Matin glacial

4h, ce matin. Le froid est intense ( -15°). Engoncé dans les nombreuses couches de vêtement, je sors avec lenteur et une certaine maladresse le T300 dans la neige. Le manteau blanc, qui amplifie la lumière des astres, crée une ambiance qui me rappelle un peu la fausse nuit des jours d’éclipse totale de Soleil.  Pas un bruit dehors, je me sens seul sur la croûte gelée. Le ciel qui me fait face est splendide. Ce secteur sud-sud-ouest est mon terrain de jeu depuis le début du mois. Orion se couche, et semble poussée par la Licorne. Les Gémeaux, eux, se tiennent sur leurs pieds, ils semblent me saluer. Je leur rend la politesse, et regarde le ciel à l’oeil nu: vision prometteuse, plusieurs amas ouverts sont nettement visibles, NGc 2244 (le coeur de la Rosette), M41 dans les pattes du Grand Chien, et puis M47 là-bas dans le prolongement de la ligne Mirzam-Sirius.

Le premier objet que je pointe est M35, là juste au-dessus de Iota Gem. Magnifique spectacle dans le champ du 13mm. D’un côté, les lumières éclatantes de M35, de l’autre la douceur de NGC 2158. Le second parait comme enveloppé dans une brume froide. Différence de taille aussi, M35 étendu, 2158 ramassé et discret: la grande ville, et le village dans la brume.

Je cherche NGC 2129 sur la carte, je sais qu’il n’est pas loin. Mais chaque fois que je baisse la tête de la buée envahit mes lunettes, il va falloir que je me débrouille tout seul. Je prolonge visuellement la ligne Eta-Iota et suis cette ligne virtuelle à partir de Iota. Le petit amas sera rapidement dans le champ. Il est petit, et compact, autour d’une étoile double plutôt blanche.

Un peu plus vers l’est, je me positionne au-dessus de Mu et Eta. L’amas Collinder 89 est comme ses congénères Collinder, très étendu, lumineux. A regarder plutôt avec une lunette. Mais juste à côté, se cache une petite nébuleuse diffuse, IC 444. Eclairée par une étoile de magnitude 7 (12 Gem) elle est toutefois très pâle. Je ne distingue (avec le filtre OIII) qu’un halo autour de 12 Gem. Pas facile.

Un peu plus bas (à hauteur d’Athena Gem) , je m’arrête sur Xi Gem. Un petit arc d’étoiles la souligne élégamment. Mais surtout, juste à sa droite se trouve le très bel amas NGC 2169.  Il se compose de deux petits groupes qui dessinent le nombre “37” (à l’envers dans l’oculaire). Contrairement à certains autres astérismes, le “37” est là évident, très esthétique. Très sympa ce petit amas!! A voir absolument. A noter que 2169 appartient en fait à Orion, la constellation voisine.

Je ne quitte pas Les Gémeaux sans passer voir les deux petits “coeurs brisés” NGC 2392 (l’Esquimau) et NGC 2371-2. L’Esquimau est très beau ce matin, avec un effet “blink” prononcé: la centrale, très brillante, ou la nébuleuse, on peut choisir son camp! Et puis, tout en haut, du côté de Castor et Pollux, NGC 2371 est, elle, plus discrète. Je distingue quand même facilement les deux lobes.

Je rejoins maintenant la Licorne. Puisque NGC 2244 est ce matin encore visible à l’oeil nu, je commence par lui. La Rosette est à peine visible sans filtre, et plutôt discrète avec. Il faut dire qu’elle commence à être basse dans le ciel. Par contre NGC 2261 (Hubble Nebula) est vraiment belle ce matin. La comparaison avec une comète est vraiment justifiée (il y a quelques jours je voyais plutôt un éventail), le “noyau” très lumineux éclaire une belle queue, plutôt large. J’ai vraiment aimé!

Un poil plus haut, petit passage par le soi-disant “Arbre de Noël”, NGC 2264. A l’endroit, ou à l’envers, je ne le vois pas cet arbre, moi… bref, néanmoins un bel amas lumineux et étendu. Il me fait plutôt penser à la cascade de Kemble !

Je commence à avoir une onglée, à travers les gants! Faut dire que le tube est vraiment froid; sa couleur blanche lui donne des airs de glaçon 😉

Je me dirige donc vers M47, pour un joli final. Facile, puisque je le vois trôner dans ce coin du ciel plutôt sombre. L’instant d’après j’admire son éclat, ses couleurs, et ses deux doubles. Et puis surtout, lorsque l’on vient sur M47, le plaisir est de pousser légèrement le tube pour se retrouver sur M46, et passer de la lumière à la douceur, de l’éclat à la finesse. Et puis, cerise sur l’amas, NGC 2438 comme un cadeau. Son étoile centrale est bien visible,  et au 7mm (220x) la structure annulaire. Avec cette autre petite étoile sur sa périphérie, c’est une très belle image de fin.

Il est 5h30, et malgré tout ce que j’ai sur le dos, j’ai froid aux mains, et au visage. Il faut dire qu’un petit filet d’air glacial me caresse depuis plus d’une heure. Je décide de m’arrêter, et d’aller me réchauffer au coin du feu!

Glacial, le réveil, mais des images réjouissantes!

jp

Deux nuits

Deux belles nuits, plutôt douces, sans humidité. Un grand plaisir que je partage volontiers avec vous.

9 décembre.

Tout d’abord, les conditions : 0°, seulement 35% d’humidité (!), pas de vent, une bonne transparence, mais malheureusement toujours de la turbulence. Il y a un moment maintenant que je n’ai pas eu une nuit sans (forte) turbulence, affectant même les étoiles…

Au programme ce soir, quelques objets sur lesquels j’avais noté de revenir. Le secteur est celui du moment, autour d’Orion : Gémeaux, Cocher, Taureau, Licorne, Lièvre, Eridan.

Sur ma liste : un petit double amas, des nébuleuses connues et moins connues, deux nébuleuses planétaires que je traque depuis un moment, quelques galaxies. De quoi passer une bonne soirée 😉

Afin d’attendre que le Lièvre et l’Eridan soient plus hautes dans le ciel, je commence par le Cocher et le Taureau, indissociables. Vous avez sans doute remarqué dans le pentagone du Cocher, une sorte « d’épée d’Orion » dans la partie basse, au centre. A l’œil nu, trois étoiles sont alignées à cet endroit. Pour les matheux, elles semblent appartenir à la médiatrice du segment Beta Aur-Iota Aur. Il y a tout d’abord 19 Aur, puis 16 Aur, et enfin 14 Aur, une petite double. A la hauteur de 19 Aur, de part et d’autre, se trouvent deux petites nébuleuses diffuses : IC410 (à gauche) et IC405 (à droite). La plus facile à localiser est IC410, car elle enrobe un petit amas ouvert NGC 1893. Sans filtre, seul l’amas est visible. De forme irrégulière, contenant une petite vingtaine d’étoiles. Au bout d’un moment, une vague forme de « V » semble se dégager. Mais une fois le filtre OIII chaussé, la nébuleuse apparaît. Elle enrobe bien le « V » comme un papier mi-transparent mi-translucide. Une jolie vision que cette nébuleuse, appelée par les photographes Nébuleuse des Têtards à cause de deux trainées gazeuses qui semblent s’échapper du nuage ; trainées bien sûr invisibles à l’oculaire.

De l’autre côté de 19 Aur, se trouve IC405, la Nébuleuse de l’Etoile Flamboyante. La dite étoile est AE Aur, une petite étoile variable. Il faut là encore le filtre OIII pour apercevoir la nébulosité, grande et (très) faible. Il faut reconnaître qu’elle n’est pas spectaculaire à ce diamètre. IC410 m’a laissée une bien meilleure impression.

Je me dirige ensuite vers le Taureau, non sans avoir rendu une petite visite de courtoisie à M37, le plus bel amas ouvert du Cocher avec son étoile orangée en plein centre. Mais ce qui m’amène dans le Taureau, c’est le double amas. Pas l’autre, non, je parle de NGC 1807 et NGC 1817. Une conjugaison lilliputienne du double amas. Les deux tiennent aisément dans le même champ, l’un est discret, fin, et dense (1817); l’autre (1807) brillant et moins riche. Une jolie variante du plus célèbre des Doubles Amas, que ce Double Amas du Taureau.

Encouragé par la vision d’IC410 avec le filtre OIII, je passe voir la Nébuleuse du Crabe. Et bien, il n’y a pas de vérité absolue en matière de filtres et de nébuleuses. M1 me montre plus sans filtre qu’avec. Je vois très bien, en vision directe, des mouvements que je sais être des filaments. En tout cas une granularité bien différente de la vision que j’en avais au T200.

Avant de redescendre vers la Licorne et le Lièvre, je me dirige vers les Gémeaux. Deux raisons, deux nébuleuses planétaires : NGC 2392, l’Esquimau, et puis surtout NGC 2371-2. 2392, que je passe souvent voir ces jours-ci, est égale à elle-même, bleutée, la centrale bien visible, et une petite structure autour, assez floue car la turbulence est trop présente. Mais c’est 2371 qui m’intéresse ce soir. J’en ai vaguement aperçu les contours la semaine dernière, mais je veux en voir plus. Environ à mi-chemin entre Iota Gem et Rho Gem, je pose mon point rouge et… la voilà, éclatante ce soir. Contrastée, de forme allongée, les deux lobes lumineux  m’apparaissent immédiatement en vision directe au 13mm. Je chausse le 9mm (170x) puis le 7mm (220x), la vision devient floue mais les deux lobes sont éclatants ; un petit canal sombre semble les séparer. La centrale n’est toutefois pas visible. Côté couleur, l’ensemble m’est apparu blanc. Quelle belle surprise, je suis heureux ! 😉

Après avoir longuement observé NGC 2371, direction le Capricorne. Un petit arrêt sur NGC 2301, découvert la semaine dernière, c’est vraiment un amas ouvert très original. Et puis direction les nébuleuses : le Cône et son amas, Hubble, et la Rosette et son amas. La Rosette sera vite repérée car je vois son amas central, NGC 2244, à l’œil nu.  Au 13mm, l’amas est éclatant, mais la nébuleuse ne se montre pas. Je ne suis pas surpris, la Rosette nécessite un filtre OIII (comme quelques autres nébuleuses). Dès le filtre en place sur le 32mm, la fleur apparaît. Comme souvent, je distingue trois zones distinctes autour de l’amas, comme trois pétales. Toujours aussi belle, la Rosette !

