Cœurs brisés dans le Cosmos


Après un mois de disette je retrouve enfin le ciel. En ce qui me concerne, l’été n’est jamais une période très prolixe en observation : nuits trop courtes, nuisances accrues, grosses différences de température entre le jour et la nuit (en montagne) donc pas mal de turbulence, etc. C’est donc avec un réel plaisir que je me retrouve enfin sous les étoiles depuis quelques nuits. Ca sent bon la fin de l’été, la montagne a retrouvé sa quiétude. Le ciel de ces dernières nuits était fabuleux. Dommage que la Lune se lève si tôt…

Emotions
Lorsqu’on me demande pourquoi j’aime observer le ciel, il y a un mot qui revient souvent dans la conversation : émotion ; celle de sentir la nuit m’envelopper et une légère brise me caresser le visage, d’entendre les derniers chants des oiseaux, de voir les étoiles s’éclairer les unes après les autres. Oui, la première émotion, c’est bien celle-là : attendre le moment où je me sens en harmonie avec ce qui m’entoure, être bien sur terre pour partir à la découverte du ciel.

Puis, il y a l’émotion visuelle pure, celle qui est liée au spectacle offert : un petit anneau qui se détache sur un tapis de diamants, un amas d’étoiles si fines que le silence me gagne, une étoile si colorée que mes yeux doivent en briller de plaisir dans le noir, une spirale si belle que j’en ai le vertige. Cette émotion-là est la plus forte, c’est celle qui me guide souvent vers un objet ou vers un autre.

Et c’est à ce moment-là qu’une autre émotion me touche : ces objets sont vivants, ce ne sont pas que de belles choses, ils ont une histoire, un passé, une vie. J’aime penser à la place qu’ils occupent dans l’univers, au rôle qu’ils y jouent, à quel moment de leur vie je les vois : regarder une nébuleuse et imaginer toutes les étoiles qui y naissent ; admirer une étoile et selon sa couleur, sa distance, ou sa taille, se projeter dans le temps et rêver à la suite de l’histoire ; observer un amas globulaire et imaginer quel évènement a pu provoquer sa formation ; découvrir petit à petit une galaxie et imaginer ce qui s’y cache. C’est une belle émotion aussi, elle va plus loin, fait se poser des questions.

Cœurs brisés…
Parmi les objets célestes, il est une catégorie dont l’histoire me touche particulièrement : lorsqu’une étoile de masse « intermédiaire » vieillit, et qu’elle a consommé tout son hydrogène et son hélium, son cœur s’effondre sous l’effet de la gravité. De la géante rouge il ne reste alors plus qu’une étoile naine, et des expulsions de gaz tout autour. Pourtant la petite naine va encore vivre des milliers d’années avant de disparaître dans l’univers. Le paradoxe c’est la beauté de ces petits coeurs brisés : leur longue agonie brosse dans le ciel des aquarelles vivantes, des variations de formes et de couleurs, et cette beauté me touche. Je vous invite donc à rendre visite à quelques-uns de ces « cœurs brisés ».

… dans le Cygne, l’Aigle et Ophiuchus.
Les observations qui suivent sont le fruit de plusieurs soirées, au fil de la semaine, dans un coin du ciel où j’aime bien trainer l’été: Le Cygne, L’Aigle, et Ophiuchus, du zénith vers l’horizon sud, en se laissant glisser le long de notre toboggan étoilé, la Voie Lactée. Certaines de ces nébuleuses planétaires demandent de la persévérance, comme des caméléons elles se cachent bien dans le fourmillement de la Voie Lactée.

Le Cygne.
Je commence par rendre visite à NGC7008, la nébuleuse du Foetus. Elle se situe tout au nord de la constellation du Cygne, dans la nébuleuse obscure Le Gentil 3. Je la localise entre Alderamin Cep et Deneb Cyg, environ à mi-distance. Puisque qu’elle se situe dans une zone obscure de la Voie Lactée, on la repère facilement. La première chose que l’on remarque c’est une petite étoile double que je vois bleue et orangée (parfois, je la vois bleue et jaune, un peu comme Albireo). Et puis juste au-dessus d’elle, tout près, on voit une forme qui ressemble un peu à une oreille. Mais si on laisse un peu de temps à son oeil, cette forme devient translucide, et on y voit apparaître alors trois étoiles très fines. C’est à ce moment là, que la comparaison avec le fœtus devient évidente, sans doute à cause de la transparence de cette sorte de bulle. Elle est bien belle ces jours-ci, mais dans un ciel toujours menacé de l’arrivée de la Lune elle ne m’est pas toujours apparue aussi belle qu’un soir de décembre 2009 au T200 !

