Balade matinale

3 décembre, 3h. Hier, le ciel était magnifique, mais fatigué par la trop courte nuit (de sommeil) de l’avant-veille (vous me suivez là ?) j’ai résisté à l’appel du ciel pour prendre un peu de repos ; en me disant qu’il serait parfait de se réveiller vers 3h. Et comme souvent dans ces cas-là, ça marche ! C’est ce que j’appelle mon réveil interne 😉

Donc me voilà debout, je file à la fenêtre, et… une claque ! J’ai l’impression de regarder une photo ! Sur un ciel bien noir (aucune lumière dans les environs à cette heure-là), Orion trône majestueuse au sud-ouest. Autour d’elle, sa cour : Les Gémeaux, Le Cocher, Le Taureau, l’Eridan, Le Lièvre, le Grand Chien et La Licorne. Je reste le nez collé à la vitre, tel un enfant devant une vitrine de Noël ! J’ai encore sommeil, mais comment retourner me coucher ?! J’enfile le plus de choses car dehors il fait… -10°. Cinq minutes plus tard, je descends au garage à la simple lueur d’une petite led rouge (je n’éclaire jamais lorsque je me réveille en pleine nuit pour observer, il faut absolument conserver une vision nocturne quasi parfaite au milieu de la nuit). Dans le garage, ne pas se cogner aux voitures, trouver le tube, le sortir. Tiens, il fait moins noir qu’à la fenêtre : c’est l’oeil qui s’habitue, et puis la neige qui amplifie la lueur des étoiles. Comme il fait 3° dans le garage, le tube sera vite opérationnel ! Je retourne chercher les oculaires dans le noir. Dans la valise, je sais où les trouver : le 13mm à gauche, puis le 9mm, et le 7mm. Je ressors les poches plus lourdes.

Sans réfléchir, je sais que je vais faire le tour d’Orion. C’est la suite logique de la précédente nuit passée à explorer Orion. C’est un parcours que j’ai déjà fait l’hiver dernier, mais il est logique, et puis comme ça pas trop besoin de la carte 😉

Je regarde les Gémeaux, juste au dessus d’Orion, au niveau de la taille de Pollux (Wasat). Sur la gauche deux étoiles de magnitude 5 forment avec Wasat un triangle équilatéral. Juste à côté du sommet le plus occidental se trouve NGC2392, la nébuleuse de l’Esquimau. C’est elle que je scrute. Je pose le point rouge à cet endroit précis. La boule bleutée est superbe, la centrale (mag 10.5) est éclatante. Comme sur d’autres planétaires, l’effet blink est évident : en vision directe la centrale éclatante, noyée de bleu. En vision décalée (200x), un petit disque entoure la centrale, autour de lui une séparation plus sombre délimite la partie périphérique plus claire, d’un joli bleu turquoise. Je pousse le grossissement à 300x, ça danse dans tous les sens. Mais de temps en temps j’aperçois des « lueurs » dans la partie centrale, des sortes de tirets blancs. Jolie vision que cet esquimau.

Puisque je suis dans les Gémeaux, et que le ciel est assez transparent, j’ai envie de tenter deux autres nébuleuses planétaires : NGC2371-2 et PK205 (Medusa). Je les ai souvent tentées avec le T200, mais jamais vues. Pour 2371, il faut aller plus haut entre les « cous » de Pollux et Castor, un peu au-dessus de Iota Gem. Je balaie le secteur, 2371 est plutôt grande comparée à l’Esquimau (44’’ vs 20’’). Au bout d’un moment, je finis par apercevoir une nébulosité, pâle, très pâle. Je sais que c’est elle. Mais il me faudra revenir, et tenter de voir les deux lobes qui sont, parait-il, visibles dans un T300. Quand même satisfait de ma découverte, je descends maintenant vers le « genou » de Pollux  (Lambda Gem), 4° en direction de Procyon se trouve PK205. Pour repérer l’endroit, deux petits amas ouverts jalonnent l’espace : NGC 2395 et un peu plus loin NGC 2355. 2395 est plus grand et plus lumineux que 2355, plus discret. Mais la Méduse, pourtant assez grande (10’) restera invisible.

