont légions dans le ciel: la Grande Ourse, le Lion, la Vierge, les Chiens de Chasse, des milliers de galaxies s’y cachent. Elles sont si nombreuses que la tentation de se disperser est grande. Mais je préfère passer du temps sur un territoire céleste restreint, plusieurs nuits de préférence, et prendre le temps de détailler ces lointains cocons d’étoiles. Les deux dernières nuits, j’étais dans Canes Venatici (Les Chiens de Chasse), une constellation où les galaxies sont très particulières, des formes inhabituelles, des oeuvres d’art, des sculptures galactiques. Un régal.

Nuits des 9 et 10 mars.

Les deux nuits, les conditions étaient plutôt bonnes, température à peine sous zéro (-1°), humidité faible (55%) le 9, un peu plus forte (73%) le 10, turbulence quasi nulle, pas de vent, et une transparence en progression, moyenne le 9 et bien meilleure le 10. Deux belles nuits quasi-printanières.

Les frontières de Canes Venatici sont déjà alléchantes: Le tourbillon (M51) au nord, l’amas globulaire M3 au sud, le groupe Hickson 68 à l’est,  et un nuage de galaxies à l’ouest; et des petites merveilles un peu partout. Mais je vous recommande de commencer par le Coeur de Charles II, alias Cor Caroli. S’il s’agit de l’hommage au roi éponyme,  Alpha CVn est bien la reine de la constellation, une magnifique étoile double, un couple déséquilibré, un saphir et un petit compagnon blanc-jaune: une autre de ces doubles colorées qui ont tant de charme. Le couple se dédouble sans difficulté à 60x. Et puis, un peu plus loin, un autre couple, bien équilibré celui-là, mais c’est leur couleur orangée qui attire l’oeil; l’un des deux compagnons m’est même apparu un peu rouge au bout d’un moment. En tout cas, le spectacle de ces deux couples colorés dans le champ du 26mm vaut le détour: deux doubles très différentes et facilement résolues.

Les deux soirs, M51 était à son avantage: le pont de matière visible en direct, tout comme les deux grands bras s’enroulant l’un autour de l’autre. Une belle image, aussi bien au 26mm qu’au 13mm.

Après un bref passage par La Galaxie du Tournesol (M63), plutôt fade ces soirs, je me dirige vers Beta CVn, l’autre extrémité de ce segment qui constitue la constellation à lui seul. A environ 40′ ONO de Beta, se trouve La Galaxie du Cocon, NGC 4490. Elle est facilement repérable à environ 40′ de Beta. On remarque immédiatement la forme qui lui a donné son nom. La texture rappelle aussi le cocon du ver à soie, une surface qui semble à la fois brillante et cotonneuse, humide et translucide.  Et puis, juste à côté, NGC 4485, la même en miniature. Très bel ensemble, au nom évocateur; 4490 cache bien sa structure de galaxie spirale barrée.

A peine plus loin en remontant en direction de Phecda (Gamma UMa), une autre galaxie mérite le détour: NGC 4449. En effet, cette belle lumineuse a une forme… rectangulaire! Sa texture est là-aussi particulière, “grumeleuse” est l’adjectif qui vient à l’esprit. Le parallélépipède (on le perçoit bien comme tel) semble comme éclairé de l’intérieur, sans que l’on y distingue un véritable noyau. Le coeur est bien lumineux, les bords plus sombres mais la forme générale est visible: on dirait une compression de César! Etonnante visite. La deuxième nuit, le spectacle était vraiment fascinant, j’y suis passé plusieurs fois.

Je continue ma remontée vers Phecda pour m’arrêter sur M106 et sa cour. Elle ne déçoit jamais, belle, lumineuse, assez grande, cette superbe spirale est immanquable! Le noyau, au centre d’un bulbe, est bien brillant. On ne distingue pas de bras, mais on devine un sens de rotation. Autour de la belle,  quatre petites galaxies. Je n’en verrai, difficilement, que trois: NGC 4217, 4220, 4346. Ce sont de petits fuseaux, assez faibles ces soirs-là. Mais l’ensemble, encore une fois,  visible entièrement dans le champ du 26mm est magnifique.

