Cœurs brisés dans le Cosmos


Après un mois de disette je retrouve enfin le ciel. En ce qui me concerne, l’été n’est jamais une période très prolixe en observation : nuits trop courtes, nuisances accrues, grosses différences de température entre le jour et la nuit (en montagne) donc pas mal de turbulence, etc. C’est donc avec un réel plaisir que je me retrouve enfin sous les étoiles depuis quelques nuits. Ca sent bon la fin de l’été, la montagne a retrouvé sa quiétude. Le ciel de ces dernières nuits était fabuleux. Dommage que la Lune se lève si tôt…

Emotions
Lorsqu’on me demande pourquoi j’aime observer le ciel, il y a un mot qui revient souvent dans la conversation : émotion ; celle de sentir la nuit m’envelopper et une légère brise me caresser le visage, d’entendre les derniers chants des oiseaux, de voir les étoiles s’éclairer les unes après les autres. Oui, la première émotion, c’est bien celle-là : attendre le moment où je me sens en harmonie avec ce qui m’entoure, être bien sur terre pour partir à la découverte du ciel.

Puis, il y a l’émotion visuelle pure, celle qui est liée au spectacle offert : un petit anneau qui se détache sur un tapis de diamants, un amas d’étoiles si fines que le silence me gagne, une étoile si colorée que mes yeux doivent en briller de plaisir dans le noir, une spirale si belle que j’en ai le vertige. Cette émotion-là est la plus forte, c’est celle qui me guide souvent vers un objet ou vers un autre.

Et c’est à ce moment-là qu’une autre émotion me touche : ces objets sont vivants, ce ne sont pas que de belles choses, ils ont une histoire, un passé, une vie. J’aime penser à la place qu’ils occupent dans l’univers, au rôle qu’ils y jouent, à quel moment de leur vie je les vois : regarder une nébuleuse et imaginer toutes les étoiles qui y naissent ; admirer une étoile et selon sa couleur, sa distance, ou sa taille, se projeter dans le temps et rêver à la suite de l’histoire ; observer un amas globulaire et imaginer quel évènement a pu provoquer sa formation ; découvrir petit à petit une galaxie et imaginer ce qui s’y cache. C’est une belle émotion aussi, elle va plus loin, fait se poser des questions.

Cœurs brisés…
Parmi les objets célestes, il est une catégorie dont l’histoire me touche particulièrement : lorsqu’une étoile de masse « intermédiaire » vieillit, et qu’elle a consommé tout son hydrogène et son hélium, son cœur s’effondre sous l’effet de la gravité. De la géante rouge il ne reste alors plus qu’une étoile naine, et des expulsions de gaz tout autour. Pourtant la petite naine va encore vivre des milliers d’années avant de disparaître dans l’univers. Le paradoxe c’est la beauté de ces petits coeurs brisés : leur longue agonie brosse dans le ciel des aquarelles vivantes, des variations de formes et de couleurs, et cette beauté me touche. Je vous invite donc à rendre visite à quelques-uns de ces « cœurs brisés ».

… dans le Cygne, l’Aigle et Ophiuchus.
Les observations qui suivent sont le fruit de plusieurs soirées, au fil de la semaine, dans un coin du ciel où j’aime bien trainer l’été: Le Cygne, L’Aigle, et Ophiuchus, du zénith vers l’horizon sud, en se laissant glisser le long de notre toboggan étoilé, la Voie Lactée. Certaines de ces nébuleuses planétaires demandent de la persévérance, comme des caméléons elles se cachent bien dans le fourmillement de la Voie Lactée.

Le Cygne.
Je commence par rendre visite à NGC7008, la nébuleuse du Foetus. Elle se situe tout au nord de la constellation du Cygne, dans la nébuleuse obscure Le Gentil 3. Je la localise entre Alderamin Cep et Deneb Cyg, environ à mi-distance. Puisque qu’elle se situe dans une zone obscure de la Voie Lactée, on la repère facilement. La première chose que l’on remarque c’est une petite étoile double que je vois bleue et orangée (parfois, je la vois bleue et jaune, un peu comme Albireo). Et puis juste au-dessus d’elle, tout près, on voit une forme qui ressemble un peu à une oreille. Mais si on laisse un peu de temps à son oeil, cette forme devient translucide, et on y voit apparaître alors trois étoiles très fines. C’est à ce moment là, que la comparaison avec le fœtus devient évidente, sans doute à cause de la transparence de cette sorte de bulle. Elle est bien belle ces jours-ci, mais dans un ciel toujours menacé de l’arrivée de la Lune elle ne m’est pas toujours apparue aussi belle qu’un soir de décembre 2009 au T200 !

NGC7026.
Toute proche de 63 Cyg (au-dessus d’America), une petite forme allongée semble se protéger dans la lumière de la supergéante orangée. J’avais lu qu’elle ressemblait à un sandwich, mais elle ne me montrera pas plus. Je suis pourtant retourné la voir deux soirs…

NGC7048

Proche de NGC7026, il faut avouer qu’elle reste très fantomatique. En vision décalée on devine une forme ronde, dont le centre est plus sombre. Mais je n’ai pas vu la centrale…

NGC7027
Trouvée facilement entre Zeta Cyg et Nu Gyg, à hauteur de Deneb. Elle est très lumineuse ; au 13mm (120x) on dirait une étoile double un peu empattée, puis au 7mm (220x), on perçoit très bien une forme rectangulaire avec un chenal qui la sépare en deux lobes. Le plus beau est sa couleur bleu-lagon.

NGC6894
Elle n’est pas sur le PSA, mais on la trouve facilement. Elle forme un triangle équilatéral avec 41 Cyg et 39 Cyg, en direction d’Albireo. Au 9mm (176x) on voit très bien sa forme annulaire, pas sa centrale. Une belle surprise !

NGC6742
Elle n’est vraiment pas évidente à trouver, car dans un secteur assez désert (de l’autre côté du Cygne, juste en dehors de la Voie Lactée). Pour très peu, elle appartient en fait au Dragon. Pour la localiser j’ai imaginé l’intersection des lignes K Cyg-Vega et Rastaban Dra-Eltanin Dra. Mais c’est plus facile à déterminer sur une carte que dans le ciel… Le seul point de repère est 16 Cyg à environ 1° 3. Après deux soirs et de longues minutes, je n’ai réussi à voir qu’un disque assez faible…

Avant de rejoindre l’Aigle, je fais un petit détour dans la Lyre pour aller voir NGC6765, une planétaire que je ne suis jamais allé voir. Assez petite (38’’), je n’ai pas dû manger assez de myrtilles et je ne l’ai pas localisée. J’ai bien repéré le parallélogramme et la double blanche qui matérialise l’un de ses sommets, mais point de trace de la belle… Un peu déçu de ne pas l’avoir vue ce soir car le ciel était vraiment magnifique à cet endroit. Faudra y retourner

Dans l’Aigle, je commence par le duo NGC6803/6804.

NGC6804 est assez évidente. Je la repère au 13mm. Puis au 7mm, sa forme annulaire devient visible, et 3 petites étoiles aussi : la centrale, encadrée par deux autres, une sur chaque bord du disque. NGC6803 est, elle, minuscule (5’’ !!). J’ai lu que certains ont vu sa centrale à 200x (avec un T300) mais pas moi…

NGC6781 est d’assez grande taille par contre. Elle m’apparaît même « énorme » après les petits disques que je viens de voir. Elle est, par contre, plutôt faible, mais au 13mm je vois bien sa forme ronde, que l’on devine annulaire en vision décalée. Le pourtour est bien marqué, sauf vers le bas (dans l’oculaire). C’est au 9mm (176x) que je la trouve la plus belle, la partie centrale sombre est plutôt petite, mais je ne vois pas la centrale.