De l’autre côté de 13 Mon, je rencontre NGC 2261, la Nébuleuse variable de Hubble.  Avec le filtre OIII, je vois bien sa forme de « comète » : une tête brillante, et une pâle queue qui semble s’en échapper. On pourrait aussi y voir un éventail, mais je préfère l’appellation de comète. Belle vision en tout cas !

Enfin, en remontant d’un petit degré vers le nord, je tombe sur l’amas NGC 2264, dit de l’arbre de Noël. J’avoue que je ne vois pas bien le sapin et les boules 😉 La nébuleuse est, elle, décevante, même avec l’OIII. On voit des trainées nébuleuses de-ci de-là, assez pâles. Et bien sûr par le Cône, réservé aux photographes, ou aux gros diamètres.

Orion est maintenant bien haute. Je passe quand même voir M42, et aussi Sigma Orionis (superbe étoile multiple), puis me dirige vers l’Eridan. Au programme, NGC 1535 bien sûr, mais aussi quelques petites galaxies. La coquille de bleu (1535) est magnifique. Je l’admire en silence. Et puis je me dirige vers NGC 1700.  C’est une galaxie située entre Beta Eri et Mu Eri, non loin de la double 62 Eri. Elle est ovale et montre un noyau ponctuel. Continuant ma route le long de l’Eridan, je rencontre NGC 1637, non loin de Mu Eri. Elle ressemble à NGC 1700. Enfin, le vais voir NGC 1600, un peu plus bas que Nu Eri, également ovale et avec un noyau marqué.

Il est bientôt 2h. je vais terminer ma balade du jour par le Lièvre. Je cherche depuis des semaines à voir la nébuleuse planétaire IC418, dite le Spirographe. Et bien, hier soir, je l’ai trouvée… du premier coup ! Je n’en reviens pas, tellement j’ai usé mes yeux dans cette région à sa recherche. Sa centrale est bien visible au 13mm. Par contre, c’est sa couleur qui me déçoit un peu. Je m’attendais à une couleur rouge-rosée, je la vois… blanche. Après de longues minutes j’ai l’impression de voir des reflets orangés… Fantasme ou réalité ? Il faudra surveiller ça tout au long de l’hiver. Pour me consoler de cette « non-couleur », je passe revoir l’Etoile Cramoisie de Hind. Quelle couleur ! Et quel final !

10 décembre.

Le lendemain, même conditions (juste un peu plus froid, -4°, et un peu moins de turbulence: je voyais les étoiles bien ponctuelles, ce qui n’était pas le cas ces derniers jours), je remets donc ça. Sur le coup de minuit, me voilà dehors avec un programme différent. Ce soir, je ne vais pas à la recherche de l’inconnu ; j’ai envie d’approfondir certaines observations, de me concentrer sur des objets que je connais bien, ou que j’ai découverts récemment, et de chercher à voir plus et mieux. L’expérience m’a appris qu’il est rare de tout voir à la première observation, et que même des objets « connus » cachent encore des choses. J’ai sélectionné six nébuleuses planétaires, et je vais leur consacrer deux heures, les scruter, les comparer, en prenant le temps.

NGC2022 dans Orion

Elle se repère facilement, mais on ne voit pas de détails si on ne grossit pas. Au 7mm (220x) j’ai vu, après un temps d’observation conséquent, une ébauche d’anneau interne. Quant à la couleur, des reflets verdâtres se montrent de temps en temps, mais l’aspect général reste dans les gris, voire blanc cassé.

IC418 dans le Lièvre

J’ai enfin  pu l’observer le 9 décembre (voir plus haut), après des semaines de recherche. En fait, je cherchais une petite boule rouge, et sa couleur n’est pas si tranchée. La première fois je l’ai vue blanche, sans trop de détails. Je la trouve aussi un peu plus grosse que ne le laisse supposer les éphémérides (9’’). En tout cas, je l’ai encore mieux vue cette nuit. La centrale (mag 10.2) est vraiment bien visible au 13mm (120x). Au 9mm (170x) j’ai même pu apercevoir un anneau sombre autour de la centrale. Et puis surtout, j’ai trouvé la centrale légèrement orangée, à moins que ce ne soit la couleur de l’ensemble qui la montre comme ça. Toujours est-il que j’ai pu, hier soir, voir cette couleur qui rend IC418 spéciale. Il faut du temps à l’oculaire, mais cela en  vaut la peine.

NGC 1535 dans l’Eridan

Je l’ai aimé depuis ce jour de novembre 2009 où je l’ai observée dans le T200. Avec le T300 , son bleu est encore plus éclatant, sa centrale (mag 12.2) facile en vision directe. Une petite étoile est aussi visible à la limite de la couronne. Malheureusement, elle est basse (-12° de déclinaison) et la turbulence m’a empêché de grossir plus de 170x.

NGC 1360 dans le Fourneau

Là, on est encore plus sud (-25° de déclinaison), et ça « turbulait » pas mal. Je l’ai quand même localisée assez facilement, juste en dessous du « retour » de l’Eridan. Bleutée, de forme ovale, elle est quand même assez grosse (6.5’). Après de longues minutes, je pense avoir aperçu la centrale, mais comme NGC 1360 n’est pas référencée dans les éphémérides de l’hémisphère nord, je ne peux pas vérifier sa magnitude. Il faudra que j’y retourne, la vision que j’en ai eu est assez prometteuse.

NGC 7662 dans Andromède

Dans ce coin du ciel, la turbulence était moindre. J’ai pu aller jusqu’à un grossissement de 220x et même 300x. J’ai vue la centrale (mag 13) et surtout une structure en anneau que je n’avais jamais soupçonnée avec le T200. Un soir sans turbulence, il y a moyen de voir encore plus.

M76 dans Persée

Familière celle-là. Mais là encore, en prenant le temps et en grossissant (220x minimum) on voit des extensions sur l’une des extrémités. Les deux « têtes d’os » sont aussi assez lumineuses, surtout l’extrémité (vers le bas dans l’oculaire). Par contre la centrale (mag 15.9) ne se montre pas à ce diamètre.

Voilà, pour cette nuit, peu de choses, mais en profondeur. J’ai l’impression de mieux les connaître !

jp

Balade matinale

3 décembre, 3h. Hier, le ciel était magnifique, mais fatigué par la trop courte nuit (de sommeil) de l’avant-veille (vous me suivez là ?) j’ai résisté à l’appel du ciel pour prendre un peu de repos ; en me disant qu’il serait parfait de se réveiller vers 3h. Et comme souvent dans ces cas-là, ça marche ! C’est ce que j’appelle mon réveil interne 😉

Donc me voilà debout, je file à la fenêtre, et… une claque ! J’ai l’impression de regarder une photo ! Sur un ciel bien noir (aucune lumière dans les environs à cette heure-là), Orion trône majestueuse au sud-ouest. Autour d’elle, sa cour : Les Gémeaux, Le Cocher, Le Taureau, l’Eridan, Le Lièvre, le Grand Chien et La Licorne. Je reste le nez collé à la vitre, tel un enfant devant une vitrine de Noël ! J’ai encore sommeil, mais comment retourner me coucher ?! J’enfile le plus de choses car dehors il fait… -10°. Cinq minutes plus tard, je descends au garage à la simple lueur d’une petite led rouge (je n’éclaire jamais lorsque je me réveille en pleine nuit pour observer, il faut absolument conserver une vision nocturne quasi parfaite au milieu de la nuit). Dans le garage, ne pas se cogner aux voitures, trouver le tube, le sortir. Tiens, il fait moins noir qu’à la fenêtre : c’est l’oeil qui s’habitue, et puis la neige qui amplifie la lueur des étoiles. Comme il fait 3° dans le garage, le tube sera vite opérationnel ! Je retourne chercher les oculaires dans le noir. Dans la valise, je sais où les trouver : le 13mm à gauche, puis le 9mm, et le 7mm. Je ressors les poches plus lourdes.

Sans réfléchir, je sais que je vais faire le tour d’Orion. C’est la suite logique de la précédente nuit passée à explorer Orion. C’est un parcours que j’ai déjà fait l’hiver dernier, mais il est logique, et puis comme ça pas trop besoin de la carte 😉

Je regarde les Gémeaux, juste au dessus d’Orion, au niveau de la taille de Pollux (Wasat). Sur la gauche deux étoiles de magnitude 5 forment avec Wasat un triangle équilatéral. Juste à côté du sommet le plus occidental se trouve NGC2392, la nébuleuse de l’Esquimau. C’est elle que je scrute. Je pose le point rouge à cet endroit précis. La boule bleutée est superbe, la centrale (mag 10.5) est éclatante. Comme sur d’autres planétaires, l’effet blink est évident : en vision directe la centrale éclatante, noyée de bleu. En vision décalée (200x), un petit disque entoure la centrale, autour de lui une séparation plus sombre délimite la partie périphérique plus claire, d’un joli bleu turquoise. Je pousse le grossissement à 300x, ça danse dans tous les sens. Mais de temps en temps j’aperçois des « lueurs » dans la partie centrale, des sortes de tirets blancs. Jolie vision que cet esquimau.