Retour sur Cor Caroli, pour descendre cette fois vers le sud de la constellation. En prolongeant la ligne Alkaid-Cor Caroli d’un peu moins de la moitié de la distance, je tombe alors sur le plus étonnant des spectacles: deux petits groupes de galaxies, deux couples en fait, aux formes étranges. Et, là encore, dans le même champ! Vous l’aurez deviné, il s’agit de La Galaxie de la Baleine, et de La Crosse de Hockey. Au nord de l’oculaire, NGC 4656, une longue et fine galaxie (vue par la tranche). Sa brillance est irrégulière, une extrémité est assez brillante, l’autre est plus faible, ce qui donne à l’ensemble un air de comète. Et puis, du côté le plus brillant, un appendice prolonge bizarrement ce “bâton”: c’est NGC 4657, une petite galaxie qui semble “tordue”; je dois jouer de la vision décalée pour bien voir cette partie. Mais toujours est-il que l’ensemble est bien reconnaissable: une crosse de Hockey! Le 26mm donne sa pleine mesure, c’est lui qui restitue le mieux l’ensemble. En grossissant, les parties faibles se diluent dans le ciel, et l’ensemble perd son identité.

Mais cela n’est pas fini car, au sud de l’oculaire, une grande spirale, NGC 4631, apparait, à la fois fine et longue, mais également renflée dans sa partie presque centrale. La texture ressemble à celle de la Galaxie du Cocon, à la fois irrégulière, rugueuse, mais aussi visqueuse. C’est curieux, j’en suis bien conscient, d’utiliser de tels adjectifs pour décrire des objets que l’on ne peut toucher, mais c’est la représentation que les images me suggéraient.  Le bulbe et son noyau est un peu décentré, pas de doute: c’est une baleine ! Et de plus, le baleineau, une petite galaxie, NGC 4627, nage à ses côtés. Elle est plus faible, légèrement ovale, on dirait un coup de spatule avec de la peinture à l’huile,  sur la grande toile noire. Oui, il y a du relief dans cette image, je ne la touche pas mais j’en perçois toutes les formes, les lignes. Pas de doute, ce sont des sculptures galactiques.

Sur les deux nuits, j’ai dû passer de très longues minutes à me délecter de ces sculptures: le Cocon, puis NGC 4449, et enfin la Crosse de Hockey et la Baleine! Du grand art céleste.

Mais cela n’est pas fini. Je rejoins maintenant le point le plus méridional de la constellation. Vous me direz: où ça exactement ? Et bien, c’est facile, il est matérialisé par un objet remarquable: une merveille d’amas globulaire, M3. Pourtant, à première vue, je suis un peu déçu: le 26mm me montre une tache vaguement lumineuse en son centre. je m’apprête à changer d’oculaire, lorsque… mais… ça bouge là! Le coeur s’est mis subitement à se métamorphoser; plus je le fixe plus je vois de points distincts, et une incroyable impression de fourmillement. Je n’en reviens pas: je suis entrain de résoudre M3 avec un grossissement de 60x! Lorsqu’il me semble que l’ensemble est résolu, je passe le 13mm (123x) et le même phénomène se reproduit: les étoiles du coeur semblent s’éclairer les unes après les autres, je plonge dans cet entonnoir de diamants, mon oeil est envoûté, aimanté. Sublime.

C’était comme si ces objets, que je connaissais pourtant, m’apparaissaient pour la première fois. Il s’est passé quelque chose ces deux dernières nuits, oui, le ciel m’a bluffé.

Je passerai donc sur quelques autres recherches (Hickson 68, ou le groupe NGC 4138-4111-4143) qui nécessiteraient un ciel encore plus transparent; ou sur NGC 5005 et NGC 5033 un joli couple galactique au large de Cor Caroli. Mais rien n’y faisait, mon oiel voulait inlassablement retourner vers ces divines sculptures galactiques, et les contempler. Et aujourd’hui, ma mémoire ne veut parler que d’elles.

jp

Lendemains de fête

25 février.

