Quand le vent est au sud

Un temps merveilleux dans la plaine du Berry aujourd’hui. Un petit vent du sud s’attarde sur les blés et rafraichit un peu l’atmosphère. Il fait bon se promener au milieu des champs en ce début d’après midi, à la recherche du lieu idéal pour la nuit à venir. Tirant les enseignements de la précédente, Jimmy m’emmène un peu plus loin de la ville, là où un léger vallonnement nous cachera les lampadaires de la périphérie. Au moins, on ne les aura pas directement dans les yeux. Et puis, un champ de tournesols de l’autre côté atténuera un peu le vent qui doit certes faiblir mais rester présent une partie de la nuit. L’endroit est superbe. Non loin de là, des planeurs s’élancent dans le ciel et décrivent des cercles au-dessus des quelques cumulus qui surveillent la plaine; on entend le sifflement du vent dans leur voilure lorsqu’ils passent au-dessus de nous. Vous connaissez la chanson, elle s’impose à moi en cette belle après-midi:

Quand la plaine est fumante et tremble sous juillet
Quand le vent est au rire, quand le vent est au blé
Quand le vent est au sud, écoutez-le chanter
Le plat pays qui est le mien.

Ce n’est pas le mien ce pays, mais je l’aime bien; je resterais des heures à regarder le blé onduler comme une mer de paille, à écouter ce doux ressac qui chuchote dans le lit du vent.

22h: j’arrête la voiture à l’endroit repéré quelques heures plutôt, le long de la petite route qui sépare le blé du tournesol. L’herbe y a été tondue, pour la première fois j’ai l’impression d’installer le 200 sur une pelouse.

22h30: La Lune est magnifique, et juste au-dessus les trois planètes bien alignées: Saturne, Mars et Vénus. C’est un bien bel ensemble. En guise d’exercice, je laisse mes deux élèves, pointer eux-mêmes la Lune puis les planètes. Le croissant est magnifique dans le dégradé du couchant. La brillante Vénus montre une belle phase, Mars pas grand chose, et Saturne est la plus belle, comme toujours. Annie et Jimmy cherchent ses satellites, la soirée commence très bien.

L’alignement Saturne- Mars-Vénus:

23h: le ciel nocturne se met en place. Le zénith est déjà bien noir. En attendant que le reste du ciel soit prêt, nous filons dans la Lyre admirer Véga, puis la double Sheliak, et enfin M57. Premier constat: le transparence est excellente dans ce coin du ciel.

23h30: ça y est, le ciel se dévoile de partout. La Voie Lactée est merveilleuse, sa structure apparait complexe de Cassiopée jusqu’à l’horizon sud. Deux gros nuages d’étoiles sont en particulier impressionnants: l’un en dessous de l’Aigle, l’autre à hauteur du Sagittaire. Le sud est vraiment d’une belle noirceur: le Scorpion est visible intégralement, je vois rarement sa queue dans mes montagnes… Je suis heureux, car j’ai justement prévu d’aller explorer cette partie du ciel, entre l’Aigle et le Scorpion, le long du chemin lactée.

Je commence par M11, l’amas du Canard Sauvage. La couleur est annoncée: c’est une splendeur! Le ciel bien noir le met en valeur, les merveilles de petites étoiles sont incroyablement nettes, et le vol de canard semble presque en mouvement. Un bien beau départ que nous admirons de longues minutes.

Prochain arrêt: M17, la Nébuleuse Omega, que je préfère appeler Nébuleuse du Cygne. Dès que je la vois dans le champ du 13mm, je ne peux m’empêcher de laisser échapper un cri: wow!!! Sans filtre, le Cygne flotte avec grâce sur un tapis de diamants. Une subtile couleur verdâtre le rend presque réel. C’est l’une des plus belles images de M17 que j’ai vue! Aprés l’avoir tous admirée au 13mm puis au 7mm, je mets le filtre OIII sur le 13mm: la forme du Cygne est encore plus prononcée, et sa structure détaillée. Mais la vision au 13mm sans filtre restera la plus belle, nous sommes d’accord tous les trois!

Un petit peu plus bas se trouve l’amas M18 qui, il faut bien le reconnaitre, va nous paraitre bien fade aprés le Canard. Et encore plus lorsque nous arrivons sur le couple M20-M21. Contrairement au Cygne, la Trifide ne se montre qu’avec l’OIII. Sans filtre, on ne distingue qu’une des trois pétales de la pensée des champs célestes. Mais avec le filtre, elle est éclatante de beauté. Pas de couleurs, mais des nuances tourmentées et les trois composantes de la fleur trifide bien nettes. Le spectacle continue…

Je me pose ensuite sur M22, le bel amas globulaire du Sagittaire. Il semble presqu’aussi lumineux que celui d’Hercule! Dans le Scorpion, M4 est aussi magnifique ce soir, ce qui est rare! La ligne d’étoiles brillantes qui le coupe en deux est très nette.

Nous nous remettons de nos émotions en regardant le ciel à l’oeil nu. Quel spectacle! Les discussions vont bon train pour classer les trois vedettes M11, M17 et M20

Bien sûr nous passons aussi voir M13, le chouchou d’Annie. Il est à l’image du ciel de ce soir: époustouflant. La petite galaxie NGC6207 est aussi au diapason, d’une très belle luminosité!

Devant tant de belles images, je veux montrer à mes compagnons, la Rose de Caroline, NGC 7789. Et je ne le regretterai pas! La Rose est aussi à son meilleur. Cette finesse, la disposition des petits joyaux, la vision de l’ensemble, recueillera les suffrages de Jimmy, emballée par cette merveille.

Un passage par M31 qui est ternie par les lueurs lointaines d’une grande ville, puis par M51 très en forme ce soir: les bras sont visibles en vision décalée, le pont de matière aussi! Il est bientôt 1h. Et comme Jimmy travaille demain, nous allons nous arrêter là. Enfin presque! Annie veut revoir M17, nous y retournons donc, au 13mm sans filtre, et nous sommes tous les trois d’avis que c’est vraiment une merveille ce soir

Nous rentrons le matériel dans la voiture puis, avant de rentrer, un dernier coup d’oeil à ce ciel formidable. On dirait que la Voie Lactée se jette dans le champ de blé, quel spectacle!

Sur le retour, les yeux brillants, nous essayons d’établir une hiérarchie dans les beautés vues ce soir: M11, M17, M20 et Ngc 7789 se disputent la première place. Les avis divergent, personnellement je renonce à établir un classement, je les aime tous!