Puisque je suis dans les Gémeaux, et que le ciel est assez transparent, j’ai envie de tenter deux autres nébuleuses planétaires : NGC2371-2 et PK205 (Medusa). Je les ai souvent tentées avec le T200, mais jamais vues. Pour 2371, il faut aller plus haut entre les « cous » de Pollux et Castor, un peu au-dessus de Iota Gem. Je balaie le secteur, 2371 est plutôt grande comparée à l’Esquimau (44’’ vs 20’’). Au bout d’un moment, je finis par apercevoir une nébulosité, pâle, très pâle. Je sais que c’est elle. Mais il me faudra revenir, et tenter de voir les deux lobes qui sont, parait-il, visibles dans un T300. Quand même satisfait de ma découverte, je descends maintenant vers le « genou » de Pollux  (Lambda Gem), 4° en direction de Procyon se trouve PK205. Pour repérer l’endroit, deux petits amas ouverts jalonnent l’espace : NGC 2395 et un peu plus loin NGC 2355. 2395 est plus grand et plus lumineux que 2355, plus discret. Mais la Méduse, pourtant assez grande (10’) restera invisible.

Poursuivant ma descente, je passe par la Licorne, et le bel amas ouvert NGC 2301. Il est superbe ! Riche et assez dense, mais c’est sa forme qui est unique : une sorte de grand T, certains y voient un volatile 😉 En tout cas, c’est un très bel objet.

Juste en dessous de la Licorne, se trouve une grande nébuleuse, la nébuleuse de la Mouette. C’est en fait un ensemble d’objets qui s’étendent depuis l’amas ouvert NGC2335 jusqu’à Ced 90.  Au gré des visites, certains apparaissent mieux que d’autres. Ce matin là, c’est Gum 1 (la tête de la Mouette) qui était la plus évidente. Lumineuse, circulaire, elle entoure une étoile brillante. NGC 2335 est aussi assez joli. NGC 2343 est plus discret. C’est en tout cas un arrêt à ne pas manquer que cette Mouette, on y trouve toujours quelque chose d’intéressant à voir, et pas toujours la même chose, ce qui la rend imprévisible.

En sortant de la Mouette, on entre dans le Grand Chien. La première rencontre est celle d’un autre amas ouvert (NGC 2345 – la région en regorge). De là, en se dirigeant vers l’ouest, on tombe sur NGC2359 la nébuleuse dite du Casque de Thor. Elle n’est pas en forme ce matin. Je distingue la forme, mais je vois habituellement plus de détails.

En glissant légèrement vers l’ouest, on entre dans la Poupe, riche constellation. Deux trésors sont incontournables : M46 et M47. Deux mondes, deux visions d’un amas ouvert. Le clinquant M47, étendu et brillant, à l’opposé de M46, plus dense et surtout d’une grande finesse. En regardant M46 on ne peut s’empêcher de penser à NGC7789, ou à M37. Et puis surtout, il y a NGC2438 posée sur le bord de M46. Une boule bleue posée sur un coussin de poussière d’argent (selon l’expression de Dédé !), c’est une merveille. En fait 2438 est en avant-plan de l’amas, et au bout d’un moment on ressent bien ce décalage de plan. Mais le premier coup d’œil est bluffant, et l’on croit que la planétaire fait vraiment partie de l’amas. Une étoile de magnitude 13 est bien visible près du centre de 2438, mais ce n’est pas la centrale beaucoup plus faible (magnitude 17.5). En grossissant un peu (220x) on devine aussi une ébauche de structure annulaire.

Je passe ensuite sous Orion, pour aller dans le Lièvre, voir IC418, une petite nébuleuse planétaire. Plutôt petite effectivement (14’’x 11’’),  et dans un secteur assez pauvre en points de repères. De plus, il est plus de 5h, et le Lièvre est assez bas, où la turbulence est la plus forte. Une fois de plus je ne repèrerai pas cette nébuleuse planétaire rouge, l’une des très rares. Fin janvier, ce sera plus facile.

Je remonte maintenant sur la droite d’Orion. L’Eridan est la première constellation que je rencontre. Une très belle nébuleuse planétaire est aussi sur mon chemin : NGC1535. Je l’avais découverte l’hiver dernier. Petite (21’’), elle est d’un bleu magnifique, avec une zone centrale d’un bleu plus soutenu, et une centrale visible en vision directe. Une « petite coquille de bleu », qui tremble dans la turbulence ce matin. Mais elle peut se montrer bien mieux lorsqu’elle est un peu plus haute dans le ciel (janvier-février). A suivre 😉

Me voilà dans le Taureau. La nébuleuse du Crabe est droit devant. Souvent décevante, elle m’a agréablement surpris le mois dernier. J’avais vu assez nettement son aspect granuleux, et des impressions de filaments. Même chose ce matin, le T300 semble plus adapté à cet objet assez faible. Le diamètre permet d’en voir un peu plus.

On approche 6h, le ciel ne va pas tarder à s’éclaircir (le soleil se lève tôt à l’est !). Je vais terminer ma ronde sur le plus bel amas ouvert du Cocher : M37. Il est encore magnifique aujourd’hui : un poudroiement d’étoiles,  et au centre une étoile rouge-orangée !

Le jour va se lever. Comme toujours j’ai les pieds gelés, mais je me suis offert une bien belle balade matinale ! 😉

jp

Photo: Le Cians en hiver. (Joel Pinson – 2006)

Dessert givré

1er décembre. Il est 23h30 lorsque je rejoins le T300 posé dans la neige depuis une bonne heure. Le ciel est très pur. C’est le même plaisir tous les hivers : la neige qui crisse sous les pas, le froid intense (–8°, 70% d’humidité), l’étendue blanche qui réfléchit la lueur des astres, les gestes lents et gauches à cause des épaisseurs de vêtements. A minuit, lorsque l’éclairage public s’éteint, la neige réfléchit encore plus la lumière de la Voie Lactée, c’est une atmosphère étrange : dans ma combinaison de ski, sur cette surface gelée, je me prends pour un cosmonaute sur la surface lunaire 😉

Ce soir, j’ai décidé de me concentrer sur la constellation reine de l’hiver : Orion. Un petit plaisir. Vous savez ? Celui que procure ces petits desserts givrés qui finissent si bien les repas ; on les regarde avec envie, et on les déguste avec lenteur en savourant chaque bouchée. Hmm… Orion ce soir c’était un merveilleux dessert givré !

Le ciel semble magnifique, mais il ne s’avère pas exceptionnel derrière l’oculaire : si la transparence est correcte, la turbulence est gênante (3/5) et ne me permet que rarement de dépasser le grossissement du Nagler 13mm (123x).

Ce soir, je voudrais regarder Orion d’une autre manière : ses étoiles, et ses petites nébuleuses.

Les étoiles.

Je commence par Lambda Orionis, au centre de l’amas Collinder 69, tout au nord de la constellation. Son nom arabe, Meissa « la brillante », incite à la visite. Et cela en vaut la peine car c’est une étoile multiple dont les cinq composantes sont facilement résolues. La dominante de couleur de l’ensemble est le bleu.

Un peu plus bas, je passe ensuite voir la nébuleuse planétaire NGC2022, incontournable. Je ne vois pas sa couleur verdâtre ce soir, elle m’apparaît comme une petite boule ronde plutôt blanche. Néanmoins, c’est toujours un plaisir de la voir dans ce secteur très chargé en étoiles et autres nébuleuses.

Continuant ma descente le long du corps du guerrier, je m’arrête un peu plus bas que Bellatrix sur un groupe d’étoiles multiples : 23 Ori, 25 Ori, 33 Ori.

23 Ori est une belle double, facilement résolue. Ses deux composantes sont d’un bleu assez soutenu.

25 Ori est une triple, facilement résolue. Les trois sont également bleues.

33 Ori ne sera pas résolue, il faudrait grossir 300x.

Aux alentours de ces trois-là, en cherchant un peu on découvre d’autres étoiles multiples, plus petites, et toutes bleues. En fait, toute la région regorge d’étoiles jeunes et chaudes (donc bleues), confirmant si besoin l’intense activité de cette région.

En s’éloignant du corps d’Orion, en direction de l’extrémité sud de son arc, on découvre Rho Orionis. Cette double asymétrique est superbe ! La principale orangée s’oppose à son compagnon plus faible et bleuté. Joli spectacle.

Je me dirige ensuite vers Pi-6 Ori, l’extrémité sud de l’arc. De là, je prolonge en direction du corps d’Orion pour trouver une petite double symétrique, assez serrée et bleutée. Puis, en poursuivant, une discrète et petite carbonée W. Encore une fois, ce secteur regorge de petits trésors, il fait bon y passer du temps.

Direction la ceinture maintenant. Mintaka (aka Delta Ori) est en fait un système stellaire multiple dont la plus brillante (Delta) est composée de deux étoiles bleues. La petite composante est faible (mag 14) mais au bout d’un moment elle apparaît sous la forme d’un petit point bleu à la limite nord du disque de Delta.

L’autre extrémité de la ceinture, Alnitak, vaut également le détour. Je pensais bien la connaître pour avoir usé ma pupille dans ce coin à la recherche de la Tête de Cheval. Mais je n’avais pas fait attention qu’il s’agit d’une belle étoile triple. Il est difficile de voir le compagnon le plus proche d’Alnitak, très lumineuse, mais le 3éme compagnon, plus faible, est un peu à l’écart et facilement identifiable.

Juste en dessous d’Alnitak, se trouve mon coup de cœur de la soirée : Sigma Orionis, superbe étoile multiple. Dans une symphonie de bleu (toujours) Sigma est en fait une quadruple, ses trois petits compagnons sont proches d’elle, alignés à la façon de satellites planétaires. Mais à peine plus loin, se trouve aussi une étoile triple (STF 761), ce qui donne à l’oculaire : une triple et une quadruple. Magnifique spectacle ! Tout ce beau monde se résout facilement au 13mm (123x).

