Deux nuits

Deux belles nuits, plutôt douces, sans humidité. Un grand plaisir que je partage volontiers avec vous.

9 décembre.

Tout d’abord, les conditions : 0°, seulement 35% d’humidité (!), pas de vent, une bonne transparence, mais malheureusement toujours de la turbulence. Il y a un moment maintenant que je n’ai pas eu une nuit sans (forte) turbulence, affectant même les étoiles…

Au programme ce soir, quelques objets sur lesquels j’avais noté de revenir. Le secteur est celui du moment, autour d’Orion : Gémeaux, Cocher, Taureau, Licorne, Lièvre, Eridan.

Sur ma liste : un petit double amas, des nébuleuses connues et moins connues, deux nébuleuses planétaires que je traque depuis un moment, quelques galaxies. De quoi passer une bonne soirée 😉

Afin d’attendre que le Lièvre et l’Eridan soient plus hautes dans le ciel, je commence par le Cocher et le Taureau, indissociables. Vous avez sans doute remarqué dans le pentagone du Cocher, une sorte « d’épée d’Orion » dans la partie basse, au centre. A l’œil nu, trois étoiles sont alignées à cet endroit. Pour les matheux, elles semblent appartenir à la médiatrice du segment Beta Aur-Iota Aur. Il y a tout d’abord 19 Aur, puis 16 Aur, et enfin 14 Aur, une petite double. A la hauteur de 19 Aur, de part et d’autre, se trouvent deux petites nébuleuses diffuses : IC410 (à gauche) et IC405 (à droite). La plus facile à localiser est IC410, car elle enrobe un petit amas ouvert NGC 1893. Sans filtre, seul l’amas est visible. De forme irrégulière, contenant une petite vingtaine d’étoiles. Au bout d’un moment, une vague forme de « V » semble se dégager. Mais une fois le filtre OIII chaussé, la nébuleuse apparaît. Elle enrobe bien le « V » comme un papier mi-transparent mi-translucide. Une jolie vision que cette nébuleuse, appelée par les photographes Nébuleuse des Têtards à cause de deux trainées gazeuses qui semblent s’échapper du nuage ; trainées bien sûr invisibles à l’oculaire.

De l’autre côté de 19 Aur, se trouve IC405, la Nébuleuse de l’Etoile Flamboyante. La dite étoile est AE Aur, une petite étoile variable. Il faut là encore le filtre OIII pour apercevoir la nébulosité, grande et (très) faible. Il faut reconnaître qu’elle n’est pas spectaculaire à ce diamètre. IC410 m’a laissée une bien meilleure impression.

Je me dirige ensuite vers le Taureau, non sans avoir rendu une petite visite de courtoisie à M37, le plus bel amas ouvert du Cocher avec son étoile orangée en plein centre. Mais ce qui m’amène dans le Taureau, c’est le double amas. Pas l’autre, non, je parle de NGC 1807 et NGC 1817. Une conjugaison lilliputienne du double amas. Les deux tiennent aisément dans le même champ, l’un est discret, fin, et dense (1817); l’autre (1807) brillant et moins riche. Une jolie variante du plus célèbre des Doubles Amas, que ce Double Amas du Taureau.

Encouragé par la vision d’IC410 avec le filtre OIII, je passe voir la Nébuleuse du Crabe. Et bien, il n’y a pas de vérité absolue en matière de filtres et de nébuleuses. M1 me montre plus sans filtre qu’avec. Je vois très bien, en vision directe, des mouvements que je sais être des filaments. En tout cas une granularité bien différente de la vision que j’en avais au T200.

