Au dessus de la brume

6 octobre. Lorsque, vers 22h, je sors le T300 devant chez moi, le ciel que je vois malgré les lumières du village est très prometteur : la Voie Lactée est bien marquée du Cygne jusqu’au Capricorne qui se couche, la galaxie d’Andromède facilement visible. Alors, comme vers minuit les lumières vont s’éteindre, ce sera le bon moment pour ressortir. Le ciel semble d’ailleurs découvert sur une grande partie de la France, puisque les savoyards (Dédé, Richard et Christian) sont déjà en place et, en Bretagne, Anne vient de sortir son tube elle aussi. 🙂

23h. Rapide coup d’œil sur le ciel, depuis la terrasse : quoi ? Plus une seule étoile !!! Une nappe de brouillard enveloppe le paysage. Je rentre, dépité, en espérant que la tendance s’inverse d’ici une heure.

Minuit. Me voici dehors. Ouf ! Le ciel s’est entièrement dégagé, c’était bien une brume passagère. D’ailleurs, je la vois maintenant qui bouche la vallée. Elle est redescendue, et quelques taches translucides laissent deviner l’emplacement des villages de la vallée. La baisse de la température en altitude aura été mon alliée ce soir. Le ciel est donc bien dégagé, le village dans l’obscurité, la collimation au point, la soirée peut commencer ! J’oubliais, en fond sonore, des brames de cerf, dans la forêt juste en dessous, vont rythmer mon observation.

Un petit bémol toutefois, l’humidité est féroce ce soir. En fait, je n’ai pas souvenir d’en avoir subi autant par ici. L’hygromètre indique 86%, derrière moi j’entends les gouttières pleurer comme s’il tombait un petit crachin. Le tube du 300 est déjà trempé, et la vitre du point rouge est pour la première fois embuée. Pas de chance, moi qui avais des envies galactiques…

Qu’à cela ne tienne, puisqu’Andromède se montre si bien à l’œil nu, je passe la voir. C’est un curieux spectacle : d’abord, elle est très lumineuse, de même que M32 et M110 ; et on dirait que la luminosité des noyaux diffuse dans le nuage qui les entoure. L’ensemble est donc lumineux et diaphane à la fois. J’ai rarement vu M31 aussi brillante. Par contre peu de détails, l’ensemble est très diffus. Et puis, alors là c’est du jamais vu (!), une zone sombre sur la droite de la grande galaxie donne l’impression que les bras ont été amputés d’un morceau. Je reste un moment sur cette vision, regarde le ciel, non, pas le moindre nuage à cet endroit du ciel, mais on dirait qu’une nébuleuse obscure est venue se poser par là ! Je suis tellement étonné de cette vision que j’en fais un rapide croquis.

Toujours perplexe de cette vision, je passe voir NGC891, une de mes galaxies favorites. Avec cette humidité, pas de miracle, j’en aperçois la belle forme en fuseau en vision décalée. Mais rien de plus.

Je me décale sur Pégase, sur NGC7457, ronde et très diffuse, en vision décalée là aussi. Puis NGC 7331, plutôt belle compte tenu des conditions, la spirale est lumineuse et assez marquée, mais l’ensemble est très diffus. C’est un peu la même impression que sur M31 : lumineux et diffus à la fois. J’essaierais bien de voir le Quintet de Stephan tout proche, mais renoncerais rapidement, ça n’est pas le soir.

Avant de quitter le secteur, je passe quand même par la Boule de Neige (NGC7662). Elle est très haute dans le ciel, presque au zénith. Je la trouve facilement. La vision au 13mm (120x) est toujours aussi magique. Le bleu turquoise est très prononcé ce soir. Alors, je décide de grossir un peu avec le 7mm (220x). L’image se déforme, la boule est moins régulière, mais pour la première fois je vois la couronne interne. Enfin, disons plutôt deux demi-cercles qui ne se rejoignent pas. Je reste un moment sur cette image que je n’avais vu jusqu’alors qu’en photo. La centrale restera par contre invisible, la turbulence n’aidant pas. Je renonce d’ailleurs à grossir d’avantage. Au retour à la maison, je croque vite fait cette image. Bon, ça n’est pas un dessin, mais ça traduit ce que j’ai vu.