Eta Orionis va compléter ma ballade en étoiles multiples. Une très belle conclusion que cette belle double : deux compagnons d’un bleu profond qu’il me faudra dédoubler au Nagler 9mm (178x).

Nébuleuses

Je vais commencer par le duo M40-NGC2071, un bel objet que je néglige trop souvent. Le couple se localise aisément à mi-chemin entre 56 Ori et Alnitak. M78 est la plus lumineuse de ces deux nébuleuses diffuses. Deux étoiles sont bien visibles, comme des yeux, sur lesquelles un nuage blanc semble posé comme un drap sur un fantôme ! Un peu plus loin (15’) se trouve NGC 2071, plus petite. En plein centre une étoile brillante (mag 9). L’ensemble tient dans le champ du Nagler 13mm (0,7°). C’est un joli spectacle, il faudra que je le dessine une de ces nuits.

Un peu au sud de l’épée, je m’arrête sur 49 Ori. Immédiatement, je distingue un petit nuage qui l’enveloppe : il s’agit de la nébuleuse par réflexion IC 430. En vision décalée, elle est plutôt étendue (10’) et sa forme ressemble à celle d’un éventail. Je suis heureux de la voir si facilement, et sans filtre, comme toujours 😉 Elle porte bien son nom de « nébuleuse par réflexion » tant 49 Ori semble la rétro-éclairer.

Je passe ensuite voir IC434. Sa forme en écharpe autour d’Alnitak est toujours aussi belle. Je me déplace le long du ruban, il semble interminable. Je la connais bien IC434, en raison des heures passées à y chercher B33 la nébuleuse de la Tête de Cheval. A deux occasions, j’eu le plaisir de la voir, avec mon T200 ! Mais ce soir, je sais qu’il ne sert à rien d’essayer. Pour réussir cette gageure, il faut un ciel d’une transparence exceptionnelle, et ça n’est pas le cas ce soir. Pas grave, c’est un secteur où il fait si bon flâner ! 😉

Evidemment, j’ai prévu de terminer par la grande nébuleuse. Mais auparavant, je veux me faire un autre plaisir. Pour un instant, je vais m’éloigner d’Orion pour aller voir R Lep dans le Lièvre. Son petit nom « l’étoile cramoisie »  (Crimson Star) est déjà tout un programme. Cette couleur ne ressemble à aucune autre. Pour la trouver, il suffit de prolonger le segment Arneb-Mu Lep (de la moitié de sa longueur) en direction d’Eridan. A partir de là, impossible de manquer cette couleur « rouge cramoisie », elle saute littéralement à l’œil. Je lui trouve des reflets orangés ce soir, un rouge moins profond que dans mes souvenirs. Mais il faut dire qu’elle est assez basse. En tout cas, on ne lasse pas de cette couleur.

Final

La Grande Nébuleuse d’Orion est une évidence quand on passe deux heures à tourner autour d’elle. L’oiseau est splendide et coloré. Le trapèze me montre au premier coup d’œil six étoiles. Au 13mm, ça regorge de détails ! Et de couleurs aussi. Au T200 je voyais du vert. Avec le T300, je vois bien le rouge des ailes, et la zone sombre autour du Trapèze. Le cœur de la nébuleuse est aussi très riche en détails. Quel spectacle, il faut que mes pieds douloureux à cause du froid me disent de rentrer pour enlever l’œil de l’oculaire.

Il est 1h30. Le dessert givré était excellent ! 😉

jp

Photo: Le Cians en hiver. (Joel Pinson – 2006)

Sur la route de Polaris

23h45. Me revoilà sous un ciel magnifique, pour la troisième nuit d’affilée. Impossible de se reposer avec de tels ciels. D’ailleurs, dès que les lumières du village s’éteignent, la fatigue a disparu. Je me remets en route avec le même plaisir qu’il y a trois nuits.

Comme souvent lorsque j’enchaine les observations, je commence par aller revoir des objets de la veille. La mémoire visuelle aime ces retours, sans carte. Cela lui permet de progresser. Et puis, comme l’essentiel est déjà mémorisé, cela permet d’apprendre l’environnement, un petit astérisme par là, une petite double, une couleur. On ressent alors la sensation de connaitre mieux le lieu, d’y être chez soi. On me demande souvent (avec l’espérance d’une méthode rapide et efficace) comment apprendre le ciel ? Et bien… il faut du temps, et du travail. Sans cesse revenir, sans cesse mémoriser, sans cesse observer!

Je retourne donc dans Camelopardalis – que ce nom est doux, je le préfère au nom français – du côté de NGC1502, une belle connaissance. Il suffit de suivre cet arc de quatre étoiles, de le prolonger un peu visuellement, et de poser le point rouge à cet endroit: voilà le bel amas dans le champ du Nagler 13mm, avec seulement 0,7° de champ! Qui a dit qu’un pointage au point rouge n’était pas précis ? J’inspecte les environs, je me délecte de ce grand V et de la belle double qu’il referme. Et puis doucement, je me laisse glisser vers NGC1501. Je sais qu’elle va apparaitre dans le champ, donc pas de précipitation, regarder le paysage défiler, mémoriser. Là… la voilà, la grosse boule bleu nuit! Le 9mm vient remplacer le 13mm, et la centrale apparait. Parfois j’ai l’impression que l’absence de surprise décuple le plaisir: on sait ce que l’on cherche, ce que l’on va voir, on est donc tout entier tourné vers l’apparition. Beau quartier en tout cas chez Camelo’ !!

Je m’y sens tellement bien que vais y passer deux heures! En effet, il y a un moment que je veux explorer les galaxies de la Girafe. Alors, en partant de NGC1502, je vais remonter le chapelet des galaxies jusqu’à Polaris, notre repère céleste. Sur le papier (page 11 du PSA) rien de plus simple. Quoique, en y regardant de plus près, le papier est relativement blanc page 11 (!) c’est à dire que les repères sont peu nombreux et les étoiles de faible magnitude. Si on rajoute que la constellation de la Girafe est sujette à diverses interprétations selon les cartes… je m’attends quand même à quelques difficultés. Au bout du compte, les difficultés seront réelles, et ce chemin jusqu’à Polaris ressemble un peu à la photo ci-dessus: beaucoup de chemins, de pièges, de fausses routes, dans une géographie céleste où il n’est pas toujours évident de se repérer!

Suivez le guide: Depuis NGC1502, je vais successivement aller à la rencontre de NGC1569, 1961, 1560, 2146, 2336, 2268, 2300 et 2776. Un chemin galactique quasi-évident vers Polaris. Elle, au moins, est facile à repérer, je la soupçonne même d’avoir rigolé en me voyant, pauvre terrien, errer d’un coin à l’autre de la constellation!

NGC1569

Le début du voyage est assez simple. Depuis NGC1502, je suis la direction d’Alpha Cam, à mi-chemin se trouve 1569. C’est une belle galaxie ovale (environ 4’x2′), facilement identifiable à côté d’une petite étoile de magnitude 10, au nord du noyau.

NGC1961

En poursuivant dans la même direction, je dépasse Alpha Cam, et me dirige vers une étoile de magnitude 6. Un peu après la moitié de la distance, légèrement sur la droite, je trouve NGC1961. Elle est faible (mag 12, 4,5’x3′). On perçoit néanmoins que c’est une spirale vue de 3/4. Aucun autre détail n’est visible.

NGC1560

Changement de direction, un peu plus d’un 90° sur la droite pour aller rejoindre NGC1560 au large de Gamma Cam. Une belle surprise m’y attend: une galaxie spirale vue par la tranche, assez longue (10′) et assez renflue (5′) mais de magnitude surfacique plutôt faible. En vision décalée, le spectacle est quand même bien joli!

NGC2146

Après ce petit détour, je reprends ma marche en direction de Polaris en visant une étoile de magnitude 5 dans l’axe de la polaire (il n’y en a pas beaucoup dans cette direction). Au large de cette étoile (HIP33694) se trouve une autre étoile de mag 6, au-delà de laquelle se trouve 2146, une spirale au centre assez brillant. En fait, Il s’agit de deux galaxies siamoises (2146 et 2146A), mais je n’en ai rien deviné à l’oculaire.  Elle est quand même faible (mag 13).

NGC2336

C’est là que mes ennuis vont commencer. Sur le papier, pourtant, rien de bien sorcier. Depuis 2146 il faut trouver un petit triangle d’étoiles dans l’axe même de Polaris. Oui, mais je vais y passer une bonne demi-heure. Avec la nuit bien installée, et ma vision nocturne bien en place aussi, je vois de plus en plus d’étoiles dans ce secteur. Après vérification je voyais du mag 7,5! Du coup,  je me perds plusieurs fois. Je reviens au PSA, regarde le ciel à nouveau, retourne sur 2146, refait le cheminement à l’oeil nu, puis au télescope… et ne trouve rien.  Trois fois je retourne sur 2146 pour finalement trouver 2336 au moment où le découragement me guettait. Quelle recherche! 2336 est une belle spirale vue de dessus, assez faible toutefois.

NGC2268

Depuis 2336, la route est plus facile car Polaris est maintenant droit devant. Il suffit de passer une étoile de magnitude 4-5, 2268 est quelques deux degrés derrière. C’est une spirale barrée vue de 3/4. On voit bien sa forme ovale, et un noyau ponctuel.

NGC2300/NGC2276

Dernier arrêt avant Polaris. Encore 2° dans la direction de la polaire, je tombe sur 2300 et 2276. Elles sont espacées de 6′. 2300 est la plus brillante des deux, noyau ponctuel bien marqué. Par contre 2276 est assez faible et je ne distingue même pas de noyau. J’ai appris deux choses depuis: 1) les deux galaxies appartiennent à la constellation de Céphée, et 2) 2276 n’a pas de noyau!

Je pousse jusqu’à Polaris, belle étoile double. Il est presque 2h. Je suis heureux d’avoir réussi mon périple!