NGC6790
Difficile à localiser, car petite (9×5’’). Je l’ai trouvée parce que j’avais vu une photo du champ, 3 étoiles en arc de cercle d’un côté, et deux « étoiles » en face la partie concave de l’arc, l’une d’elle étant 6790. Elle est d’aspect stellaire et à fort grossissement elle ne montre rien de plus qu’un minuscule disque. Un peu décevant…

NGC6751
Tout au bas de l’Aigle, à égale distance de Lambda Aql et 12 Aql. A 200x, c’est une petite boule, plutôt blanche (?), dans laquelle la centrale est visible, ce qui est étonnant au vu de la faible taille (21’’).

Je poursuis dans Ophiuchus.

NGC6572, Nébuleuse de l’Emeraude
Je la repère rapidement, en dessous de 71 et 72 Oph. Au 13mm, on repère une étoile bien bleue, un peu plus grosse que les autres. Au 7mm, on pense à la Snowball (Ngc7662), un joli bleu turquoise.

NGC6309, Nébuleuse de la Boite
Je l’ai repérée au 13mm, parce que je connaissais le coin pour y être déjà venu au début de l’été. Sinon, ça n’est pas évident à faible grossissement. Elle a un aspect stellaire (taille 20×10’’) un peu curieux, et en grossissant (200x et plus) on voit une petite étoile (mag 11,5) et juste au dessus une forme verdâtre, vaguement rectangulaire. L’ensemble est toutefois assez joli.

Voilà. C’est la fin du voyage. J’espère que vous m’avez suivi jusque là (je sais, c’est long ). C’est une balade intéressante, où le repérage est parfois délicat, et les objets pas toujours évidents. Mais, c’est ça aussi le plaisir de l’observation !

Détails techniques.
Observations réalisées entre le 28 août et le 2 septembre.
Instrument : T300
Altitude : 1700m
Température entre 9 et 12°
Humidité 50-60%
Bonne transparence, peu de turbulence.

Quand le vent est au sud

Un temps merveilleux dans la plaine du Berry aujourd’hui. Un petit vent du sud s’attarde sur les blés et rafraichit un peu l’atmosphère. Il fait bon se promener au milieu des champs en ce début d’après midi, à la recherche du lieu idéal pour la nuit à venir. Tirant les enseignements de la précédente, Jimmy m’emmène un peu plus loin de la ville, là où un léger vallonnement nous cachera les lampadaires de la périphérie. Au moins, on ne les aura pas directement dans les yeux. Et puis, un champ de tournesols de l’autre côté atténuera un peu le vent qui doit certes faiblir mais rester présent une partie de la nuit. L’endroit est superbe. Non loin de là, des planeurs s’élancent dans le ciel et décrivent des cercles au-dessus des quelques cumulus qui surveillent la plaine; on entend le sifflement du vent dans leur voilure lorsqu’ils passent au-dessus de nous. Vous connaissez la chanson, elle s’impose à moi en cette belle après-midi:

Quand la plaine est fumante et tremble sous juillet
Quand le vent est au rire, quand le vent est au blé
Quand le vent est au sud, écoutez-le chanter
Le plat pays qui est le mien.

Ce n’est pas le mien ce pays, mais je l’aime bien; je resterais des heures à regarder le blé onduler comme une mer de paille, à écouter ce doux ressac qui chuchote dans le lit du vent.

22h: j’arrête la voiture à l’endroit repéré quelques heures plutôt, le long de la petite route qui sépare le blé du tournesol. L’herbe y a été tondue, pour la première fois j’ai l’impression d’installer le 200 sur une pelouse.

22h30: La Lune est magnifique, et juste au-dessus les trois planètes bien alignées: Saturne, Mars et Vénus. C’est un bien bel ensemble. En guise d’exercice, je laisse mes deux élèves, pointer eux-mêmes la Lune puis les planètes. Le croissant est magnifique dans le dégradé du couchant. La brillante Vénus montre une belle phase, Mars pas grand chose, et Saturne est la plus belle, comme toujours. Annie et Jimmy cherchent ses satellites, la soirée commence très bien.

L’alignement Saturne- Mars-Vénus:

23h: le ciel nocturne se met en place. Le zénith est déjà bien noir. En attendant que le reste du ciel soit prêt, nous filons dans la Lyre admirer Véga, puis la double Sheliak, et enfin M57. Premier constat: le transparence est excellente dans ce coin du ciel.

23h30: ça y est, le ciel se dévoile de partout. La Voie Lactée est merveilleuse, sa structure apparait complexe de Cassiopée jusqu’à l’horizon sud. Deux gros nuages d’étoiles sont en particulier impressionnants: l’un en dessous de l’Aigle, l’autre à hauteur du Sagittaire. Le sud est vraiment d’une belle noirceur: le Scorpion est visible intégralement, je vois rarement sa queue dans mes montagnes… Je suis heureux, car j’ai justement prévu d’aller explorer cette partie du ciel, entre l’Aigle et le Scorpion, le long du chemin lactée.

Je commence par M11, l’amas du Canard Sauvage. La couleur est annoncée: c’est une splendeur! Le ciel bien noir le met en valeur, les merveilles de petites étoiles sont incroyablement nettes, et le vol de canard semble presque en mouvement. Un bien beau départ que nous admirons de longues minutes.

Prochain arrêt: M17, la Nébuleuse Omega, que je préfère appeler Nébuleuse du Cygne. Dès que je la vois dans le champ du 13mm, je ne peux m’empêcher de laisser échapper un cri: wow!!! Sans filtre, le Cygne flotte avec grâce sur un tapis de diamants. Une subtile couleur verdâtre le rend presque réel. C’est l’une des plus belles images de M17 que j’ai vue! Aprés l’avoir tous admirée au 13mm puis au 7mm, je mets le filtre OIII sur le 13mm: la forme du Cygne est encore plus prononcée, et sa structure détaillée. Mais la vision au 13mm sans filtre restera la plus belle, nous sommes d’accord tous les trois!

Un petit peu plus bas se trouve l’amas M18 qui, il faut bien le reconnaitre, va nous paraitre bien fade aprés le Canard. Et encore plus lorsque nous arrivons sur le couple M20-M21. Contrairement au Cygne, la Trifide ne se montre qu’avec l’OIII. Sans filtre, on ne distingue qu’une des trois pétales de la pensée des champs célestes. Mais avec le filtre, elle est éclatante de beauté. Pas de couleurs, mais des nuances tourmentées et les trois composantes de la fleur trifide bien nettes. Le spectacle continue…

Je me pose ensuite sur M22, le bel amas globulaire du Sagittaire. Il semble presqu’aussi lumineux que celui d’Hercule! Dans le Scorpion, M4 est aussi magnifique ce soir, ce qui est rare! La ligne d’étoiles brillantes qui le coupe en deux est très nette.

Nous nous remettons de nos émotions en regardant le ciel à l’oeil nu. Quel spectacle! Les discussions vont bon train pour classer les trois vedettes M11, M17 et M20

Bien sûr nous passons aussi voir M13, le chouchou d’Annie. Il est à l’image du ciel de ce soir: époustouflant. La petite galaxie NGC6207 est aussi au diapason, d’une très belle luminosité!

Devant tant de belles images, je veux montrer à mes compagnons, la Rose de Caroline, NGC 7789. Et je ne le regretterai pas! La Rose est aussi à son meilleur. Cette finesse, la disposition des petits joyaux, la vision de l’ensemble, recueillera les suffrages de Jimmy, emballée par cette merveille.

Un passage par M31 qui est ternie par les lueurs lointaines d’une grande ville, puis par M51 très en forme ce soir: les bras sont visibles en vision décalée, le pont de matière aussi! Il est bientôt 1h. Et comme Jimmy travaille demain, nous allons nous arrêter là. Enfin presque! Annie veut revoir M17, nous y retournons donc, au 13mm sans filtre, et nous sommes tous les trois d’avis que c’est vraiment une merveille ce soir

Nous rentrons le matériel dans la voiture puis, avant de rentrer, un dernier coup d’oeil à ce ciel formidable. On dirait que la Voie Lactée se jette dans le champ de blé, quel spectacle!