Il y a plusieurs jours que je snobe le ciel; vous avez bien lu. Après dix nuits exceptionnelles, le ciel a changé. On sent les prémices du printemps, l’instabilité de l’atmosphère. Vous me direz que j’exagère, et je serais d’accord! Mais il est difficile d’accepter l’ordinaire quand on a goûté à l’excellence. Cela fait donc plusieurs soirs que je délaisse un ciel pourtant convenable: des étoiles qui claquent dans la nuit, même si quelques nappes de brumes, ou nuages isolés tentent de les effacer. Mais j’avais toujours en mémoire les images merveilleuses du début du mois; il fallait que je les oublie un peu, que le désir se réinstalle.

Il est 23h lorsque je me décide à sortir le T300. En regardant le ciel je me dis que ça devrait quand même valoir le coup, mais pourtant quelque chose est différent: le silence. Le silence a disparu. En cette période de vacances scolaires, la population du village a quadruplé, et le silence de la montagne en fait les frais: allées et venues sur la  route , éclats de rire, bruits de  voitures , portes qui claquent, lumières  incongrues; sur les flancs de la montagne, en face, les engins dament les pistes à grand renfort de moteurs diesel…  Cette ambiance me perturbe, j’aime ne rien entendre lorsque je j’observe.   Pour couronner le tout, les lumières publiques ne s’éteignent plus depuis une semaine, concession sans doute accordée aux citadins qui ne savent plus ce qu’est la nuit. Curieuse époque, on vient à la montagne non pour en apprécier le calme et la quiétude mais en y déplaçant les nuisances de la ville…

Faisant contre bonne fortune bon coeur, je pointe NGC 1976 et NGC 1982, autrement dit la grande nébuleuse d’Orion (ou bien, plus prosaïquement,  M42 et M43). Le Nagler 26mm semble être fait pour elle: le champ, mais aussi le piqué, la précision, les couleurs. La palette des couleurs me fait penser aux peintures de Velasquez, aux tableaux orientalistes  de Goya.  J’ai l’impression de la découvrir depuis que je la regarde au 26mm.

Un court passage au Nagler 13mm (sur le trapèze) me montre que la turbulence ne me laissera pas grossir plus. Pour la suite, le 26mm ne quittera que peu le porte-oculaire.

Encore perturbé par l’ambiance sonore et lumineuse, je passe voir quelques grands classiques de l’hiver (M46+M47, la Rosette, Hubble, et le trio du Cocher M36+M37+M38). Toujours au 26mm, je prends  beaucoup de plaisir à détailler ces objets à un grossissement (62x) inhabituel pour cet exercice. Mais la précision du Nagler est redoutable. Chaque fois que je passerai le 13mm pour essayer d’en voir plus, la turbulence provoquera l’effet inverse.

C’est sans doute aussi pour cette raison, que je chercherai en vain les planétaires IC2149 et PK 158+17.1 dans le Cocher.

Une petite visite à l’Hydre, pour passer voir le Fantôme de Jupiter, NGC 3242, belle nébuleuse planétaire très lumineuse. Au bout d’un moment, et malgré la luminosité du disque, la centrale (mag 12) apparait, un petit point bien net. Puis je remonte un peu dans le Sextant et la galaxie du Fuseau (NGC 3115), belle,  un joli fuseau, avec sa région centrale bien lumineuse autour d’un noyau ponctuel.

Puis je me dirige vers le Lion, et son Triplet, un peu pâle mais le plaisir de voir ces trois galaxies dans le même champ est toujours le même. Et puis, une visite à NGC 2903, la plus belle galaxie du Lion, une de mes préférées de l’hiver. En vision décalée on devine que c’est une spirale barrée.