Un demi-tour sur moi même, Orion m’attend! M42 et M43 sont aussi belles qu’hier. Le bel oiseau montre son plumage: les ailes virent au rouge, le corps entre vert et blanc. Le trapèze me montre encore 6 étoiles. Je ressens la fatigue de trois belles nuits d’observation. Mais ce sont des observations comme celles de ce soir qui donnent envie de recommencer!

jp

Un oiseau dans la nuit

Avez-vous déjà vu une forêt de mélèzes en automne ? Que la nature est belle en ce moment par ici ! Des forêts multicolores, des sommets recouverts de leur première neige, une neige si blanche qu’elle semble irréelle, des roches si rouges que l’ocre semble terne, un ciel si bleu que les oiseaux chantent en volant, et un soleil si doux qu’il fait bon rêver. Oui, il fait bon vivre en Mercantour, et le soir venu partir le cœur léger explorer le ciel.

La nuit est déjà bien avancée lorsque je sors. Mais le ciel n’en est que plus beau, il n’a cessé de s’améliorer au fil de la nuit.

Je commence ma promenade par la constellation du Triangle. Depuis la nuit dernière, l’image de M33 ne m’a pas quittée, tout dans cette galaxie me fascine : sa taille, sa forme massive, ses petites nébuleuses satellites, le mystère qui s’en dégage. Je veux y retourner. La transparence est meilleure ce soir, je vois plus rapidement et mieux. La « robe » de la galaxie est assez sombre, les deux bras principaux se détachent de la zone centrale, mais s’estompent en s’en éloignant. Je ne perçois pas le troisième. NGC604, le plus gros de ces petits nuages d’hydrogène ionisé, attire rapidement mon attention de par sa taille, sa brillance, la proximité d’une étoile, et sa position sur la galaxie : la nébuleuse semble accrochée à l’extrémité d’un bras. Au bout d’un moment, une autre de ces petites nébuleuses apparaît à hauteur du noyau, de l’autre côté de la galaxie: il s’agit de NGC595. Je reste encore un moment à observer ce vaisseau fantôme qui m’impressionne plus que M31, sans doute à cause du mystère qui entoure un objet difficile à apprécier dans sa totalité.

Au sud du Triangle, je passe ensuite voir le duo de galaxies NGC672 et IC 1727. 672 est de loin la plus brillante des deux. Elle est aussi très allongée. IC1727 est, elle, plus discrète, un peu à l’écart (8’) et de forme similaire mais plus petite. Le duo est attachant, de par leur orientation on pense aux Antennes.

Je retourne aussi dans la Baleine. La meilleure qualité du ciel me donne envie de revoir certains des objets de la veille. Tout d’abord NGC246 (la nébuleuse planétaire du Crâne). Je repère facilement le groupe de 5 étoiles, la planétaire est parfaitement visible ce soir, on voit bien sa forme asymétrique. L’appellation de « beignet mordu » me semble juste ce soir ! Et comme souvent, je la vois mieux sans filtre !

Petit passage par le groupe de galaxies NGC584-596-615, plus lumineuses aussi, sans pour autant montrer beaucoup plus de détails. Et puis aussi M77, magnifique. Le noyau est imposant et très brillant, et en grossissant un peu j’y distingue une petite forme « saturnesque » : un point central très lumineux barré par un trait, cela me fait penser à une petite Saturna. Très belle galaxie.

Me voilà maintenant parti tout en haut du ciel, dans la Girafe. Deux raisons : l’amas NGC1502 que je n’ai pas vu depuis longtemps, et puis la planétaire NGC1501 pas encore observée dans le T300. L’amas est fidèle à sa réputation, j’y arrive par la Cascade de Kemble, arrivée toujours magique, je l’admire un long moment. La diversité de ses composantes est un vrai régal, autour de la belle double centrale. Environ deux degrés plus bas me voici sur NGC1501, une grosse planétaire bleu sombre. Au 13mm on ne distingue pas de détails, mais au 7mm (230x) la centrale est visible en vision directe ! Le petit plus du diamètre 🙂

Je file ensuite sur M76, Little Dumbbell dans la constellation de Persée. La forme d’os est très claire, avec, en vision décalée, une vague impression d’extension sur la partie nord. Par moments, me crois sur M27 !

Je continue ma balade par un passage par le Cocher et ses deux amas vedettes M36 et M37. M36 est très joli, riche et brillant. Mais M37 reste le plus beau de la constellation : très riche, et très dense, plus de 500 étoiles le composent. La proximité des deux amas permet de passer de l’un à l’autre en un clin d’œil, je me régale à les comparer.

L’heure tourne, les vedettes de l’hiver prochain entrent en scène. Les Gémeaux pointent le bout de leurs pieds, je passe voir les amas M35 et NGC 2158. Je commence par M35 que je vois à l’œil nu. Le contraste entre les deux amas fait le charme de l’association : M35 brillant et bleu, 2158 blanc et fin, discret. Très belle vision d’ensemble.

Le Taureau voisin m’attire. Et la bonne transparence me dit de passer voir M1, la Nébuleuse du Crabe. Souvent décevante, je suis content car j’ai enfin l’impression de l’avoir vue hier soir : une forme générale bien présente et comme des filaments qui s’échappent du pourtour, justifiant pour une fois l’appellation de crabe ! Au bout d’un moment, le centre m’apparaît aussi un peu granuleux. En tout cas, je crois bien que c’est la meilleure vision que j’en ai eu à ce jour.

Et puis, je l’attendais, voilà Orion. Je commence par la nébuleuse planétaire NGC 2022, dans le chapeau d’Orion. Je la repère facilement au 13mm (120x), une petite boule verdâtre, sans détails. Grossir ne donnera rien de plus. Alors je fonce voir la grande nébuleuse. Quel plaisir de la retrouver ! Et quelle palette de couleur ! Du blanc, du rose, du vert ! Depuis l’hiver dernier, je l’avais observée en septembre lors de la nuit au col de la Cayolle, mais que cette vision sent bon l’hiver ! Le bel oiseau étend ses ailes, la vision au Nagler 13mm est magnifique. Le trapèze montre 5 étoiles, et puis même 6 au bout d’un petit moment, à seulement 120x. Je vois des détails partout : dans le cœur, dans les bras, dans M43, dans le Trapèze : un plaisir inouï.

Il est plus de 2h, je décide d’arrêter sur cette belle vision. Je m’endormirai avec la vision de ces ailes déployées sur le noir du ciel.
jp

Au bout de la patience, le ciel

Il faut de la patience pour mériter une belle nuit sous les étoiles; particulièrement depuis un mois. Après une journée de transition, où soleil et nuages cohabitèrent pacifiquement, le ciel nocturne s’annonçait enfin clair. Et, hier soir, c’est avec un plaisir non dissimulé que j’installais le T300 devant la maison pour une mise en température rapide.

23h30. Me voilà enfin sous les étoiles. J’en savoure tout le plaisir. Jupiter est éclatante, Pégase s’envole vers le zénith, le Cygne se couche en se laissant glisser le long de la Voie Lactée, les Pléiades se montrent au-dessus du toit de la maison. Le ciel sent bon l’hiver, la saison préférée des astronomes.

Pendant une petite demi-heure, je laisse le temps à ma vision nocturne de se mettre en place: collimation, puis quelques coups d’oeil aux endroits stratégiques du ciel compte-tenu de ma situation (sud, ouest, zénith, nord), la transparence a l’air inégale, mais quel plaisir de revoir des astres! Et puis j’attends surtout l’extinction des éclairages publics: c’est devenu incontournable!

Minuit. Je suis seul sous les étoiles, plus une seule lumière; tout au plus les phares d’une voiture tout là-bas, loin, sur la route du col. En une seconde le ciel nocturne prend son vrai visage, la seule lumière est celle qu’il produit. La nuit m’invite, je suis prêt.

Pégase et Andromède sont magnifiques au zénith. Je vais commencer par rendre une visite à Andromède et quelques-unes de ses merveilles. La grande galaxie (M31) a l’air en forme à l’oeil nu, et dans le champ de l’oculaire aussi! Je la survole au Nagler 13mm, sa robe est quelque peu diffuse mais très étendue, ses compagnes (M32 et M110) ne sont pas en reste. Il y a des nuits d’hiver où ces beautés montrent des détails d’une grande finesse, hier soir elles semblaient drapées dans une enveloppe de ouate, aussi blanche que les premières neiges des sommets environnants. C’était un beau spectacle.

Je monte encore plus haut dans le ciel pour aller à la rencontre de la nébuleuse planétaire dite de la Boule de Neige (NGC7662). La boule turquoise flotte magnifique sur un ciel bien noir. Avec les diamants éclatants qui l’entourent, on croirait le présentoir en velours noir d’un bijoutier: une turquoise et des diamants, simplement posés là sur le ciel. Je prends mon temps, le spectacle en vaut la peine.

Et puis, je grossis la boule de neige, à la recherche des détails aperçus il y a un mois. J’irai jusqu’à 560 fois. Bien sûr la boule se déforme sous l’effet de la turbulence, mais au bout d’un moment à promener ma vision décalée autour de l’objet, des petites formes lumineuses se détachent à l’intérieur de la boule, comme des micro-éclairs, des glimpses. Après un long moment, pas de doute il s’agit bien des détails aperçus le mois dernier, des sortes de “C” très lumineux. J’en vois surtout un, sur la gauche de l’oculaire, l’autre est moins évident. Il faut dire que cela bouge pas mal avec ce grossissement. Un grand plaisir que de rentrer dans l’intimité de cette belle turquoise.

Puisque je suis dans le secteur, je passe voir la galaxie NGC7640. C’est une longue histoire avec elle. Avec mon T200 je m’y suis cassé les yeux de longues nuits sans jamais la voir. Et puis avec le T300, je la localise si facilement, blottie dans son triangle d’étoiles. Elle est certes faible et peu contrastée, ce qui explique les difficultés avec un moindre diamètre, mais c’est un long fuseau inséré entre trois étoiles de magnitude 11. Une belle vision.