Sur le retour, les yeux brillants, nous essayons d’établir une hiérarchie dans les beautés vues ce soir: M11, M17, M20 et Ngc 7789 se disputent la première place. Les avis divergent, personnellement je renonce à établir un classement, je les aime tous!

Le quintet du Restefond

Lorsque je quitte ma montagne pour rejoindre le col de Restefond en ce 7 juillet après midi, j’ai un peu l’impression de partir en vacances : le temps est estival, ça sent bon les foins dans les alpages, et puis les pentes du Restefond ressemblent à celles du Galibier, celles de mes vacances d’enfant. Je suis aussi heureux d’aller si haut car je vais y rencontrer quelques-uns des astronomes de la région, pour la première fois. Nous serons cinq, comme le Quintet de Stephan!

Tout d’abord, le maître des lieux : Bernard; il habite au pied du col, et ne sait probablement pas lui-même combien de nuits il y a passé. Et puis trois citadins, habitants de la côte d’azur : Gérald, Drakkh, et Vincent. Tout comme Bernard, je suis heureux de les accueillir dans nos montagnes, et j’espère que le ciel sera au rendez-vous.

Justement, côté ciel, pas de certitudes. Quand je passe les premiers lacets,  de gros cumulus encombrent le ciel…

La montée vers le col est agréable, on rencontre vite les premiers névés, et surtout les marmottes, maitresses des lieux. J’ai voulu compter combien j’en voyais sur le bord de la route, mais lorsque j’en suis arrivé à 19 ou 20, je ne sais plus, j’ai arrêté de compter !  Elles sont partout sur le bord de la route qu’elles traversent en sifflant. Et si je ralentis pour les admirer, elles semblent me regarder, moi l’intrus, avec indifférence.

Arrivé au col (2650m), je poursuis par la petite route qui monte à la Cime de la Bonnette (2802m) subterfuge de l’administration locale pour mériter un temps le titre de « route la plus haute d’Europe ». Pour rejoindre le point de rendez-vous, il faut redescendre en contrebas du col sur l’autre versant, celui qui mène à Barcelonnette.

Le rendez-vous se situe à hauteur du Fort du Restefond, à une altitude d’environ 2500m. Je suis le premier sur les lieux, et je constate avec bonheur que le ciel se dégage de plus en plus.

Bernard me rejoint vite, puis Drakkh. Nous décidons de nous installer au-dessus du Fort, dans une petite carrière qui présente le double avantage d’être protégée de la route, et d’offrir aussi un spot où les téléphones portables peuvent fonctionner  (pratique pour prévenir Vincent de notre emplacement!)

Nous commençons à installer le matériel. Bernard a emmené deux dobsons de sa fabrication, un 300 et un 400! Drakkh est lui venu avec son 150mm, et espère imager un peu. Quant à moi j’ai bien sûr sorti mon tout nouveau Orion Optics de 300mm !

Collimation, et autres préparatifs, nous font patienter jusqu’à l’arrivée de Gérald accompagnée de sa charmante épouse. Il est lui aussi venu avec sa panoplie d’imageur: un beau C9 et tout ce qui va avec. Je dois noter que le Dobson OO 300mm est le plus vite mis en place !  Nous voilà presque au complet. Vincent doit nous rejoindre un peu plus tard, il arrivera juste lorsque nous commencerons à observer, et installera son SW 114mm dans la quasi obscurité.

Pendant que nous mangeons un peu, le ciel s’est couvert… Les nuages semblent néanmoins peu agressifs. Oui, mais au bout d’un moment, des questions se posent…  Tiens, une voiture approche, ce doit être Vincent. Ah, ben non. Il s’agit d’un drômois qui vient un peu voir qui est là sur des terres qu’il semble bien connaître. En effet c’est un autre imageur qui vient souvent par ici. Ce soir il est venu avec un objectif bien précis : la nébuleuse de la Patte de Chat, dans le Scorpion. Il va s’installer un peu plus loin pour ne pas nous gêner, sympa ! Bonne idée aussi car il a deux écrans dont un assez imposant. º_º

Le repas se termine, le ciel est toujours assez bouché, lorsque… Vénus fait son entrée en scène !  Et puis, Mars et Saturne.  Les trois planètes sont alignées au dessus d’un gros nuage un peu noir, mais sur un morceau de ciel bleu. Ce sera un bon présage. Le soleil se couche, magnifique spectacle, et puis en quelques minutes, la totalité du ciel se dégage. Les sourires sont de sortie ! La nuit s’annonce sous les meilleurs auspices. 🙂

Les trois sœurs

Puisqu’elles nous ont apporté le beau temps, nous commencerons par rendre visite à l’alignement des trois planètes. De gauche à droite : Saturne, Mars et Vénus.

Je commence par Vénus, qui offre une bien belle phase. La turbulence semble faible. Un passage rapide sur Mars qui nous a quittés depuis quelque temps, et tout le monde se rue sur Saturne. Bernard lâchera le premier commentaire : la vache ! quelle image ! et je suis à 800x !

Tous les regards se portent vers le 400mm, car c’est de lui dont il s’agit.

Un cercle se forme autour du Dobson, et grâce à sa table équatoriale, nous pouvons chacun admirer la belle Saturne. Elle est effectivement d’une stabilité incroyable à ce grossissement. Je compare ce que je vois dans mon 300mm, mais l’image est beaucoup moins stable, sans doute pas encore en température à cause de mon tube plein. Un essai de plus fort grossissement sera effectué mais c’est à 800x que l’image est la plus belle. Nos imageurs se précipitent sur leurs engins. Mauvaise nouvelle pour Drakkh qui n’arrive pas à fixer sa webcam à cause d’un tube qu’il n’arrive pas à desserrer (enfin, si j’ai bien compris…). Le voilà réduit à faire du visuel ! la suite dira qu’il ne le regrettera pas 😉 Après une tentative infructueuse de monter la dite webcam sur le dobson 400, Gérald tirera, lui, le portrait de la belle !

Le ciel du Restefond!

La nuit est maintenant tombée, et le célèbre ciel du Restefond est au rendez-vous! On a peine à reconnaitre les constellations, la Voie Lactée illumine le paysage, l’oeil nu se régale du spectacle.

Début du Festival

A partir de ce moment là, je dois dire que je me suis senti pris d’une sorte de fièvre. Certes, des ciels comme ça j’en avais déjà vu (en quittant un refuge en pleine nuit lors d’une course en haute montagne par exemple)  mais jamais avec un télescope à portée de main. Alors, tout ce que j’avais prévu de faire, et de voir, et bien je l’ai oublié ! Je me suis senti comme un chien fou, sautant d’une chose à l’autre, et s’excitant un peu plus au fil des observations. Et j’ai bien comme l’impression que je n’étais pas le seul ! Bernard a joué les chefs d’orchestre, choisissant les objets les plus magiques (des messiers pour la plupart), les plus beaux, les plus surprenants. On a fait des comparaisons 400-300 et aussi avec le 114 de Vincent ; ne riez pas, il était tout surpris, et fier, de ce qu’il en tirait hier soir ! Doit-on le redire ici ? Le ciel, tout est dans le ciel !

Alors, soyez indulgent, j’ai la tête encore pleine de toutes ces images vues il y a quelques heures, impossible de toutes les décrire, mais je vais vous parler de celles qui m’ont marqué le plus. Et puis mes camarades en ajouteront sûrement d’autres, et au final vous aurez une idée de ce qu’a été notre nuit. Le plus dur va être de ne pas se répéter, de trouver d’autres qualificatifs  que « merveilleux », ou « magnifique ».

Les premiers objets visés se trouvaient dans le triangle d’été (Véga-Deneb, Altaïr) :
M57 : une image magnifique dans mon 300mm, un centre bleu marine, et une centrale aperçue en vision décallée
M27 : elle flottait sur un tapis de million d’étoiles, la centrale visible au 300mm. Au 400mm la structure de l’haltère était d’une incroyable finesse, comme un tissu brodé.
– Dans le Cygne, les Dentelles (Petites, Grandes, et Triangle de Pickering) étaient splendides avec l’aide d’un filtre OIII. Bernard disait : on comprend pourquoi on les appelle « dentelles » ! Un premier regard en grand champ, puis des grossissements sur les structures montraient toute la finesse des dentelles (surtout au 400).
– Et puis la nébuleuse du Croissant, que je n’avais jamais réussi à bien voir au 200, était fabuleuse au 300. Même le prolongement central était évident en vision directe.