Je terminerai cette soirée, agréable malgré des conditions d’observation particulières, par une visite à la Grande Ourse: M81+M82+NGC 3077, autre triplet remarquable bien mis en valeur par le nagler 26mm (encore): pour une fois, M81 et M82  rivalisent de détails et sont aussi agréables à détailler. Enfin M94, dans les Chiens de Chasse,  un Oeil de Chat bien lumineux, brillant en son centre, et un large disque plus discret tout autour. Dommage que la turbulence ne m’ait pas laissé plus détailler cet oeil.

Dommage aussi que les conditions d’observation aient un peu gâché le plaisir. Je retrouverai avec joie, le silence et la vraie nuit à partir de la semaine prochaine.

jp

Une parenthèse dans l’hiver

Drôle d’hiver en vérité : une arrivée précoce, puis d’étonnantes variations de température en janvier, et maintenant un début de février printanier ! Entre le 2 et le 12 février, l’hiver a carrément fait une pause. A 1700m, en février, il est inconcevable que les températures oscillent entre 3° et 7° au milieu de la nuit, et que le taux d’humidité soit sous la barre des 40%, avec un record de 26% ( !) le 6 février à minuit ! Et le ciel, me direz-vous ? Le ciel ? Oh, il a aimé ça ! Il faut que je remonte très loin dans mes souvenirs pour retrouver trace de conditions comme celles dont j’ai bénéficié pendant dix jours : une transparence exceptionnelle, une turbulence quasi nulle, pas un souffle de vent, que demander de plus ? Je n’ai pas beaucoup dormi ces dix jours-là, sortant le T300 toutes les nuits, parfois avant minuit, souvent après ; mais quel plaisir !

Vous comprendrez bien qu’il m’est impossible de vous raconter ces dix nuits sans vous ennuyer. Je vais donc vous en rapporter les meilleurs moments, les émotions, les plaisirs, ce qu’il me reste de dix jours de pur bonheur. L’impression forte, c’est que j’ai eu le sentiment de vivre une très longue nuit car, chose rare, les conditions étaient exactement les mêmes d’un jour sur l’autre. Du coup, on prend son temps, on ne cherche pas à exploiter intensément des heures exceptionnelles, puisqu’on sait que demain sera comme aujourd’hui !

Les premiers jours, je me suis concentré sur le secteur sud-sud-ouest, celui qui me tend les bras devant chez moi aux environs de minuit, c’est à dire du Cancer jusqu’au Taureau. Bien sûr Orion est incontournable, mais j’ai un faible pour la Licorne. Tout d’abord il y a les trois nébuleuses : Rosette, Hubble, Cône, et les amas ouverts qu’elles renferment. En cherchant bien, on y découvre des petits trésors, comme la petite double orangée et bleue juste en dessous de Hubble. Mais je garde un souvenir ému de la Rosette toute entière dans le champ du Nagler 26mm, la nuit du 8 février.

Toujours dans la Licorne, je ne me lasse pas du superbe amas NGC 2301 ! Très belle vision au Nagler 26mm, avec un petit faible pour la petite étoile rouge à la base du « T » formé par les étoiles les plus brillantes de l’amas.

Et puis il y a le complexe nébulaire de la Mouette (Gum 1 + Gum 2) et les deux beaux amas ouverts qui s’y cachent (NGC 2335 et 2343). Il faut un filtre OIII assez sélectif pour en apprécier tous les méandres, (de la Mouette) mais la balade vaut le détour. Une région riche et très belle, qui demande du temps et de la patience.

De là, il est impossible de ne pas descendre voir dans la Poupe, le duo M46 et M47. J’y suis passé trois fois (les 3, 6 et 7 février) au Nagler 13mm pour les détailler, en particulier la nébuleuse planétaire NGC 2438. Avec la stabilité du ciel, la structure annulaire est facilement visible. Quant à la centrale, on voit très bien une étoile de magnitude 13 en plein centre, mais j’ai lu récemment que ce n’est pas la centrale, très proche, et qui est beaucoup plus faible (magnitude 17,7). Dont acte. Belle vision en tout cas. Le 8 février, cette nuit incroyable où je n’ai utilisé que le Nagler 26mm, les deux amas tenaient quasiment dans le même champ (il en manquait un poil !).

