Un oiseau dans la nuit

Avez-vous déjà vu une forêt de mélèzes en automne ? Que la nature est belle en ce moment par ici ! Des forêts multicolores, des sommets recouverts de leur première neige, une neige si blanche qu’elle semble irréelle, des roches si rouges que l’ocre semble terne, un ciel si bleu que les oiseaux chantent en volant, et un soleil si doux qu’il fait bon rêver. Oui, il fait bon vivre en Mercantour, et le soir venu partir le cœur léger explorer le ciel.

La nuit est déjà bien avancée lorsque je sors. Mais le ciel n’en est que plus beau, il n’a cessé de s’améliorer au fil de la nuit.

Je commence ma promenade par la constellation du Triangle. Depuis la nuit dernière, l’image de M33 ne m’a pas quittée, tout dans cette galaxie me fascine : sa taille, sa forme massive, ses petites nébuleuses satellites, le mystère qui s’en dégage. Je veux y retourner. La transparence est meilleure ce soir, je vois plus rapidement et mieux. La « robe » de la galaxie est assez sombre, les deux bras principaux se détachent de la zone centrale, mais s’estompent en s’en éloignant. Je ne perçois pas le troisième. NGC604, le plus gros de ces petits nuages d’hydrogène ionisé, attire rapidement mon attention de par sa taille, sa brillance, la proximité d’une étoile, et sa position sur la galaxie : la nébuleuse semble accrochée à l’extrémité d’un bras. Au bout d’un moment, une autre de ces petites nébuleuses apparaît à hauteur du noyau, de l’autre côté de la galaxie: il s’agit de NGC595. Je reste encore un moment à observer ce vaisseau fantôme qui m’impressionne plus que M31, sans doute à cause du mystère qui entoure un objet difficile à apprécier dans sa totalité.

Au sud du Triangle, je passe ensuite voir le duo de galaxies NGC672 et IC 1727. 672 est de loin la plus brillante des deux. Elle est aussi très allongée. IC1727 est, elle, plus discrète, un peu à l’écart (8’) et de forme similaire mais plus petite. Le duo est attachant, de par leur orientation on pense aux Antennes.

Je retourne aussi dans la Baleine. La meilleure qualité du ciel me donne envie de revoir certains des objets de la veille. Tout d’abord NGC246 (la nébuleuse planétaire du Crâne). Je repère facilement le groupe de 5 étoiles, la planétaire est parfaitement visible ce soir, on voit bien sa forme asymétrique. L’appellation de « beignet mordu » me semble juste ce soir ! Et comme souvent, je la vois mieux sans filtre !

Petit passage par le groupe de galaxies NGC584-596-615, plus lumineuses aussi, sans pour autant montrer beaucoup plus de détails. Et puis aussi M77, magnifique. Le noyau est imposant et très brillant, et en grossissant un peu j’y distingue une petite forme « saturnesque » : un point central très lumineux barré par un trait, cela me fait penser à une petite Saturna. Très belle galaxie.

Me voilà maintenant parti tout en haut du ciel, dans la Girafe. Deux raisons : l’amas NGC1502 que je n’ai pas vu depuis longtemps, et puis la planétaire NGC1501 pas encore observée dans le T300. L’amas est fidèle à sa réputation, j’y arrive par la Cascade de Kemble, arrivée toujours magique, je l’admire un long moment. La diversité de ses composantes est un vrai régal, autour de la belle double centrale. Environ deux degrés plus bas me voici sur NGC1501, une grosse planétaire bleu sombre. Au 13mm on ne distingue pas de détails, mais au 7mm (230x) la centrale est visible en vision directe ! Le petit plus du diamètre 🙂

Je file ensuite sur M76, Little Dumbbell dans la constellation de Persée. La forme d’os est très claire, avec, en vision décalée, une vague impression d’extension sur la partie nord. Par moments, me crois sur M27 !

Je continue ma balade par un passage par le Cocher et ses deux amas vedettes M36 et M37. M36 est très joli, riche et brillant. Mais M37 reste le plus beau de la constellation : très riche, et très dense, plus de 500 étoiles le composent. La proximité des deux amas permet de passer de l’un à l’autre en un clin d’œil, je me régale à les comparer.

L’heure tourne, les vedettes de l’hiver prochain entrent en scène. Les Gémeaux pointent le bout de leurs pieds, je passe voir les amas M35 et NGC 2158. Je commence par M35 que je vois à l’œil nu. Le contraste entre les deux amas fait le charme de l’association : M35 brillant et bleu, 2158 blanc et fin, discret. Très belle vision d’ensemble.

Le Taureau voisin m’attire. Et la bonne transparence me dit de passer voir M1, la Nébuleuse du Crabe. Souvent décevante, je suis content car j’ai enfin l’impression de l’avoir vue hier soir : une forme générale bien présente et comme des filaments qui s’échappent du pourtour, justifiant pour une fois l’appellation de crabe ! Au bout d’un moment, le centre m’apparaît aussi un peu granuleux. En tout cas, je crois bien que c’est la meilleure vision que j’en ai eu à ce jour.

Et puis, je l’attendais, voilà Orion. Je commence par la nébuleuse planétaire NGC 2022, dans le chapeau d’Orion. Je la repère facilement au 13mm (120x), une petite boule verdâtre, sans détails. Grossir ne donnera rien de plus. Alors je fonce voir la grande nébuleuse. Quel plaisir de la retrouver ! Et quelle palette de couleur ! Du blanc, du rose, du vert ! Depuis l’hiver dernier, je l’avais observée en septembre lors de la nuit au col de la Cayolle, mais que cette vision sent bon l’hiver ! Le bel oiseau étend ses ailes, la vision au Nagler 13mm est magnifique. Le trapèze montre 5 étoiles, et puis même 6 au bout d’un petit moment, à seulement 120x. Je vois des détails partout : dans le cœur, dans les bras, dans M43, dans le Trapèze : un plaisir inouï.

Il est plus de 2h, je décide d’arrêter sur cette belle vision. Je m’endormirai avec la vision de ces ailes déployées sur le noir du ciel.
jp