L’amas d’Hercule a bien sûr été de la fête. Et là je dois dire que le 300 et le 400 étaient très proches. Bernard m’a même dit : il est bon ton 300 !  Et puis, je n’avais si jamais bien vu la petite galaxie voisine,NGC6207, une belle petite spirale, bien enroulée autour d’un noyau bien brillant !

Mais que dire de M51 !!! Alors là c’est simple, c’est comme si je ne l’avais jamais vue auparavant. Les bras en vision directe, comme le pont de matière : j’avais en mémoire des dessins faits au 600. Une splendeur.

Je n’oublie pas le petit amas globulaire de la Flèche (M71) dont je résolvais le cœur en partie.

Et puis la galaxie de l’Aiguille (4565) si belle et si détaillée, ni les entrelacements de la planétaire de l’œil de Chat, ni M17, magnifique cygne, qui, dans le 400, m’a vraiment rappelé un dessin de Bruno au 495 !

Et le duo M81/82, la Trifide, NGC7009 (aka Saturne),  ah… j’en frémi de bonheur 🙂

Entracte

Et puis tout d’un coup, peu après 2h, les nuages refont surface ! Par le sud tout d’abord, puis l’est, et le reste suivra rapidement. Dès que la Voie Lactée fut cachée, la nuit devint d’un noir profond, intense, preuve s’il en est qu’elle nous éclairait jusqu’alors. Après un peu d’attente, nous décidâmes de prendre un peu de repos. En espérant se préparer pour le final.

Final

Sur le coup de 4h, les nuages nous laissèrent quelques brèches dans le ciel. Juste assez pour Jupiter et la Lune. Jupiter était, comme Saturne la veille, d’une belle stabilité. Au 300, la large bande équatoriale, et les plus petites justes au-dessus, ainsi que les pôles, étaient bien visibles à 300x. Quatre satellites bien alignés l’encadraient (3 d’un côté, un des l’autre). Une bien belle Jupiter.

Enfin, pour clôturer le spectacle, vers 4h30 un merveilleux petit croissant de Lune se lève au milieu d’un halo qui adoucissait son image. A 200x, la lumière rasante sur le terminateur était sublime. Même la Lune s’était mise au diapason.

C’est sur cette image que notre nuit se termine.  Drakkh et Vincent nous quittent vers 6h pour aller travailler (!), la tête pleine d’images merveilleuses.  Alors que les trois heureux vacanciers finissent cette belle nuit devant un café chez Bernard, à StEtienne-de-Tinée.

Quelle nuit mes amis ! Je vous en souhaite d’aussi belles.

Rencontre sous les étoiles

Toute la semaine j’ai voulu me lever vers les 2-3h du matin pour échapper à la lueur de la Lune et me plonger dans un ciel magnifique. Mais il est des jours où l’on ne fait que ce que l’on peut, où le corps ne suit pas toujours l’esprit. La fatigue, et une bronchite, ont anéanti ma volonté.

Pourtant, lorsque la migraine était trop forte, au petit matin, généralement vers 5h, et qu’il me fallait prendre une rasade de paracétamol, je ne manquais pas de regarder ce ciel par la fenêtre de la cuisine, identifiant les constellations, et imaginant pour un instant, pour un instant seulement, qu’il me suffirait de sortir le télescope et puis de…

Jeudi, la migraine me réveillait toujours mais je sentais les forces revenir. Et puis, un peu d’air frais ne peut pas faire de mal, enfin pas plus. Je passe un pantalon, une polaire, un bonnet, et me voilà sur la terrasse, les jumelles à la main, orientation sud-ouest. Je m’assois sur l’un des fauteuils de jardin ressortis le week-end dernier, signe définitif de fonte des neiges. Le ciel est lumineux, j’aime ces réveils étoilés. La Couronne Boréale me fait un grand sourire, je le lui rends bien volontiers. La Chevelure de Bérénice ressemble à un accent circonflexe. Le Bouvier et son rubis Arcturus me fait comme toujours penser à une coiffe, un turban, plutôt qu’à un berger. Juste au-dessus, Hercule semble danser. Je rends visite au maitre des lieux, cette concentration naturelle d’énergie, ces centaines de milliers d’étoiles, un des plus vieux objets qu’il nous soit donné d’observer.

Comme je baisse les yeux pour aller saluer le Scorpion qui se lève, je sens que l’on m’observe. Droit devant moi, à quelques trente mètres, une tête se détache sur les névés qui entourent la maison. Il est 5h30. Le jour s’annonce, on commence à apercevoir le paysage, surtout en contraste avec la neige qui s’attarde. Les oreilles face à moi, le museau dans ma direction, je l’ai reconnue. C’est une femelle chevreuil, qui passe souvent par ici au petit matin. Je ne bouge plus, j’essaye même de ne pas respirer. De longues secondes s’écoulent. Elle ne bouge pas d’un millimètre. Et puis… elle baisse la tête et broute les quelques brins d’herbe que la neige a bien voulu laisser pousser. Je souris. Elle accepte ma présence. Soudain, sur ma droite, un craquement, comme une brindille dans le feu. Une autre tête jaillit sur le chemin juste en bas de chez moi. Celle-là porte de petites cornes. Il escalade le talus, et le voilà debout, le regard dans ma direction. Il est encore plus près, à 10-15 mètres de moi. Je continue de jouer les végétaux. Je veux jouir de ce moment le plus longtemps possible.

Une éternité plus tard, il tourne la tête vers sa compagne, et la regarde longuement. Et puis, d’un commun accord, ils se mettent en marche, lentement, dans la même direction, et s’éloignent. Lui d’abord comme pour donner le signal, et puis elle. Bientôt je ne vois que leurs croupes disparaitre avec souplesse et élégance dans les bois. Je reste là, inondé de bonheur. Partager un ciel étoilé avec un couple de chevreuils!

Le lendemain matin, 5h15, me revoilà. Même lieu. Le ciel m’a encore fait sortir, mais au fond de moi, une rencontre m’obsède. Hier, ça n’était ma première rencontre avec ce couple, ils passent souvent par ici vers ces heures, mais j’ai eu l ‘impression que nous nous reconnaissions et, qui sait, qu’ils appréciaient ma contemplation. Une sorte de communion sous la voûte céleste. Ce matin, je n’en espère pas autant. Peut-être juste les apercevoir ? Et puis, un névé attire mon oeil. Quelque chose bouge dessus. Je mets un moment à réaliser: un jeune chevreuil (dit-on un faon?) a du mal à tenir ses pattes verticales sur la neige. Je n’en crois pas mes yeux. Il est à une trentaine de mètres! Occupé comme il le semble, j’ose porter les jumelles à mes yeux: je le vois maintenant clairement, ce petit corps porté par des pattes immenses. Je n’en reviens toujours pas. Mais où sont les parents ? Je scrute les environs, dans la pénombre environnante. Je ne vois rien. En revenant vers le névé, je n’aperçois qu’un corps qui disparait, et puis des bruits de galop, plus bas dans le bois. Ils l’ont appelé, ils s’en sont allés, tous les trois, me laissant là sous le ciel qui s’éteint… Et s’ils avaient voulu me présenter leur progéniture ?

jp

Photo: Un autre jour, plus tard, une femelle (probablement la même) exactement dans la même position, même lieu.