Pour revenir au 8 février, ce fut vraiment une nuit d’exception, au cours de laquelle j’ai pu apprécier ma récente acquisition : le Nagler 26mm. C’est simple, je l’ai placé dans le porte oculaire à 23h30, et ne l’ai retiré qu’à 1h du matin ! Tous les groupes d’objets y sont passés, et les objets étendus bien sûr (comme M45). Je ne vais pas tous les décrire, mais les visions les plus marquantes furent :
M42 et M43 : le goéland plus beau que jamais, traversant le ciel les ailes déployées ! M43 rouge, le cœur de M42 (autour du trapèze) vert, et les extensions (les ailes) roses. Cet oiseau-là (sans filtre) restera longtemps dans ma mémoire !
– Le duo M35-NGC 2158, une vision que j’affectionne particulièrement.
– Le trio M81-M82-NGC3077.
– Le triplet du Lion : M65-M66-NGC3128.
– Le Double de Persée bien sûr !!
– Le Double du Taureau : NGC 1807 et 1817.

Je passe sur bien d’autres ! La conjugaison de la qualité du ciel et du Nagler 26mm m’a incité à beaucoup de contemplation : M36, M37, M41, M44, M45 (les nébulosités visibles sans filtre), etc.

A partir du 10 février, je me suis consacré exclusivement aux galaxies, principalement dans le Lion et la Grande Ourse, avec des détours dans la Chevelure de Bérénice et la Vierge. Les grands classiques tout d’abord, et puis quelques groupes Hickson du Lion, le ciel s’y prêtait si bien !

Lion

Le Triplet est incontournable : au Nagler 26mm tout d’abord, puis aux Naglers 13, 9, et même 7 pour détailler chaque composante (NGC 3128 est magnifique de finesse). Puis, un autre triplet : NGC 3681-3684-3686, facile tant le ciel le permettait ; trois boules de coton à première vue, mais 3684 et 3686 (surtout) s’avèrent ovales et plus lumineuses. Et puis, au bout d’un moment, le quatrième mousquetaire (NGC 3691) fait son apparition, pour former avec les trois autres un T galactique que je savoure en silence.

Après un survol du groupe M95-M96-M105-3384-3367-3377, je passerai deux soirs (10 et 11) à la recherche des groupes Hickson 44, 51, et 57. H44 est le plus facile, quatre galaxies de magnitude 12-13, le 11 février je verrai les quatre au premier coup d’œil (la composante “d” approche, elle, la magnitude 14) et dessinerai le quatuor. A noter une fine bande d’absorption sur la composante centrale “a”.

Les 11 et 12 février, je partirai à la découverte des groupes 51 et surtout 57 (le Septet de Copeland). Je localise assez rapidement 3 des 7 composantes, puis 6 ( ?). Mais elles sont très faibles (toutes autour de la magnitude 15). Pas facile. Quant à H51, l’atlas Uranometria me permettra de localiser NGC 3651-3653 au large de 72 Leo, mais H51 restera invisible. Des recherches toutefois passionnantes, je n’ai pas vu le temps passer !

J’oubliais presque NGC 2903, sous le museau du Lion. Magnifique galaxie barrée, la plus belle du Lion à mon avis. La barre est visible, et le sens d’enroulement des bras perceptible, mais les bras restent difficiles.

Grande Ourse

La constellation est bien haute en cette époque, et c’est un bonheur de passer voir tous les Messiers qui la peuplent. Avec le ciel dont je disposais, les images les plus extraordinaires se sont succédé. Que dire ? Tout d’abord, un énorme coup de cœur pour M51 : à 5h du matin le 12 février, j’y ai passé une heure. Les deux bras de M51 étaient incroyablement détaillés, et même en relief ! Je n’ai pas résisté à essayer de prolonger cette vision en la dessinant. Et puis M101, dont le noyau brillant, les trois bras et quelques régions « NGC » étaient facilement visibles ! Et puis, le duo M97-M108 dans le champ du Nagler 26mm !