Et puis, je ne peux pas passer par Andromède sans aller voir ce qui est pour moi la plus belle galaxie de la constellation: NGC891. Depuis Almach, il suffit de s’envoler dans ce coin de ciel obscur en direction de Persée. La Belle forme un triangle isocèle avec 60 And et Almach. Elle était splendide hier soir. J’aime ce fuseau incliné à 45° dans le ciel, et cette petite étoile posée sur le bord, vers le noyau. Au bout d’un moment, la bande d’absorption apparait, elle traverse l’élégante forme sur toute la longueur. C’est un spectacle dont je ne me lasse pas.

Il est temps de passer voir la grande galaxie du Triangle (M33). Sa position dans le ciel pourrait bien me réserver une bonne surprise. Déjà, en arrivant sur place, la robe est évidente; on ne voit pas les bras à proprement parler mais le sens de rotation oui. Au bout d’un moment deux formes incurvées semblent néanmoins se détacher, les prémisses des deux grands bras. Ce qui est toujours impressionnant c’est le contraste entre la grande taille de cette galaxie (elle ne tient pas dans le champ du Nagler 13mm) et son tout petit noyau ponctuel. Après une observation minutieuse, et prolongée, des nébulosités légèrement rosées se montrent en vision décalée. L’une d’elle est assez brillante, au bout d’un bras, c’est NGC604, la nébuleuse du Triangle, à côté d’une étoile de magnitude 9. Il ne faut pas passer vite sur M33, l’observation est affaire de patience.

Je me dirige ensuite vers la Baleine. Il y a des semaines que je veux aller y voir de nombreuses galaxies. Mais je me rend compte rapidement que ce secteur du ciel est moins transparent. De plus la position de la Baleine, plein sud, et basse, est une autre difficulté, le ciel est rarement noir en cet endroit. Je vais donc ranger mes envies de groupe Hickson et autres difficultés galactiques, pour faire un petit tour plus approprié aux conditions. Je commence par la nébuleuse planétaire dite du Crâne (NGC246). Cette nébuleuse de grande taille (6×4′) est faible mais on la repère facilement car centrée sur un groupe de 4-5 étoiles que l’on repère bien dans ce secteur assez obscur. Certains y voient un crâne, d’autres un beignet mordu, je pencherais plutôt pour le crâne. Elle était assez faible hier soir. De même que la galaxie NGC255 sa voisine, petite et circulaire.

Je me dirige ensuite vers un petit groupe de trois galaxies sur le dos du cétacé: NGC 615, 596 et 584. Je les repère facilement. 584 est la plus lumineuse du groupe, suivie de 596. Elles sont alignées et espacées régulièrement. 584 et surtout 596 sont très proches d’une étoile, donc faciles à repérer. Leurs noyaux sont assez brillants, 584 est circulaire, alors que les deux autres montrent une forme un peu allongée. Joli groupe, même si la transparence médiocre en ce secteur n’aide pas à en découvrir plus.

En remontant vers la tête de la Baleine, je m’arrête sur deux autres groupes:
NGC 1042 et 1052: proches, elles sont faciles à repérer. Ce sont des spirales vues de face, assez faibles hier soir. Par contre leurs voisines NGC1084 et NGC988 resteront invisibles.
M77 et NGC1055: évidentes au large de Delta Cetus, surtout M77, lumineuse avec un grand noyau. J’ai cherché autour NGC1073 et NGC1087, très pâles, je ne suis même pas sûr de les avoir vues…

Je décide d’arrêter là ma quête galactique dans la Baleine, le ciel était trop peu transparent au sud, et je retourne au zénith pour terminer par quelques jolies amas: M52, NGC7789, le Double de Persée. Des valeurs sûres qui ne déçoivent jamais. Et puis un objet que j’aime beaucoup (un de plus!): NGC7008 ou la nébuleuse du Foetus. Quelle merveille encore hier soir! je ne m’en lasse pas. Je ne comprends pas comment j’ai pu galéré pour la trouver au début avec mon T200, car je tombe dessus maintenant du premier coup! La petite double colorée, et la bulle (aux reflets bleutés et rosés), posée juste dessus. On devinerait presque le foetus! Allez voir cette merveille.

On approche 2h. Je vais finir par Jupiter. La belle qui se couche est entourée d’un halo de brume, elle grillera moins mes yeux! Amusant le ballet de satellites: Io et Ganymède jouent à l’étoile double!

Voilà, une belle partie de nuit. Il y aura une suite, la météo annonce trois autres nuits claires à suivre. Enfin.

jp

Un sourire à la Lune

Comment observer la Lune lorsqu’on a un peu moins de trois ans ? Depuis quelques temps, Loïs me demandait “de regarder la Lune avec le télescope”, mais voilà: la nuit ce petit homme dort. J’ai donc profité de la gibbeuse décroissante pour lui faire réaliser cette observation de jour.

Première étape: la mise en place du télescope. Notre petit astronome est très intéressé…

…et amusé de voir sa tête dans le miroir primaire !

Et puis, le moment tant attendu: la Lune apparait dans l’oculaire. Au début pas de commentaires de l’observateur, et puis: “elle est grosse”. Je m’amuse des aller-retours de sa tête entre la “vraie” Lune et celle qui est dans l’oculaire. Comme je lui demande de me dire ce qu’il voit, il remarque des zones “noires”, et puis surtout : ” un gros crou!”

Il envoie alors à la Lune un sourire dont elle se souviendra, et moi aussi.

jp

Au dessus de la brume

6 octobre. Lorsque, vers 22h, je sors le T300 devant chez moi, le ciel que je vois malgré les lumières du village est très prometteur : la Voie Lactée est bien marquée du Cygne jusqu’au Capricorne qui se couche, la galaxie d’Andromède facilement visible. Alors, comme vers minuit les lumières vont s’éteindre, ce sera le bon moment pour ressortir. Le ciel semble d’ailleurs découvert sur une grande partie de la France, puisque les savoyards (Dédé, Richard et Christian) sont déjà en place et, en Bretagne, Anne vient de sortir son tube elle aussi. 🙂

23h. Rapide coup d’œil sur le ciel, depuis la terrasse : quoi ? Plus une seule étoile !!! Une nappe de brouillard enveloppe le paysage. Je rentre, dépité, en espérant que la tendance s’inverse d’ici une heure.

Minuit. Me voici dehors. Ouf ! Le ciel s’est entièrement dégagé, c’était bien une brume passagère. D’ailleurs, je la vois maintenant qui bouche la vallée. Elle est redescendue, et quelques taches translucides laissent deviner l’emplacement des villages de la vallée. La baisse de la température en altitude aura été mon alliée ce soir. Le ciel est donc bien dégagé, le village dans l’obscurité, la collimation au point, la soirée peut commencer ! J’oubliais, en fond sonore, des brames de cerf, dans la forêt juste en dessous, vont rythmer mon observation.

Un petit bémol toutefois, l’humidité est féroce ce soir. En fait, je n’ai pas souvenir d’en avoir subi autant par ici. L’hygromètre indique 86%, derrière moi j’entends les gouttières pleurer comme s’il tombait un petit crachin. Le tube du 300 est déjà trempé, et la vitre du point rouge est pour la première fois embuée. Pas de chance, moi qui avais des envies galactiques…

Qu’à cela ne tienne, puisqu’Andromède se montre si bien à l’œil nu, je passe la voir. C’est un curieux spectacle : d’abord, elle est très lumineuse, de même que M32 et M110 ; et on dirait que la luminosité des noyaux diffuse dans le nuage qui les entoure. L’ensemble est donc lumineux et diaphane à la fois. J’ai rarement vu M31 aussi brillante. Par contre peu de détails, l’ensemble est très diffus. Et puis, alors là c’est du jamais vu (!), une zone sombre sur la droite de la grande galaxie donne l’impression que les bras ont été amputés d’un morceau. Je reste un moment sur cette vision, regarde le ciel, non, pas le moindre nuage à cet endroit du ciel, mais on dirait qu’une nébuleuse obscure est venue se poser par là ! Je suis tellement étonné de cette vision que j’en fais un rapide croquis.

Toujours perplexe de cette vision, je passe voir NGC891, une de mes galaxies favorites. Avec cette humidité, pas de miracle, j’en aperçois la belle forme en fuseau en vision décalée. Mais rien de plus.

Je me décale sur Pégase, sur NGC7457, ronde et très diffuse, en vision décalée là aussi. Puis NGC 7331, plutôt belle compte tenu des conditions, la spirale est lumineuse et assez marquée, mais l’ensemble est très diffus. C’est un peu la même impression que sur M31 : lumineux et diffus à la fois. J’essaierais bien de voir le Quintet de Stephan tout proche, mais renoncerais rapidement, ça n’est pas le soir.

Avant de quitter le secteur, je passe quand même par la Boule de Neige (NGC7662). Elle est très haute dans le ciel, presque au zénith. Je la trouve facilement. La vision au 13mm (120x) est toujours aussi magique. Le bleu turquoise est très prononcé ce soir. Alors, je décide de grossir un peu avec le 7mm (220x). L’image se déforme, la boule est moins régulière, mais pour la première fois je vois la couronne interne. Enfin, disons plutôt deux demi-cercles qui ne se rejoignent pas. Je reste un moment sur cette image que je n’avais vu jusqu’alors qu’en photo. La centrale restera par contre invisible, la turbulence n’aidant pas. Je renonce d’ailleurs à grossir d’avantage. Au retour à la maison, je croque vite fait cette image. Bon, ça n’est pas un dessin, mais ça traduit ce que j’ai vu.