Sous le signe du Triplet

En attendant le printemps
Le ciel change. Pendant que nos nuits raccourcissent, des mouvements s’opèrent, la mécanique céleste se déplace et avec elle les belles constellations du Lion, de la Vierge, de la Grande Ourse et des Chiens de Chasse. Bientôt elles seront nos compagnes du début de nuit. Elles ont un point commun qui me ravit: elles regorgent de galaxies! Et depuis mon voyage vers le pôle nord galactique vous savez que j’ai un faible pour elles. Alors pour ce printemps, j’ai décidé de passer les semaines qui viennent à les observer attentivement, plusieurs fois si nécessaire, pour les voir évoluer, changer, se montrer différentes. Je vais passer mon printemps à les poursuivre, pour mieux les aimer. Et puis, j’ai pris une décision que je regretterais peut-être , vu mes capacités dans ce domaine : je vais essayer, modestement, de les dessiner; je devrais plutôt dire de les croquer, ce serait plus juste.

Répétition générale.
Alors, ce matin, c’est une sorte de répétition générale, d’abord pour retrouver mes repères dans cette région du ciel, et puis aussi pour essayer de faire un premier croquis, pour savoir ce dont je suis réellement capable… Je me suis levé à 3h pour éviter la Lune et surtout pour que le Lion soit plein sud-ouest, c’est à dire juste en face chez moi. Je suis tout excité de revoir une constellation que je n’ai pas visitée depuis le printemps dernier. Pour ces retrouvailles avec le noble animal, j’ai choisi de me concentrer sur trois triplets: tout d’abord le plus fameux (M65, M66, NGC3628), puis M95-M96-M105, et enfin NGC3681-3684-3686. Pourquoi des triplets ? D’abord par esthétisme, voir trois objets dans le même champ est une des plus belles choses qui soient; ensuite pour une raison plus émotionnelle: depuis un certain 27 février 1986, je peux dire que je vis, astronomiquement, sous le signe du triplet. Et ce matin, c’est presque un anniversaire.

M65-M66-NGC3628
Il est 3h30, je suis prêt. Le ciel est beau, sans plus. Il manque d’éclat. Le temps que je m’installe un nuage s’est réveillé du nord-ouest. Je le surveille d’un air méfiant. J’ai l’impression que lui aussi… Je pointe le triplet, très heureux de le revoir. Il est un peu à l’image du ciel, pas très en forme. M66, habituellement la plus ronde, est un peu tronquée ; son noyau est toutefois bien brillant. Etonnamment, M65 semble presque plus imposante que M66, son noyau est plus empatté, plus diffus. Quant à NGC3628, c’est une fine lame comme d’habitude, mais je ne vois pas la séparation, et le noyau est vaguement visible. J’ai l’impression de les avoir réveillées et qu’elles semblent s’étonner de ce regard précoce. Le nuage, lui, se fait menaçant, je le suspecte de vouloir venir me voir… Je sors vite ma planchette et commence à croquer la scène. Un oeil dans l’oculaire, un sur le papier blanc, et un troisième sur le nuage . Celui-là fait jouer ses pouvoirs magiques et se métamorphose pour couvrir plus de ciel, je fais comme si je ne voyais rien. Et puis, alors que je peaufine M66, elle disparaît de l’oculaire. Je lève la tête, le monstre s’est encore métamorphosé, il est énorme, et recouvre la totalité du Lion. J’avais bien vu son côté sournois. En plus il semble se moquer : il a pris la forme de l’Amérique du Nord ! Sournois et arrogant ! J’attends. Il se lassera avant moi. Un petit quart d’heure plus tard, il s’est volatilisé. Je ricane et reprends mon dessin. Mais l’ignoble individu, a laissé des mines derrière lui, des bribes, des filaments, qui passent et repassent. Je termine tant bien que mal mon dessin. Il me semble fidèle à la vision dans l’oculaire : un triplet des mauvais jours. Mais c’est comme ça, le ciel décide. Vous me direz ce que vous pensez du dessin, enfin du truc que j’ai fait là…

M95-M96-M105
Je me déplace un peu vers l’est, sous le ventre de la bête, pour aller voir mon deuxième triplet. Je localise M95 immédiatement, puis M105. Mais où est passée M96 ?? J’explore, vérifie mon orientation, regarde le PSA, revient à l’oculaire, pas de doute elle doit être dans le champ. Et puis, ah mais oui la voilà, oh la pauvre… c’est une ombre, un fantôme. A l’œil nu le secteur semble encore envahi par des résidus de ce nuage arrogant qui n’a pas supporté ma présence. Je passe du temps sur la zone, M96 se montre mieux par moment. Et puis, le triplet va se transformer en quartet : NGC3384 se montre là tout prés de M105. Elle est même en meilleure forme que M96 ! Je sens que les choses se gâtent. J’hésite à aller voir mon troisième triplet qui est plus difficile, mais bon, je suis debout, allez c’est parti !

NGC3681-3684-3686
Celui-là est une autre histoire. Des magnitudes de plus de 11 (11.4 à 11.7), et des tailles de 2’ d’arc au bas mot, il va falloir ouvrir l’œil ! A l’œil nu, j’aperçois difficilement la petite étoile qui sert de repère dans le triangle Denebolah-Zosma-Chertan. Elle n’est pourtant que de magnitude 5.5… Je pointe la région et commence à chercher. Pas évident. Et puis, au fil des minutes, une, puis deux rondeurs nébuleuses font leur apparition, et puis une troisième, enfin je crois, ah oui, ah non. Bref, le triplet est, comme attendu, particulièrement difficile. J’en vois clairement deux, de forme bien ronde, mais la troisième est comment dire ? …aléatoire

5h30, j’aperçois Saturne dans les brumes de la Vierge. Je m’y dirige. Ca bouge pas mal, et puis moins, curieusement c’est même plutôt stable au bout d’un moment. Je n’ose pas trop grossir, à 150x, le spectacle est malgré tout joli. Les anneaux sont finement visibles, et quelques bandes autour de l’équateur également. Heureux de retrouver Saturne aussi !

Je regarde le ciel, il est presque voilé par endroits. Je vais me rentrer, quand même heureux de ma sortie. J’ai vu ce que je voulais voir, à défaut d’une grande qualité de ciel, et j’ai fait un gribouillis du célèbre triplet.

Anniversaire
Ce petit matin du 27 février 1986, je sors de l’hôpital vers 6h. Comme pour chercher de l’oxygène, je lève les yeux vers le ciel : le Scorpion se lève, Antarès est magnifique, et sur sa gauche deux objets lumineux forment avec elle un triplet que je n’oublierai jamais. Mars et Saturne sont en conjonction ce matin là, tout près d’Antarès. Le triangle est magique, et c’est là que je décide que reposera mon père, qui vient de mourir dans mes bras, après avoir consacré sa courte vie à l’astronomie. Le signe du triplet vient d’entrer dans ma vie.

jp

Photo: Jean Pinson, 1959 – Pose de carrés de poix pour le polissage d’un miroir.

Quelques commentaires sur le web

Voyage vers le pôle galactique

Crainte et détermination.

Toute la journée de ce 22 janvier, la nuit était prévue claire. Ce n’est que vers 18h que je commençais à m’inquiéter : l’hygromètre grimpait anormalement malgré l’absence de prévision de précipitations. J’avais prévu une sortie aux alentours de 23h30, pour laisser le temps à la Lune de se coucher. Et justement à 23h l’hygromètre affichait 62%… je faisais clairement la tête, normalement dans de pareilles circonstances ça devrait rester aux alentours de 40%… J’hésite, et puis finalement à 23h30 je passe ma combinaison de cosmonaute, il est hors de question que je ne sois pas dehors en cette nuit du 23 janvier ! D’autant que le ciel semble très attirant. Il fait froid, -7° devant chez moi. Je charge la voiture. C’est parti !

Je suis vite arrivé, vous connaissez l’endroit où je m’arrête. En sortant de la voiture la neige crisse au premier pas, je souris de plaisir. Le thermomètre affiche -10°. Altitude 1765m. Je regarde le ciel la tête en arrière. Doucement je tourne sur moi-même, je suis au centre de l’univers! Je fais plusieurs tours au risque de me faire tourner la tête. Les constellations défilent devant mes yeux, comme défilait le paysage sur le manège de mon enfance. J’entends des rires, et mon cœur battre. Le manège s’arrête en douceur, je cherche la voiture des yeux.