Bérénice

J’ai fini cette longue nuit de 10 jours par un passage dans la Chevelure de Bérénice. J’en garderai une image merveilleuse de l’Oeil Noir (M64). La bande d’absorption était très nette en vision directe, quel œil au Nagler 7mm ! Et puis, deux amas globulaires M53 et NGC 5053 dans le champ du Nagler 26mm !! M53, éclatant, dont le cœur est presque entièrement résolu ; et 5053, enfin visible, faible, pâle, peu contrasté, mais bien là ! Ces jours-là, tout était possible !

Comme je le pressentais, raconter cette aventure (c’en est une !) est impossible (j’ai oublié Cassiopée, les Gémeaux, le Cancer, la Vierge !). Et puis, mon récit doit être aussi « fouillis » que mes notes… J’espère vous en avoir néanmoins transmis quelques émotions.

Il neige aujourd’hui, l’hiver a repris le contrôle ; la parenthèse est refermée…

jp

Calme hivernal

24-25 janvier 2011

La semaine dernière, l’arrivée de la pleine Lune avait coïncidé avec le retour du froid. Une bonne nouvelle, car malgré un ciel clément depuis le début de l’année, les quelques sorties nocturnes furent très décevantes. La faute à des variations de température si extraordinaires que les masses atmosphériques au-dessus des montagnes en étaient toutes retournées. J’attendais donc deux choses depuis quelques jours: le froid, et que la Lune cesse de faire de nos nuits des nuits blanches. Hier soir, tout semblait réuni: -7°, 41% d’humidité, vent nul. Il ne fallait pas râter ça!

Dès que je suis sous les étoiles à côté du T300, je ressens un calme rare. C’est un de ces soirs où le temps semble être suspendu: pas un bruit, pas un souffle, on entendrait les étoiles respirer.  Ces moments-là appartiennent à l’hiver, il n’y a qu’en cette saison que je les ressens. J’ai le coeur qui bat, je veux croire que le ciel sera avec moi cette nuit. Lors de ma dernière sortie, la turbulence était féroce, même à 50x les étoiles dansaient dans l’oculaire ! Qu’en est-il ce soir ? Je mets le 13mm dans le porte-oculaire, et pointe directement la nébuleuse d’Orion. Je veux voir ce que montre le Trapèze ce soir. La dernière fois, seulement quatre étoiles floues, et des vagues de chaleur qui traversaient le champ. Et ce soir ? Je souris; au premier coup d’oeil: six étoiles d’une netteté absolue !  E et F sont résolues très facilement, leur finesse est un bonheur. Le calme ambiant m’envahit, je vais passer une bonne soirée.

Puisque je suis sur Orion, je me promène dans M42, grossis les détails du coeur verdâtre. La zone sombre autour du trapèze se détache magnifiquement. Au 9mm (120x) il y a des détails partout: la nébuleuse du coureur (NGC1973-75-77) pas vue aussi bien depuis longtemps. M43 est, elle, d’un beau rouge “lie de vin”, une gracieuse corolle qui entoure une merveille d’étoile . Un spectacle inoubliable hier soir.

Je remonte un peu en direction d’Alnitak pour m’arrêter sur le complexe de Sigma Orionis: je le retrouve tel qu’il devrait toujours être (!) Symphonie en bleu, une triple et une quadruple dans le même champ, et les trois petits compagnons de Sigma qui jouent aux satellites!

Je me déplace ensuite entre le Grand Chien et la Licorne pour m’arrêter sur M46 et M47, que je vois à l’oeil nu. Spectacle qui me réjouit là encore. Lors de ma dernière visite je ne voyais quasiment pas NGC2438. Là, je vois la centrale sans difficulté, et une structure annulaire en vision décalé. L’amas (M46) est beau, riche; je me régale à résoudre de minuscules points orangés. Quand je pense que j’en avais fini par penser que ma collimation était “à la rue” lors de ma précédente sortie !