Très heureux de cette vision, je me dirige vers le sud pour aller dans la Lyre. Je me dis que M57 pourrait peut-être aussi me livrer quelques dessous cachés ! Première impression, là encore, une luminosité inhabituelle. Je me demande si l’humidité qui m’entoure, et qui flotte dans l’espace environnant ne provoque pas cette luminosité sur les objets, une sorte d’effet d’optique ? En tout cas, M57 est très belle, et surtout très bleue ce soir. Là encore, je vois très bien cette couleur que j’ai généralement plus de mal à percevoir. Par contre grossir ne me procurera pas le même plaisir qu’avec la Snow Ball. La turbulence secoue fort.

Puisque je suis dans la Lyre, je décide d’aller enfin voir T Lyrae. Premièrement je dois essuyer la vitre du point rouge qui ruisselle sérieusement, et qui me donnait la vision d’un très gros point rouge ! Je le positionne ensuite, et cherche… un autre point rouge ( !) dans le secteur. Soudain, il éclate au milieu du champ. Quelle merveille, et quelle couleur ! La vision de ce petit point me remplit de joie. Je reste longuement à le regarder. Je m’amuse même à le sortir du champ, attendre un peu, puis revenir dessus : il me semble que ce rouge presque électrique me saute de mieux en mieux à l’œil. Merveilleux spectacle ! 🙂

Passant d’une belle étoile à une autre je vais voir 52 Cyg. Vous pensez : les Petites Dentelles? Non, non, je dis bien 52 Cyg. Cette merveille d’étoile double me fascine depuis que je l’ai découverte cet été. On ne la regarde généralement pas, et c’est un tort ! C’est un couple asymétrique, dont le compagnon orangée est aussi fin que T Lyr, voire même un peu plus. Un très joli spectacle, renforcé par les Dentelles qui semblent prendre naissance entre ces deux là (je les distingue d’ailleurs plutôt bien et sans filtre, les Dentelles). Par contre, j’ai vu le compagnon orangé hier soir, alors que je crois bien l’avoir vu gris-bleu cet été… curieux.

Jupiter me fait de l’œil depuis le début. Mais je ne voulais pas aller la voir trop tôt, de peur d’agresser mes yeux. Au 13mm, joli spectacle car la turbulence semble s’être calmée pour un temps. Au 7mm (220x) je vois énormément de détails sur une surface très stable, et surtout la Grande Tache est là, bien visible mais plutôt terne. Le temps d’admirer l’ensemble, la turbulence siffle la fin de la récréation et reprend de plus belle. J’étais là au bon moment !

L’humidité devient vraiment impressionnante, je dois égoutter le PSA !

Je rend ensuite une petite visite au Verseau, sans doute la dernière avant longtemps. Principalement les deux planétaires NGC7009 (Saturn Nebula) et Helix (NGC 7293). Mais elles sont basses, et probablement engluées dans une humidité renforcée. Saturn ne montrera que peu, au 13mm. Quant à Hélix, je devine la couronne et les étoiles du centre en vision décalée, rien de plus. Au filtre OIII, je ne verrai… rien ! Il mange le peu de lumière restante ! On est loin de la vision de rêve de cet été.

On approche de 2 heures. Je vais me rentrer après avoir fait un petit détour par Cassiopée, et les deux amas vedettes du coin : M52 et NGC7789. Ils sont très décevants ce soir, j’ai l’impression de les observer derrière une vitre ruisselante de condensation. Ce qui n’est finalement pas très loin de la vérité ! Le tube du télescope est incroyablement dégoulinant. Fin de la plongée 🙂

J’aurais quand même passé une bonne soirée, avec quelques images mémorables : M31 grignotée ( !), T Lyrae magnifique, et l’intérieur de la Snow Ball !

Merci de m’avoir lu!

jp