NGC7026.
Toute proche de 63 Cyg (au-dessus d’America), une petite forme allongée semble se protéger dans la lumière de la supergéante orangée. J’avais lu qu’elle ressemblait à un sandwich, mais elle ne me montrera pas plus. Je suis pourtant retourné la voir deux soirs…

NGC7048

Proche de NGC7026, il faut avouer qu’elle reste très fantomatique. En vision décalée on devine une forme ronde, dont le centre est plus sombre. Mais je n’ai pas vu la centrale…

NGC7027
Trouvée facilement entre Zeta Cyg et Nu Gyg, à hauteur de Deneb. Elle est très lumineuse ; au 13mm (120x) on dirait une étoile double un peu empattée, puis au 7mm (220x), on perçoit très bien une forme rectangulaire avec un chenal qui la sépare en deux lobes. Le plus beau est sa couleur bleu-lagon.

NGC6894
Elle n’est pas sur le PSA, mais on la trouve facilement. Elle forme un triangle équilatéral avec 41 Cyg et 39 Cyg, en direction d’Albireo. Au 9mm (176x) on voit très bien sa forme annulaire, pas sa centrale. Une belle surprise !

NGC6742
Elle n’est vraiment pas évidente à trouver, car dans un secteur assez désert (de l’autre côté du Cygne, juste en dehors de la Voie Lactée). Pour très peu, elle appartient en fait au Dragon. Pour la localiser j’ai imaginé l’intersection des lignes K Cyg-Vega et Rastaban Dra-Eltanin Dra. Mais c’est plus facile à déterminer sur une carte que dans le ciel… Le seul point de repère est 16 Cyg à environ 1° 3. Après deux soirs et de longues minutes, je n’ai réussi à voir qu’un disque assez faible…

Avant de rejoindre l’Aigle, je fais un petit détour dans la Lyre pour aller voir NGC6765, une planétaire que je ne suis jamais allé voir. Assez petite (38’’), je n’ai pas dû manger assez de myrtilles et je ne l’ai pas localisée. J’ai bien repéré le parallélogramme et la double blanche qui matérialise l’un de ses sommets, mais point de trace de la belle… Un peu déçu de ne pas l’avoir vue ce soir car le ciel était vraiment magnifique à cet endroit. Faudra y retourner

Dans l’Aigle, je commence par le duo NGC6803/6804.

NGC6804 est assez évidente. Je la repère au 13mm. Puis au 7mm, sa forme annulaire devient visible, et 3 petites étoiles aussi : la centrale, encadrée par deux autres, une sur chaque bord du disque. NGC6803 est, elle, minuscule (5’’ !!). J’ai lu que certains ont vu sa centrale à 200x (avec un T300) mais pas moi…

NGC6781 est d’assez grande taille par contre. Elle m’apparaît même « énorme » après les petits disques que je viens de voir. Elle est, par contre, plutôt faible, mais au 13mm je vois bien sa forme ronde, que l’on devine annulaire en vision décalée. Le pourtour est bien marqué, sauf vers le bas (dans l’oculaire). C’est au 9mm (176x) que je la trouve la plus belle, la partie centrale sombre est plutôt petite, mais je ne vois pas la centrale.

NGC6790
Difficile à localiser, car petite (9×5’’). Je l’ai trouvée parce que j’avais vu une photo du champ, 3 étoiles en arc de cercle d’un côté, et deux « étoiles » en face la partie concave de l’arc, l’une d’elle étant 6790. Elle est d’aspect stellaire et à fort grossissement elle ne montre rien de plus qu’un minuscule disque. Un peu décevant…

NGC6751
Tout au bas de l’Aigle, à égale distance de Lambda Aql et 12 Aql. A 200x, c’est une petite boule, plutôt blanche (?), dans laquelle la centrale est visible, ce qui est étonnant au vu de la faible taille (21’’).

Je poursuis dans Ophiuchus.

NGC6572, Nébuleuse de l’Emeraude
Je la repère rapidement, en dessous de 71 et 72 Oph. Au 13mm, on repère une étoile bien bleue, un peu plus grosse que les autres. Au 7mm, on pense à la Snowball (Ngc7662), un joli bleu turquoise.

NGC6309, Nébuleuse de la Boite
Je l’ai repérée au 13mm, parce que je connaissais le coin pour y être déjà venu au début de l’été. Sinon, ça n’est pas évident à faible grossissement. Elle a un aspect stellaire (taille 20×10’’) un peu curieux, et en grossissant (200x et plus) on voit une petite étoile (mag 11,5) et juste au dessus une forme verdâtre, vaguement rectangulaire. L’ensemble est toutefois assez joli.

Voilà. C’est la fin du voyage. J’espère que vous m’avez suivi jusque là (je sais, c’est long ). C’est une balade intéressante, où le repérage est parfois délicat, et les objets pas toujours évidents. Mais, c’est ça aussi le plaisir de l’observation !

Détails techniques.
Observations réalisées entre le 28 août et le 2 septembre.
Instrument : T300
Altitude : 1700m
Température entre 9 et 12°
Humidité 50-60%
Bonne transparence, peu de turbulence.