Avant de redescendre vers la Licorne et le Lièvre, je me dirige vers les Gémeaux. Deux raisons, deux nébuleuses planétaires : NGC 2392, l’Esquimau, et puis surtout NGC 2371-2. 2392, que je passe souvent voir ces jours-ci, est égale à elle-même, bleutée, la centrale bien visible, et une petite structure autour, assez floue car la turbulence est trop présente. Mais c’est 2371 qui m’intéresse ce soir. J’en ai vaguement aperçu les contours la semaine dernière, mais je veux en voir plus. Environ à mi-chemin entre Iota Gem et Rho Gem, je pose mon point rouge et… la voilà, éclatante ce soir. Contrastée, de forme allongée, les deux lobes lumineux  m’apparaissent immédiatement en vision directe au 13mm. Je chausse le 9mm (170x) puis le 7mm (220x), la vision devient floue mais les deux lobes sont éclatants ; un petit canal sombre semble les séparer. La centrale n’est toutefois pas visible. Côté couleur, l’ensemble m’est apparu blanc. Quelle belle surprise, je suis heureux ! 😉

Après avoir longuement observé NGC 2371, direction le Capricorne. Un petit arrêt sur NGC 2301, découvert la semaine dernière, c’est vraiment un amas ouvert très original. Et puis direction les nébuleuses : le Cône et son amas, Hubble, et la Rosette et son amas. La Rosette sera vite repérée car je vois son amas central, NGC 2244, à l’œil nu.  Au 13mm, l’amas est éclatant, mais la nébuleuse ne se montre pas. Je ne suis pas surpris, la Rosette nécessite un filtre OIII (comme quelques autres nébuleuses). Dès le filtre en place sur le 32mm, la fleur apparaît. Comme souvent, je distingue trois zones distinctes autour de l’amas, comme trois pétales. Toujours aussi belle, la Rosette !

De l’autre côté de 13 Mon, je rencontre NGC 2261, la Nébuleuse variable de Hubble.  Avec le filtre OIII, je vois bien sa forme de « comète » : une tête brillante, et une pâle queue qui semble s’en échapper. On pourrait aussi y voir un éventail, mais je préfère l’appellation de comète. Belle vision en tout cas !

Enfin, en remontant d’un petit degré vers le nord, je tombe sur l’amas NGC 2264, dit de l’arbre de Noël. J’avoue que je ne vois pas bien le sapin et les boules 😉 La nébuleuse est, elle, décevante, même avec l’OIII. On voit des trainées nébuleuses de-ci de-là, assez pâles. Et bien sûr par le Cône, réservé aux photographes, ou aux gros diamètres.

Orion est maintenant bien haute. Je passe quand même voir M42, et aussi Sigma Orionis (superbe étoile multiple), puis me dirige vers l’Eridan. Au programme, NGC 1535 bien sûr, mais aussi quelques petites galaxies. La coquille de bleu (1535) est magnifique. Je l’admire en silence. Et puis je me dirige vers NGC 1700.  C’est une galaxie située entre Beta Eri et Mu Eri, non loin de la double 62 Eri. Elle est ovale et montre un noyau ponctuel. Continuant ma route le long de l’Eridan, je rencontre NGC 1637, non loin de Mu Eri. Elle ressemble à NGC 1700. Enfin, le vais voir NGC 1600, un peu plus bas que Nu Eri, également ovale et avec un noyau marqué.

Il est bientôt 2h. je vais terminer ma balade du jour par le Lièvre. Je cherche depuis des semaines à voir la nébuleuse planétaire IC418, dite le Spirographe. Et bien, hier soir, je l’ai trouvée… du premier coup ! Je n’en reviens pas, tellement j’ai usé mes yeux dans cette région à sa recherche. Sa centrale est bien visible au 13mm. Par contre, c’est sa couleur qui me déçoit un peu. Je m’attendais à une couleur rouge-rosée, je la vois… blanche. Après de longues minutes j’ai l’impression de voir des reflets orangés… Fantasme ou réalité ? Il faudra surveiller ça tout au long de l’hiver. Pour me consoler de cette « non-couleur », je passe revoir l’Etoile Cramoisie de Hind. Quelle couleur ! Et quel final !

10 décembre.