Je sors le matériel, et l’installe calmement. Une petite bise me caresse la nuque, elle me dit que je vais avoir froid à un moment donné… Le windchill doit donner du -12° au bas mot. Minuit. Je prends la température du ciel en trois endroits : M31 au nord-ouest, presque couchée, M42 sud-ouest, bien basse, et la nébuleuse de l’Eskimo, haute et plein sud. Mes craintes liés à l’humidité se confirment : M31 est tristounette, M42 un peu éteinte, et l’Eskimo qui devrait pourtant aimer cette nuit glaciale est aussi un peu en retrait par rapport à ma dernière sortie, même si je vois son étoile centrale. Je constate tout ça, mais cela n’affecte ni ma détermination ni le programme que j’ai prévu. Il est des nuits où les choses sont simples et les envies plus fortes que tout.

Un voyage galactique.

Cette nuit je l’ai voulu essentiellement galactique, je vais suivre un chemin qui va m’emmener du Lynx jusqu’au Lion en passant par la Grande Ourse, les Chiens de Chasse, la Chevelure de Bérénice, et bien sûr la Vierge et son fantastique amas de galaxies. En route je passerai par le pôle nord galactique dans la Chevelure de Bérénice, ce point essentiel dans le système de coordonnées galactiques qui prend en compte la rotation de notre galaxie sur elle-même. Pourquoi ce choix ? Pour des raisons à la fois esthétiques et sentimentales : esthétiques parce que la vision d’une galaxie reste pour moi un spectacle sublime, d’une finesse et d’une force exceptionnelles ; sentimentales aussi parce que j’ai grandi auprès d’un père qui a passé sa trop courte vie à observer les galaxies, à les surveiller, à les écouter. Il y avait dans son bureau, un fichier de milliers de fiches bristol sur lesquelles il notait ses observations à chaque fois qu’il passait les voir. Ces fiches regroupent donc des notes couvrant une période de près de 30 ans de la presque totalité des galaxies du catalogue NGC. Sur chaque fiche, un titre simple écrit au normographe « NGC » suivi d’un numéro. Ce fichier d’un autre temps, j’y ai promené mes yeux avant même de comprendre ce qu’est une galaxie, et d’en voir une dans un oculaire. Ces fiches me fascinaient.

En cette nuit de mon anniversaire, comme tous les ans, je pense très fort à mon enfance, à ce qui m’a fait, et à ceux qui m’ont fait. Et les galaxies en font partie. Au détour des constellations il n’est pas rare que l’une d’elles me rappelle un souvenir précis, une parole ou une image. Ce soir, ce n’est pas qu’une balade galactique, c’est aussi un retour dans mon passé, et le plaisir de cette rencontre avec moi-même est plus fort que le froid qui m’entoure.

Le Petit Lion et le Lynx.

Je commence mon voyage galactique par une galaxie lenticulaire dans le Petit Lion, NGC2859. On pourrait croire qu’elle appartient au Lynx car elle se trouve à seulement quelques minutes d’angle d’Alpha du Lynx. Avec une magnitude de 11.8, je la trouve assez vite. Le disque est assez faible, mais le bulbe central relativement lumineux. Par contre, je ne vois pas l’anneau externe que l’on voit sur les photos.

Puisque je suis tout près du Lynx, je longe cette ligne brisée jusqu’à NGC2782. Sa magnitude visuelle est de 11.6, mais sa magnitude surfacique n’est que de 13.9. Elle m’apparaît vue de face, une forme légèrement allongée, mais peu lumineuse, et avec un noyau ponctuel.

Je poursuis en direction de la patte de la Grande Ourse, vers Kappa UMa et Talitha. En prolongeant ce segment de deux fois se trouve une toute petite (2.8’ x 2.5’) galaxie circulaire de faible magnitude surfacique (13.4), NGC2776. Si je vois bien sa forme ronde, je n’arrive pas à distinguer un noyau.

La Grande Ourse et les Chiens de Chasse.

C’est une étape importante du voyage. La Grande Ourse renferme des trésors. Je commence par rendre visite à Phecda qui me conduit jusqu’à M109, belle galaxie spirale. Sa forme m’apparaît clairement, mais je ne vois pas beaucoup de détails. Je décide de suivre la route reliant Phecda à Chara dans les Chiens de Chasse. Cette voie royale est jalonnée d’une bonne vingtaine de galaxies. A peine quitté M109, je rencontre un petit groupe de trois galaxies : une belle forme très effilée, bien marquée, plutôt lumineuse (magnitude 12.1) NGC4157, et un peu plus loin un duo faible mais de taille assez respectable, NGC4085 et 4088. Le petit groupe est plein de charme.

Je continue ma route en direction des Chiens de Chasse pour arriver sur une splendeur, M106, lumineuse, de belle taille (19’x 8’), c’est un joli spectacle.

Et puis, pris de remords je remonte sur Phecda pour aller voir un autre petit groupe : NGC 3738/3756 et un peu plus loin 3718/3729. Ces galaxies sont de petite taille (environ 2’x 2’), je les vois donc faiblement, de formes légèrement allongées, avec des noyaux ponctuels et difficilement visibles.

Un peu plus loin toujours dans la direction de Merak, je rencontre le Hibou, belle nébuleuse planétaire première exception à mon programme galactique. Sa taille me parait imposante à côté des petits groupes de galaxies, mais les yeux du Hibou sont difficiles à cerner avec une turbulence qui me complique la tâche. Heureusement M108 va me réconforter, sa forme élégante très allongée est magnifique, et surtout ce qui m’apparaît plus comme une étoile centrale, que comme un noyau, bien lumineuse rend l’ensemble magique malgré une transparence moyenne du ciel.

Puis, je quitte le quartier pour aller à la rencontre de M101, l’une des difficultés de la Grande Ourse. On ne sait jamais comment on va la trouver. Et ce soir elle me surprend : bien étendue, un noyau assez brillant, et une sensation de « mouvement » autour du noyau. Ce ne sont pas des bras, mais comme des vagues sur cette surface de faible magnitude.

Autre rendez-vous dont on ne sait jamais à l’avance ce qu’il sera : M51. Et là encore je suis agréablement surpris. Elle est bien lumineuse avec, en vision décalée, des vagues autour du noyau qui sont bien là des « amorces » de bras. La petite compagne NGC5195 est par contre plus discrète ; quant au pont de matière il reste invisible.

De là, il ne reste plus qu’à rejoindre M63, la galaxie du Tournesol. La forme est bien là, une belle ellipse, plutôt lumineuse. L’aspect granuleux de la zone centrale reste par contre invisible, le tout étant uniformément blanc.

Je quitterai la Grande Ourse par un bref passage sur les Chiens de Chasse pour aller voir M94 et son disque qui m’apparaît curieusement circulaire et bien lumineux. La surface de cette galaxie donne un effet de densité peu rencontré.

La Chevelure de Bérénice et la Vierge.

Me voilà proche du pôle nord de notre galaxie : j’entre dans la Chevelure de Bérénice. Je cherche un bon moment NGC4889 mais ne la trouverai finalement pas, ce qui me surprend étant donné sa taille et sa magnitude (11.4).

Je décide alors de descendre en direction de la Vierge, pour aller voir au passage M53 et NGC5053 (quoi de plus naturel moi le natif de 1953 !). M53 se montre facilement, mais je n’arrive pas à le résoudre, la difficulté de mise au point est notoire. Par contre, après NGC4889, voilà que je ne trouve pas NGC5053 ! Je ne comprends pas vraiment, cela a l’air facile…

Et voilà le clou du spectacle : l’amas de galaxies de la Vierge, un véritable sanctuaire de galaxies. Ce coin du ciel m’a toujours fait rêver. Je viens sur Vendemiatrix, puis survole l’amas en direction de Denebola du Lion. Le spectacle est grandiose. Je renonce à identifier chaque galaxie avec précision, mais me régale de la vue. D’un mouvement lent je survole ces autres univers, et en dénombre douze sur ma route, d’une grande diversité de forme : des petites spirales, des circulaires, des tourmentées. Les magnitudes surfaciques sont faibles dans ce nuage constitué de M58-59-60 et M84-85-86-87-88-89-90-91, et quelques autres !