Très heureux de cette vision, je me dirige vers le sud pour aller dans la Lyre. Je me dis que M57 pourrait peut-être aussi me livrer quelques dessous cachés ! Première impression, là encore, une luminosité inhabituelle. Je me demande si l’humidité qui m’entoure, et qui flotte dans l’espace environnant ne provoque pas cette luminosité sur les objets, une sorte d’effet d’optique ? En tout cas, M57 est très belle, et surtout très bleue ce soir. Là encore, je vois très bien cette couleur que j’ai généralement plus de mal à percevoir. Par contre grossir ne me procurera pas le même plaisir qu’avec la Snow Ball. La turbulence secoue fort.

Puisque je suis dans la Lyre, je décide d’aller enfin voir T Lyrae. Premièrement je dois essuyer la vitre du point rouge qui ruisselle sérieusement, et qui me donnait la vision d’un très gros point rouge ! Je le positionne ensuite, et cherche… un autre point rouge ( !) dans le secteur. Soudain, il éclate au milieu du champ. Quelle merveille, et quelle couleur ! La vision de ce petit point me remplit de joie. Je reste longuement à le regarder. Je m’amuse même à le sortir du champ, attendre un peu, puis revenir dessus : il me semble que ce rouge presque électrique me saute de mieux en mieux à l’œil. Merveilleux spectacle ! 🙂

Passant d’une belle étoile à une autre je vais voir 52 Cyg. Vous pensez : les Petites Dentelles? Non, non, je dis bien 52 Cyg. Cette merveille d’étoile double me fascine depuis que je l’ai découverte cet été. On ne la regarde généralement pas, et c’est un tort ! C’est un couple asymétrique, dont le compagnon orangée est aussi fin que T Lyr, voire même un peu plus. Un très joli spectacle, renforcé par les Dentelles qui semblent prendre naissance entre ces deux là (je les distingue d’ailleurs plutôt bien et sans filtre, les Dentelles). Par contre, j’ai vu le compagnon orangé hier soir, alors que je crois bien l’avoir vu gris-bleu cet été… curieux.

Jupiter me fait de l’œil depuis le début. Mais je ne voulais pas aller la voir trop tôt, de peur d’agresser mes yeux. Au 13mm, joli spectacle car la turbulence semble s’être calmée pour un temps. Au 7mm (220x) je vois énormément de détails sur une surface très stable, et surtout la Grande Tache est là, bien visible mais plutôt terne. Le temps d’admirer l’ensemble, la turbulence siffle la fin de la récréation et reprend de plus belle. J’étais là au bon moment !

L’humidité devient vraiment impressionnante, je dois égoutter le PSA !

Je rend ensuite une petite visite au Verseau, sans doute la dernière avant longtemps. Principalement les deux planétaires NGC7009 (Saturn Nebula) et Helix (NGC 7293). Mais elles sont basses, et probablement engluées dans une humidité renforcée. Saturn ne montrera que peu, au 13mm. Quant à Hélix, je devine la couronne et les étoiles du centre en vision décalée, rien de plus. Au filtre OIII, je ne verrai… rien ! Il mange le peu de lumière restante ! On est loin de la vision de rêve de cet été.

On approche de 2 heures. Je vais me rentrer après avoir fait un petit détour par Cassiopée, et les deux amas vedettes du coin : M52 et NGC7789. Ils sont très décevants ce soir, j’ai l’impression de les observer derrière une vitre ruisselante de condensation. Ce qui n’est finalement pas très loin de la vérité ! Le tube du télescope est incroyablement dégoulinant. Fin de la plongée 🙂

J’aurais quand même passé une bonne soirée, avec quelques images mémorables : M31 grignotée ( !), T Lyrae magnifique, et l’intérieur de la Snow Ball !

Merci de m’avoir lu!

jp


Un samedi soir au col de la Cayolle


20h30, nous arrivons au sommet du Col de La Cayolle (2326m). Je voulais arriver de jour pour avoir le temps de trouver un bon emplacement. En effet, si je connais bien ce col sauvage, moins fréquenté que d’autres plus réputés dans le secteur, je n’y ai jamais observé le ciel. Petit problème : la route est étroite et les espaces permettant à des astronomes de se poser sont peu nombreux. Petite crainte : celle que quelques camping-cars aient envahi les lieux et occupent les seuls endroits praticables. Hélas, ma crainte s’avère fondée. Une fois la borne du col passée, nous voyons 4-5 camping-cars sur le petit parking du sommet… L’autre parking est situé un peu plus bas sur le versant nord, mais le refuge n’étant pas (encore) fermé, ce n’est même pas la peine d’aller voir. Heureusement, nous avions repéré un bel endroit peu avant le sommet. Vincent et son pote Daniel nous confirme avoir repéré le même lieu. Demi-tour donc et arrêt deux cents mètres plus bas. Le lieu semble désert. Mais dès la portière ouverte une musique nous accueille, une belle musique, celle des clarines des quelques vaches blanches qui occupent le lieu. L’odeur de la montagne, les pâturages, les clarines, la soirée commence bien.

Nous repérons de l’autre côté de la route un emplacement de rêve, herbeux, plat, surplombant la route et offrant un ciel dégagé sur 360°. Que demander de plus ? Nous installons le matériel, puis nous équipons pour supporter le froid et l’humidité qui tombe : Annie multiplie les couches, je fais de même, un peu trop même, je serai forcé d’en enlever quelques-unes un peu plus tard. Bref, le campement se met rapidement en place, sous le regard étonné des vaches.

21h30. Les tubes sont en place. Le 114mm de Vincent, et mon 300mm. La nuit tombe doucement, le ciel s’illumine, les sourires s’arrondissent, le plaisir est en vu !

Nous mangeons un morceau avant de plonger dans l’univers qui se dévoile au-dessus de nos têtes. En regardant ce ciel la terrine au piment d’Espelette a un goût divin.

Comment raconter une telle nuit ? Pas facile de reproduire la chronologie, de rapporter les allées et venues d’un tube à l’autre, les comparaisons, les discussions, les rires, et surtout le grand nombre d’objets observés. Commencée à 21h30, notre soirée finira à 3h30, 6 heures intenses qui semblèrent bien courtes tant le plaisir était grand. Je n’ai même pas senti la fatigue de trois nuits blanches cette semaine. Enfin, jusqu’à 3h du matin.

Je vais donc essayer de vous raconter notre nuit, et surtout nos émotions, par le menu : tout d’abord les galaxies, puis les amas, quelques étoiles, des nébuleuses planétaires, Jupiter, et puis les nébuleuses, reines de la fête et bouquet final de notre nuit. On y va ?

Les galaxies
Très vite M31 nous est apparue majestueuse dans le ciel. A l’œil nu elle était déjà belle. Aux jumelles ses presque 4° emplissaient le champ. Au télescope, c’est le T114 de Vincent qui lui rendait le meilleur hommage. Le T300 n’en montrait, lui, que des bribes, des détails. M32 et M110 n’étaient pas en reste. Le plus extraordinaire c’est que nous avons suivi cet équipage toute la nuit : d’abord sur l’horizon nord-est, puis lors de son envol vers la Voie Lactée, jusqu’au-dessus de nos têtes vers 3h, à se casser le coup pour la pointer ou la regarder aux jumelles. C’est une belle voisine que cette galaxie.

Bien sûr nous n’avons pas oublié le Triangle et sa grande timide, comme j’aime l’appeler. M33 se révèlera peu, mais son final, là-haut dans le ciel, sera aussi bien beau, on aurait dit qu’elle commençait à s’habituer à nous, nous laissant entrevoir des formes.

Puisque nous passions par là, je ne manquais pas de montrer NGC891 à mes compagnons. Là aussi, elle était discrète au début, puis au fil des heures sa séparation noire devenait évidente, alors que son fin fuselage restait plus discret.

Plus tard, nous rendions visite à quelques vedettes : M51, très belle malgré sa faible hauteur, nous montrait ses bras en vision directe et le pont de matière plus discret en vision décalée. Le couple M81 et M82 toujours à son avantage. C’était la première fois que mon T300 les regardait : M82 y était comme toujours la plus belle, montrant de jolis détails en forme de nodules, comme une collier de perle.

Vincent voulait voir la Galaxie de Barnard, NGC6822, et il le fit le bougre ! Son T114 en était tout rouge de plaisir  Une recherche soignée nous permit d’admirer la belle discrète.

Dans la Baleine, je tentais d’engager un parcours galactique dont je rêve depuis un moment, mais les quelques cibles que je pointais ne m’encourageaient guère. NGC157 et NGC151 étaient bien pâles sous les lueurs d’un Jupiter qui fanfaronnait dans le noir et nous gênait dans ce secteur. Ma balade dans la Baleine, le Fourneau et le Sculpteur devrait encore attendre. D’ailleurs, une petite visite dans la Petite Ourse, vers NGC6217, la « délaissée » comme la nomme Jeff, confirma qu’un programme galactique approfondi n’était pas de mise hier soir.

Les Amas
Sous un tel ciel, les amas d’étoiles sont une évidence. Les volutes de la Voie Lactée, ou les gros amas du ciel sont si beaux à l’oeil nu qu’on ne résiste pas longtemps à passer voir des trésors que l’on croit connaître et qui se révèlent toujours différents. Nous passerons du temps à les observer : à l’œil nu, aux jumelles, au T114 et au T300, en variant les grossissements. Le premier fut M22, l’amas globulaire le plus lumineux du Sagittaire. Il était beau sous toutes les formes, Vincent l’aimait bien dans son T114, et il avait raison ! Et puis M13 bien sûr. Après quelques explications de repérages à Annie (sans laser !) le T300 enchanta son monde par la finesse des détails et la résolution du cœur à tous les grossissements, jusqu’à 300x ; on a même l’impression qu’on pourrait continuer ainsi à l’infini. Dans Pégase, M15 ravit Annie, une discussion s’engage sur les impressions que laisse l’amas : une bosse ou un creux ? choisissez votre camp.