Le lendemain, même conditions (juste un peu plus froid, -4°, et un peu moins de turbulence: je voyais les étoiles bien ponctuelles, ce qui n’était pas le cas ces derniers jours), je remets donc ça. Sur le coup de minuit, me voilà dehors avec un programme différent. Ce soir, je ne vais pas à la recherche de l’inconnu ; j’ai envie d’approfondir certaines observations, de me concentrer sur des objets que je connais bien, ou que j’ai découverts récemment, et de chercher à voir plus et mieux. L’expérience m’a appris qu’il est rare de tout voir à la première observation, et que même des objets « connus » cachent encore des choses. J’ai sélectionné six nébuleuses planétaires, et je vais leur consacrer deux heures, les scruter, les comparer, en prenant le temps.

NGC2022 dans Orion

Elle se repère facilement, mais on ne voit pas de détails si on ne grossit pas. Au 7mm (220x) j’ai vu, après un temps d’observation conséquent, une ébauche d’anneau interne. Quant à la couleur, des reflets verdâtres se montrent de temps en temps, mais l’aspect général reste dans les gris, voire blanc cassé.

IC418 dans le Lièvre

J’ai enfin  pu l’observer le 9 décembre (voir plus haut), après des semaines de recherche. En fait, je cherchais une petite boule rouge, et sa couleur n’est pas si tranchée. La première fois je l’ai vue blanche, sans trop de détails. Je la trouve aussi un peu plus grosse que ne le laisse supposer les éphémérides (9’’). En tout cas, je l’ai encore mieux vue cette nuit. La centrale (mag 10.2) est vraiment bien visible au 13mm (120x). Au 9mm (170x) j’ai même pu apercevoir un anneau sombre autour de la centrale. Et puis surtout, j’ai trouvé la centrale légèrement orangée, à moins que ce ne soit la couleur de l’ensemble qui la montre comme ça. Toujours est-il que j’ai pu, hier soir, voir cette couleur qui rend IC418 spéciale. Il faut du temps à l’oculaire, mais cela en  vaut la peine.

NGC 1535 dans l’Eridan

Je l’ai aimé depuis ce jour de novembre 2009 où je l’ai observée dans le T200. Avec le T300 , son bleu est encore plus éclatant, sa centrale (mag 12.2) facile en vision directe. Une petite étoile est aussi visible à la limite de la couronne. Malheureusement, elle est basse (-12° de déclinaison) et la turbulence m’a empêché de grossir plus de 170x.

NGC 1360 dans le Fourneau

Là, on est encore plus sud (-25° de déclinaison), et ça « turbulait » pas mal. Je l’ai quand même localisée assez facilement, juste en dessous du « retour » de l’Eridan. Bleutée, de forme ovale, elle est quand même assez grosse (6.5’). Après de longues minutes, je pense avoir aperçu la centrale, mais comme NGC 1360 n’est pas référencée dans les éphémérides de l’hémisphère nord, je ne peux pas vérifier sa magnitude. Il faudra que j’y retourne, la vision que j’en ai eu est assez prometteuse.

NGC 7662 dans Andromède

Dans ce coin du ciel, la turbulence était moindre. J’ai pu aller jusqu’à un grossissement de 220x et même 300x. J’ai vue la centrale (mag 13) et surtout une structure en anneau que je n’avais jamais soupçonnée avec le T200. Un soir sans turbulence, il y a moyen de voir encore plus.

M76 dans Persée

Familière celle-là. Mais là encore, en prenant le temps et en grossissant (220x minimum) on voit des extensions sur l’une des extrémités. Les deux « têtes d’os » sont aussi assez lumineuses, surtout l’extrémité (vers le bas dans l’oculaire). Par contre la centrale (mag 15.9) ne se montre pas à ce diamètre.

Voilà, pour cette nuit, peu de choses, mais en profondeur. J’ai l’impression de mieux les connaître !

jp