Le Lion et Saturne.

Mon voyage touche à sa fin. Je voulais finir par le triplet du Lion : M65, M66 et NGC3628. Je n’ai pas vu ce trio depuis le printemps dernier, et je le retrouve un peu pâle. Chaque élément est néanmoins reconnaissable : la svelte M65, la ronde M66 et la fine lame de NGC3628. La vision de ces trois galaxies si différentes, qui remplit le champ du nagler 13mm est une des beautés du ciel, et des galaxies. Je les quitte heureux.

Comme je regarde le ciel à l’œil nu, j’aperçois Saturne blottie dans les bras de la Vierge. Je décide d’aller lui rendre une petite visite. Saturne est la seule planète qui me touche, celle dont la vision ne me laisse jamais indifférent. L’inclinaison des anneaux me ravit, j’aperçois quatre satellites. J’aime décidément Saturne. Je ne peux m’empêcher de penser à cet été 1966 où j’observais la disparition des anneaux semaine après semaine.

Epilogue.

Me voilà au terme d’une randonnée qui m’aura apporté beaucoup de bonheur et un peu d’émotion. Il fait froid, j’ai froid, mes pieds ont froid. Mais mon cœur est au beau fixe. Le ciel n’était pas au mieux, la faute à cet accès d’humidité, mais il m’a donné du plaisir, et à deux exceptions près, m’a permis de voir une trentaine d’objets galactiques qui ont pour moi une signification toute particulière. Un bien beau cadeau que m’a fait le ciel pour mon anniversaire.

jp

Photo: Observatoire Antarès,  La Seyne s/mer (var)

Quelques commentaires sur le web

La beauté se dessine en silence

17 décembre 2009.

Ce nouvel épisode de mes randonnées de décembre commence ce matin à 4h45 lorsque mon réveil interne me réveille pour aller voir le ciel. C’est un de ces matins où j’ai l’impression d’être réveillé par les astres. Et à peine dehors je comprends pourquoi : un vrai Atlas du Ciel vivant ! Je comprends aussi très vite qu’il ne fait pas chaud… le thermomètre affiche -10°. Je regarde ce ciel, comme ça, à l’œil nu, pour le plaisir. Le Grand Chien, Orion, et le Taureau se couchent, les Gémeaux semblent danser à l’étage au dessus, la Licorne, elle, plonge vers Orion. Je contemple, j’imagine les objets à voir, je pense à cette liste d’objets que je veux voir avant la fin de l’année. Mais pas le temps de sortir le matériel, je dois partir tôt ce matin, je prends rendez-vous pour le soir même.

20h. Le ciel est magnifique, la nuit est annoncée claire. Il fait déjà -8°. J’ai quelques idées de balade et une thématique « nébuleuse planétaire ». La neige crisse sous mes pas, j’aime ce bruit. Le tube est en place, je pointe ma première cible, un duo dans Céphée : NGC 6939, un amas ouvert, et NGC 6946 une galaxie toute proche. L’amas est assez ramassé, une sorte d’amas  globulaire (un peu comme M52 ou M37), on dirait que ses étoiles sont de même magnitude, l’ensemble est très fin, doux, discret, et fort joli au 13mm. A peine plus loin se trouve la galaxie. Je devine une nébulosité en vision directe, mais ne la vois bien qu’en vision décalée, sans pour autant distinguer une forme bien précise ; mais l’ensemble (amas + galaxie) vaut le détour, et tient dans le champ du 13mm.

Je remarque soudain qu’une petite bise souffle de manière irrégulière, d’où la mise au point difficile. La turbulence est aussi notable. Le ciel si clinquant se révèle plus difficile qu’il n’y parait…

De là, je veux aller voir NGC 7008, la nébuleuse planétaire du Fœtus dans la constellation du Cygne. A mi-chemin entre Deneb et Alderamin je la localise facilement. La vision au 13mm est magnifique, une double « albireo-esque » bleue et jaune et juste au-dessus un petit nuage bleu dont la forme allongée rappelle effectivement celle d’un fœtus. La chose est encore plus évidente au 7mm, mais la turbulence est décidément gênante ! En tout cas une bien belle vision que cette 7008 !

Puisque je suis dans le quartier je passe voir une autre belle planétaire : la Blinking, NGC 6826. Je la trouve facilement, mais la turbulence semble s’accentuer. Au 7mm je vois la centrale mais n’arrive pas à la mettre au point. Néanmoins l’effet « blinking » est bien présent : en alternant visions décalée et directe, la centrale et la nébulosité alternent, c’est toujours rigolo à voir. Mais la bise se mêle de la partie, et rend l’observation délicate.

Je me dirige alors dans la Baleine pour voir une autre nébuleuse planétaire NGC 246 qui, elle aussi, est proche d’une petite galaxie NGC 255. Las, la Baleine est assez basse et la turbulence fait rage, je ne parviens pas à distinguer quelque chose avec certitude. Je crois avoir aperçu la planétaire mais transparence et turbulence me rendent la tâche difficile. J’abandonne.

La bise forcit, les mélèzes donnent une impression de ressac un peu curieuse lorsqu’on a les pieds dans la neige ! Avant de quitter la Baleine je passe voir la galaxie M77. Elle se montre facilement, j’aime beaucoup la voir avec delta dans le même champ. Au 7mm, M77 se montre néanmoins discrète, je distingue le noyau et une nébulosité, sans autre détail.

Le ciel me parait de moins en moins transparent, et la turbulence de plus en plus forte. De plus, la bise commence aussi à rendre les choses difficiles, et à me geler les extrémités : je ne sens déjà plus mes pieds malgré deux paires de chaussettes…

Pour vérifier mon impression, je passe voir les galaxies M31 et M33. C’est bien ça, le ciel est de plus en plus difficile. M33 reste quasi-invisible, et M31 a des airs de M33 lorsqu’elle est en forme ! J’ai de plus en plus froid aux pieds…

Direction Orion, et une autre planétaire NGC 2022. Elle se situe dans le « chapeau » du guerrier, entre Bételgeuse et la pointe. Au 13mm, elle ne me saute pas à l’œil. Mais dès que je grossis avec le 7mm (143x) elle apparaît bien, plutôt grosse, ovale, bleu sombre, sans d’autre détail, là aussi la turbulence est pénible. Je repasse le 13mm et vois bien 2022 maintenant, mais au premier abord, ça n’est pas évident. Belle planétaire que je vois pour la première fois. Comme quoi il n’y a pas que M42 dans Orion ! D’ailleurs je passe voir aussi NGC 2186, amas ouvert au large de Bételgeuse. Il faut reconnaître qu’il est plutôt petit, et discret. Ses étoiles sont peu concentrées et j’en dénombre une vingtaine au bas mot.

La bise se renforce encore. Les -8° doivent maintenant en valoir -12°. Mes pieds me font souffrir. Je décide d’arrêter là. Ce ciel pourtant magnifique à première vue, se sera avéré assez moyen finalement : transparence médiocre et turbulence tenace. Mais j’ai bien aimé le duo de Céphée (6939/6946), le Fœtus, et 2022 dans Orion, sans oublier la Blinking du Cygne. Une belle soirée quand même, quand la presque totalité de la France est sous les intempéries !

Merci de m’avoir lu !

jp


Le Bloc-Notes

Bonjour à tous,

Je l’ai trouvé il y a quelques temps, au fond d’une malle, ce petit recueil d’observations, ce petit carnet ; à le voir comme ça, il ne paye pas de mine : sur la couverture rouge, comme un titre, « Bloc-Notes » est écrit en blanc bien au centre. J’ai passé une bonne partie de l’été à observer avec ce bloc-notes comme seul guide. L’écriture est fine et régulière, l’encre bleue a viré au noir par l’effet du temps. En haut de la première page, une date : 22 juillet 1960.