Et puis inévitablement, on sait qu’à un moment ou à un autre de la nuit, quelqu’un aura envie de voir ces petits nuages là-bas enter Cassiopée et Persée : NGC869 et 884. C’est au T300 que l’éclat de ces diamants multicolores sera le plus apprécié. Plus tard, Les Pléiades viendront se rappeler à notre souvenir. Il y a quelques mois que je ne les ai pas vues, mais la vision de ce groupe s’élevant au dessus de la crête des montagnes était un joli moment. Dans Cassiopée, M52 montrera la finesse de ses étoiles regroupées, mais que dire de NGC7789 ! Il était tout simplement sublime hier soir, nous y passerons de longues minutes au 13mm sur le T300. La finesse des étoiles et cette répartition en bouton de rose sera l’un des coups de cœur de la nuit.

Quelques étoiles.
Et puis de temps en temps, un survol de la Voie Lactée est toujours un plaisir. Annie et Vincent ne s’en sont pas privés, de se plonger dans ces nuages célestes. Alibireo, Vega, seront aussi admirées. Je montre Almach ma trouvaille récente, ce groupe de 3 binaires dans Andromède. Tout comme je ne manque pas d’attirer l’attention sur la très belle double 52 Cyg lors de la visite des Dentelles. Plus tard ce sera Aldébaran, puis Alpha Orionis, Betelgeuse « l’épaule du géant ». Les étoiles en pleine montagne, ou comme prendre le pouls du ciel.

Les nébuleuses planétaires.
Vous imaginez bien que nous avons rendu visite à quelques-uns des cœurs brisés du cosmos. Il y a les classiques M27 et M57, magnifiés par le ciel. La bleutée M57 montrait avec délicatesse une couronne presque translucide, le cœur sombre nous laissait par instant entrevoir le cœur brisé qu’il renferme. Et puis Vincent m’appelle et me demande :
– J’ai trouvé quelque chose là (en pointant en direction du Cygne, mais je ne sais pas ce que c’est.
– Attends je regarde. Hum, ça me dit quelque chose. Tu as pointé par où ?
– A droite de ces trois étoiles.
– Ces trois là ? mais… c’est la Flèche ça. On la reconnaît mal parce qu’elle est verticale dans le ciel, mais oui c’est la Flèche !
– …
– Donc, ton truc c’est… M27 !
– Ah, je ne la reconnaissais pas. Faut dire qu’en plus je ne la vois jamais comme ça chez moi…

Ne riez pas. J’en connais plus d’un qui s’est perdu dans un ciel de montagne !

Je montrerai ensuite à mes camarades quelques autres de ces belles : NGC7662, la Boule de Neige, magnifique sur ce tapis de diamants. Et puis Saturn, NGC7009, un peu empattée dans la brume qui envahit l’horizon sud, mais montrant bien sa forme. Et enfin, NGC7008, cette petite merveille qui loge dans une trouée obscure de la Voie Lactée, entre Alderamin et Deneb : la nébuleuse du Fœtus, une petite merveille cette nuit. Outre la belle double sur laquelle semble reposer la bulle, on croyait voir le fœtus dans cette enveloppe translucide!

Jupiter.
Et puis, depuis le temps qu’elle nous appelait, nous allâmes voir Jupiter. Vincent la trouvait très belle au T114. Je visais donc la belle : ouch ! ça décolle la rétine ce truc euh… cet objet !

Il faut reconnaître, qu’une fois la rétine acclimatée, elle est magnifique à 122x (Jupiter, pas la rétine, on suit là hein !?). Image très propre, très stable. Je passe au 9mm (176x) toujours pareil ! Les détails de la surface sont incroyables : des petits liserés en bordure de la calotte nord, comme de la broderie ; et puis, dans la grande bande il semble y avoir pas mal de choses aussi. Allez, on passe au 7mm (226x), puis la barlow (powermate 2.5x) entre en scène :

– 13mm+powermate (305x)
– 9mm+powermate (440x)
– 7mm+powermate (566x)

Je n’en reviens pas, l’image ne bouge toujours pas. Grâce à la Powermate qui conserve le champ de 82°, le suivi n’est pas trop difficile. A 566x, je peux détailler la bande sombre : une petite tache claire et ronde, puis deux autres noires un peu plus loin, puis comme des protubérances s’échappant vers le bas du disque. Ah, si je savais dessiner !

Je peux affirmer que je n’ai jamais vu Jupiter comme ça… Et puis Vincent lance : « on pourrait essayer mon 5,2mm ? » Bah, oui pourquoi pas ! Avec la Powermate, cela fait du 762x !!! Et bien mes amis, l’image était largement correcte. Certes, ça commençait à bouger un peu, la mise au point devenait délicate, mais le plaisir était là. Le disque, énorme, devait mettre 10-15s pour traverser le champ de l’oculaire. Après quelques tâtonnements, j’arrivais néanmoins à faire en sorte que Jupiter reste au centre, ma main sur le tube compensait tout juste le déplacement. Bon, on ne tient pas des heures comme ça!

Je repasse à 566x et admire la surface encore de longues minutes, à m’en griller la vision nocturne. Pas trop grave, la nuit touchait à sa fin. Quel spectacle !

Les nébuleuses.
Elles furent omniprésentes, tout au long de la nuit. Au début, c’était dans le Sagittaire, avant qu’il ne se couche. Vous connaissez les vedettes du coin : Omega (alias Le Cygne), La Trifide, La Lagune. Magnifiques toutes les trois. Vincent se régale de leur vision dans son T114. Je lui passe mon filtre OIII, il apprécie son effet ! Annie qui a observé M17 plusieurs fois cet été, et sous différentes latitudes, fait des comparaisons. Son coup de cœur est toujours celle vue dans la noirceur du Berry. Elle était magnifique il est vrai, mais je trouve celle d’hier soir pas mal du tout. Le filtre passe d’un télescope à l’autre, les comparaisons vont bon train, le plaisir est en tout cas dans tous les yeux.

En milieu de nuit, ce furent les dentelles : petite, grande, et le Triangle de Pickering. Vincent doutait de les voir dans son T114. Je lui disais qu’il les verrait, et même très bien grâce au champ de son tube. Et lorsqu’il vit la Petite Dentelle, il n’en croyait pas ses yeux ! Et lorsqu’il passa l’OIII il était en extase ! Il a dû répéter une dizaine de fois : « j’ai vu les Dentelles dans mon T114 ! » A ce moment, je lui ai bien parlé de la double 52 Cyg, mais je crois qu’il ne m’a pas entendu. Et puis je lui expliquais comment trouver le triangle, et la grande dentelle. A ce moment, tout le monde convergea vers son tube, c’était vraiment très beau ! (petit clin d’œil aux possesseurs de T114, trouvez-vous un vrai ciel, vous serez comblés !). Dans le T300, on pouvait admirer la finesse de la structure, mais pas ce qu’on voyait dans le tube de Vincent.

Ensuite, ce fut la nébuleuse du Croissant, NGC6888, moyenne hier soir, mais toutefois complète avec le filtre OIII.

Vint alors le moment où le Taureau sortit de derrière la montagne. J’attendais que M1 soit visible pour une première vision dans le T300. Elle était bien très basse, mais je la voyais finalement. Curieusement, mieux sans filtre qu’avec ?? Mais elle n’était pas (encore) très belle.

Et puis, et puis, vint le moment que nous attendions tous (sauf Annie qui dormait dans la voiture). Vous savez ce que je veux dire, non ? Allez, on révise son ciel : après le Taureau, qu’est-ce qui est sorti de derrière la montagne ? Ben oui, le guerrier Orion ! C’est d’ailleurs marrant car on a d’abord vu son arc, dans son intégralité. Comme disait Daniel : « y’a tant d’étoiles dans l’arc ?? » Ben oui, on voyait les 8 étoiles sans forcer. Après l’arc, c’est Bellatrix qui se montra, puis Betelgeuse et la Ceinture.

Et puis, soudain une étrange lueur derrière la crête. Vincent dit en riant : « on dirait que le Lune va se lever ». Et c’était vrai, cette lueur ressemblait à celle de la Lune montante. Mais nous savions tous ce que c’était. Alors je positionne le T300 sur cette lueur. Dans l’oculaire je vois la montagne découpée à l’envers, et cette lueur blanche au-dessus. Les minutes passent, les chose se précisent, et puis tout à coup, la tête de l’oiseau, et puis ses ailes, ça y est ! La nébuleuse d’Orion prend son envol. Instant magique, émotion, on parle moins, on se succède au 13mm : les mots manquent, et puis cette entrée en scène…

Vincent va la pointer avec son tube, je lui parle du Trapèze, il voit les quatre étoiles, et un peu plus tard une cinquième. Sa joie fait plaisir. Je continue de suivre l’envol de M42, majestueuse. Et là j’entends derrière moi, la voix de Vincent qui dit : « La tête de Cheval on peut la voir au 300 ? » Je rigole et lui dit, j’ai déjà été voir, mais on ne voit que trop peu la nébuleuse autour d’Alnitak. Donnez un trésor à un astronome, il en demandera un autre !!!

Il est plus de 3h. La fatigue accumulée cette semaine me rattrape en une seconde. De toute façon, la vison d’Orion est une belle fin non ? Je décide de plier. Pendant que je fais des allers-retours, Vincent et Daniel s’affairent toujours sur M42. Lors d’un de mes passages, Vincent me dit : « oui, je ne vois pas la nébulosité autour d’Alnitak ». Insatiable je vous dis ! Et puis, quelques instants plus tard, le même Vincent : « Bon, je vais re-pointer les dentelles, moi ! » Insatiable je vous dis. Ces ciels là rendent fou !

Sur le chemin du retour, Orion sera tout le long en face de nous, à travers le pare-brise, comme si elle voulait nous dire : « hé, ‘suis là ! ».

Voilà le récit de cette nuit. J’espère vous en avoir fait sentir toute l’émotion et le plaisir. Et merci de nous avoir suivis !

jp