Je remonte dans la Licorne, pour passer voir NGC2301, ce magnifique amas ouvert découvert cet hiver. Sa forme originale, triangulaire, et ce grand T qui se détache avec son étoile rouge à la base du T, sont une vision unique dont je ne me lasse pas.

Je continue ma remontée en direction du trio de l’hiver: la Rosette, la nébuleuse Hubble, et l’arbre de Noël. J’oublie de monter le filtre OIII, mais la Rosette se montre malgré tout facilement, ce ciel est vraiment transparent! La “comète” Hubble est toujours aussi touchante, et l’Arbre de Noël brille de tout feu. Une voie royale en direction des Gémeaux.

Direction NGC2392. Quelle folie hier soir! Une stabilité incroyable, j’ai pu grossir jusqu’à 300x. La couleur bleutée et le disque interne brillant entourant la centrale étaient presque évidents. Puis, en jouant de l’effet “blink”, un anneau sombre détache le centre de la zone périphérique bleue. Tout ça avec une turbulence nulle! Un peu plus haut, NGC2371-2 était plus discrète, je distingue faiblement le canal entre les deux lobes. Mais le Clown faisait le spectacle hier soir !!

Je sais que la Lune se lève vers 0h30, il me faut en tenir compte, le ciel s’éclaircit vers l’est. Je quitte donc le secteur pour aller vers le nord-ouest. En passant je m’arrête tout d’abord dans le Lièvre. Deux bonnes raisons: IC418 et R Lep, l’Etoile Cramoisie de Hind. La couleur de  cette étoile est toujours aussi incroyable: ce rouge est unique dans le ciel, il ne ressemble à aucun autre. Quant à IC418, je ne l’avais tout simplement jamais vue aussi bien que ce soir! Sa couleur rouge est vraiment évidente, avec sa centrale orangée, et un anneau sombre qui l’entoure. Une merveille cette nébuleuse planétaire !!

Puis, je passe voir Capella. La géante au casque d’or se montre éclatante. Une aigrette magnifique traverse le champ du 13mm. Les compagnons sont facilement visibles. Ciel bien noir par ici, couleurs qui claquent, le 300 se régale.

Je ne résiste pas aussi à m’arrêter sur le double dans Persée. L’image de début janvier était trop vilaine pour en rester là. Mais ce soir, je retrouve ce fourmillement familier, le petit diadème au centre de NGC869, les petits points orangés dans le coeur de NGC884, quel plaisir pour l’oeil…

Et puis, une idée me traverse l’esprit à la vue de la Grande Ourse. A priori je ne suis pas convaincu que ce soit bien le soir, mais j’ai envie de passer voir Bode. Dès le point rouge en place, M82 est là en plein champ. Et… la claque! J’ai toujours préféré M82 à M81, mais ce soir elle est en grande forme. Je “tourne” sur le trio (M81-M82-NGC3077) plusieurs fois. M81 est belle, bien joufflue, des amorces de bras sont visibles vers le centre. NGC3077 est très belle aussi: la zone centrale est très fournie, on dirait une grosse boule de coton. Mais à chaque tour, je reste un peu plus longtemps sur M82. Et puis j’y resterai une demi-heure non stop! Je mémorise le maximum de détails, et une fois rentré je dessine ce que j’ai vu. Exercice intéressant, suggéré par un grand dessinateur pas très loin de chez moi (sur l’autre versant de mes montagnes). Je trouve la technique efficace. Habituellement, je prends des notes, ou fais des croquis qui me permettent de reconstituer l’objet par la suite. Hier soir, j’ai emmagasiné  le maximum de choses pour en ressortir quelque chose qui est vraiment très proche de ce que je voyais. A vous de me dire ce que vous en pensez!

La Lune (et le dessin) me poussent à rentrer. Une belle portion de nuit ma foi, et des conditions idéales.

jp