Comme ses notes le montrent, l’auteur du bloc-notes aimait le ciel profond : étoiles doubles, nébuleuses, amas, galaxies, se succèdent page après page. De temps en temps une planète quand même ; en cet été 1960, Jupiter et Saturne étaient de la partie. Et puis, entre les notes, des petits dessins montrant la position des étoiles dans les amas, les distances angulaires (très précises) des étoiles doubles, la position des satellites de Saturne ; des dessins quasi-géométriques, d’une précision mathématique. Quelques croquis de nébuleuses aussi, moins précis mais donnant une bonne idée de l’ensemble. J’ai donc trouvé dans ces lignes beaucoup d’information, beaucoup de détails. Ces observations de 1960 ont été réalisées avec un Newton de 210mm, sur monture équatoriale à berceau, optique et monture « maison ». Un instrument avec un diamètre proche du mien, ce qui a rendu les notes encore plus intéressantes.

Les étoiles doubles m’ont principalement attirées. Il est vrai que j’en observe peu, ou bien les plus connues (Albiréo, Mizar,…) mais ces notes m’ont donné envie d’y consacrer un peu plus de temps, même si mes oculaires ne sont pas toujours adaptés pour cet exercice… Et puis, j’ai découvert, se faisant, que les étoiles doubles sont une belle activité pour les soirs de Lune. Les cibles que m’indique le bloc-notes se trouvent dans les constellations de l’été : Cygne, Aigle, Lyre, Serpentaire, Scorpion. Mais la première que je remarque à la page du 28 juillet, c’est… la Polaire ! Et oui, je l’avais oublié, l’étoile Polaire est une étoile double ! Comment oublier cette étoile avec laquelle commencent toutes mes observations, que je vise pour orienter ma monture équatoriale mais que je ne regarde jamais dans un oculaire ? Je répare cette erreur au plus vite : une belle étoile blanche-jaune que cette Polaris ! Je la dédouble facilement pour voir sa petite copine apparaître, magnifique duo. La compagne semble avoir des reflets rosés ce soir-là. Je reste un moment à observer ce spectacle, on cherche parfois des choses bien loin, alors qu’elles sont à portée de l’œil !

Tout heureux de cette (re)découverte, je me dirige vite vers le Scorpion qui, sinon, sera rapidement trop bas. J’ai relevé trois étoiles doubles sur le bloc-notes : Beta, Nu, et Zêta. Beta se dédouble facilement : une principale assez grosse, blanche, et juste en dessous une toute petite secondaire jaune ; l’ensemble fait plutôt penser à une petite planète et son satellite. A environ 2° à l’ouest de Beta, se trouve Nu, j’en profite pour faire le détour et essayer de la dédoubler. Je n’y parviendrais que partiellement, n’ayant pas de grossissement suffisant. A 100x (tout ce que je peux faire ce soir-là) je vois une forme allongée qui laisse entrevoir les deux compagnes, mais il m’aurait fallu grossir plus pour les voir distinctement. Ma dernière cible dans le Scorpion est Zêta, mais là je reste perplexe ?! L’auteur du bloc-notes l’a observée un 9 août, et l’heure de début d’observation est 19h30. En 2009, ça fait certes du 20h30 (pas d’horaire d’été en 1960) mais ça reste bien trop bas pour moi pour que je puisse voir la queue du Scorpion qui m’est cachée par une montagne. L’observateur de 1960 était en bord de mer, donc il a pu la voir, mais elle devait quand même être très basse sur l’horizon…
Avant de quitter le Scorpion, je repasse par Antarès, pour de là remonter doucement sur Rhô du Serpentaire, environ 3° au nord d’Antarès ; Rhô est si proche d’Antarès que l’on croirait qu’elle appartient au Scorpion, mais c’est en fait l’étoile la plus méridionale du Serpentaire, au milieu de la nébuleuse IC4604. Malheureusement, je ne verrais pas la nébuleuse à cause de la Lune, et ne serais pas plus chanceux avec l’étoile double. Mon « indicateur » précise l’avoir dédoublée à 320x. Dommage. Cette chasse aux étoiles doubles va changer ma gamme d’oculaire c’est sûr, et j’y retournerai.

Pour échapper un peu à la présence pénible de la Lune, je décide de prendre de la hauteur, et me dirige vers la Lyre. Toujours en suivant les indications du bloc-notes, je décide d’aller voir l’alignement des trois étoiles doubles de la Lyre, j’ai nommé, du nord au sud : Epsilon, Zêta, et Beta (aka Sheliak). Le ciel est vraiment meilleur au zénith, Vega est, comme toujours, en très grande forme ! Le double effet d’Epsilon est un vrai régal, séparation facile du premier étage (Epsilon-1 et Epsilon-2), puis séparation de chaque Epsilon à 100x, le ciel était décidemment pas mal dans ce coin ! La position des deux duos, horizontal pour Epsilon-2 et vertical pour Epsilon-1, rend le spectacle encore plus unique. Après avoir bien pris le temps de savourer Epsilon, je descends de 2° pour m’arrêter sur Zêta (bien pratique le NLVW 30mm pour ça, il me donne juste 2° de champ !). Zêta est semblable à Béta du Scorpion, mais inversée : la principale plus grosse et bien blanche est en dessous de la petite naine, blanche aussi, qui semble comme en équilibre sur sa grande sœur ! Je m’amuse de cette vision. Puis je continue ma route en direction de Sheliak, pour m’arrêter sur ce mini-amas ouvert constitué de 4 étoiles, dont l’une est double. Sheliak, bien plus lumineuse que ses compagnes, est au centre de l’ « amas ». Le PSA indique qu’il s’agit aussi d’une étoile variable. Une fois dédoublée, le petit système de cinq étoiles a un charme fou, surtout par la disparité des tailles des étoiles, des petits points délicats entourant Sheliak, deux en dessous, un au dessus, l’ensemble est très joli. Bien sûr, je ne quitte pas les lieux sans un petit coucou à la voisine M57. Très fine et légère ce soir-là, une merveille de petit rond de fumée.

Un autre soir, je m’intéresse au Cygne. Au programme de mon guide de l’été : Delta, Tau, 61 et 52. Des étoiles doubles plus difficiles à dédoubler, qui demandent de forts grossissements. Mais malgré quelques échecs, j’ai apprécié de passer des heures à fouiner cette constellation si riche, en évitant pour une fois les vedettes habituelles.

Un autre jour j’irai voir Pi de l’Aigle, petite double dans le voisinage d’Altair, et puis Alya extrémité septentrionale du Serpentaire, ou bien Gamma du Dauphin un peu plus à l’ouest. Je reste dans le quartier toute la soirée, en sautant d’une étoile à l’autre. Je découvre une autre façon d’observer, en évitant les « circuits touristiques » !

Et puis, il n’y a pas que des doubles dans ce bloc-notes. J’ai aussi découvert des nébuleuses planétaires comme 6572 dans le Serpentaire, ou 6818 dans le Sagittaire, et des tas d’autres objets dans leur voisinage immédiat. Par exemple, je suis fasciné par tous les objets que je découvre dans un carré de 5° de côté, au sud-est de 6572 : trois étoiles doubles, deux amas ouverts, un globulaire, et l’étoile de Barnard. Excusez du peu !

Voilà mes observations de l’été (en dehors des soirées découvertes pour les copains). J’ai bien aimé mon petit bloc-notes, il m’a fait (re)découvrir des objets (comme les étoiles doubles) et a changé un peu ma vision des choses en explorant de manière plus détaillée le ciel, en dehors des chemins battus des catalogues officiels. Mais, surtout, pendant tout l’été, le soir venu, j’avais 7 ans, l’âge que j’avais cet été 1960; et j’observais le ciel avec l’auteur du bloc-notes, mon père. Une chose simple, que je ne peux plus faire depuis un quart de siècle ; et qui me manque.

jp

Quelques commentaires sur le web