Poursuivant ma descente, je passe par la Licorne, et le bel amas ouvert NGC 2301. Il est superbe ! Riche et assez dense, mais c’est sa forme qui est unique : une sorte de grand T, certains y voient un volatile 😉 En tout cas, c’est un très bel objet.

Juste en dessous de la Licorne, se trouve une grande nébuleuse, la nébuleuse de la Mouette. C’est en fait un ensemble d’objets qui s’étendent depuis l’amas ouvert NGC2335 jusqu’à Ced 90.  Au gré des visites, certains apparaissent mieux que d’autres. Ce matin là, c’est Gum 1 (la tête de la Mouette) qui était la plus évidente. Lumineuse, circulaire, elle entoure une étoile brillante. NGC 2335 est aussi assez joli. NGC 2343 est plus discret. C’est en tout cas un arrêt à ne pas manquer que cette Mouette, on y trouve toujours quelque chose d’intéressant à voir, et pas toujours la même chose, ce qui la rend imprévisible.

En sortant de la Mouette, on entre dans le Grand Chien. La première rencontre est celle d’un autre amas ouvert (NGC 2345 – la région en regorge). De là, en se dirigeant vers l’ouest, on tombe sur NGC2359 la nébuleuse dite du Casque de Thor. Elle n’est pas en forme ce matin. Je distingue la forme, mais je vois habituellement plus de détails.

En glissant légèrement vers l’ouest, on entre dans la Poupe, riche constellation. Deux trésors sont incontournables : M46 et M47. Deux mondes, deux visions d’un amas ouvert. Le clinquant M47, étendu et brillant, à l’opposé de M46, plus dense et surtout d’une grande finesse. En regardant M46 on ne peut s’empêcher de penser à NGC7789, ou à M37. Et puis surtout, il y a NGC2438 posée sur le bord de M46. Une boule bleue posée sur un coussin de poussière d’argent (selon l’expression de Dédé !), c’est une merveille. En fait 2438 est en avant-plan de l’amas, et au bout d’un moment on ressent bien ce décalage de plan. Mais le premier coup d’œil est bluffant, et l’on croit que la planétaire fait vraiment partie de l’amas. Une étoile de magnitude 13 est bien visible près du centre de 2438, mais ce n’est pas la centrale beaucoup plus faible (magnitude 17.5). En grossissant un peu (220x) on devine aussi une ébauche de structure annulaire.

Je passe ensuite sous Orion, pour aller dans le Lièvre, voir IC418, une petite nébuleuse planétaire. Plutôt petite effectivement (14’’x 11’’),  et dans un secteur assez pauvre en points de repères. De plus, il est plus de 5h, et le Lièvre est assez bas, où la turbulence est la plus forte. Une fois de plus je ne repèrerai pas cette nébuleuse planétaire rouge, l’une des très rares. Fin janvier, ce sera plus facile.

Je remonte maintenant sur la droite d’Orion. L’Eridan est la première constellation que je rencontre. Une très belle nébuleuse planétaire est aussi sur mon chemin : NGC1535. Je l’avais découverte l’hiver dernier. Petite (21’’), elle est d’un bleu magnifique, avec une zone centrale d’un bleu plus soutenu, et une centrale visible en vision directe. Une « petite coquille de bleu », qui tremble dans la turbulence ce matin. Mais elle peut se montrer bien mieux lorsqu’elle est un peu plus haute dans le ciel (janvier-février). A suivre 😉

Me voilà dans le Taureau. La nébuleuse du Crabe est droit devant. Souvent décevante, elle m’a agréablement surpris le mois dernier. J’avais vu assez nettement son aspect granuleux, et des impressions de filaments. Même chose ce matin, le T300 semble plus adapté à cet objet assez faible. Le diamètre permet d’en voir un peu plus.

On approche 6h, le ciel ne va pas tarder à s’éclaircir (le soleil se lève tôt à l’est !). Je vais terminer ma ronde sur le plus bel amas ouvert du Cocher : M37. Il est encore magnifique aujourd’hui : un poudroiement d’étoiles,  et au centre une étoile rouge-orangée !

Le jour va se lever. Comme toujours j’ai les pieds gelés, mais je me suis offert une bien belle balade matinale ! 😉

jp

Photo: Le Cians en hiver. (Joel Pinson – 2006)