Sculptures galactiques

Vous connaissez ma passion pour ces autres mondes que sont les galaxies, ces ensembles de matière, de poussières,  de gaz, et d’étoiles. Il y a longtemps qu’elles m’attirent, et rares sont les nuits où je n’en observe pas. La séquence d’Edwin Hubble , cette classification précise, permet d’en détailler les différentes morphologies, et d’en apprécier leurs propriétés. C’est une activité fascinante que d’essayer de discerner leur forme précise, et d’apprendre ainsi beaucoup de choses sur elles: leur masse, leur diamètre, leur taille, leur âge.

Au printemps, les foyers de galaxies sont légions dans le ciel: la Grande Ourse, le Lion, la Vierge, les Chiens de Chasse, des milliers de galaxies s’y cachent. Elles sont si nombreuses que la tentation de se disperser est grande. Mais je préfère passer du temps sur un territoire céleste restreint, plusieurs nuits de préférence, et prendre le temps de détailler ces lointains cocons d’étoiles. Les deux dernières nuits, j’étais dans Canes Venatici (Les Chiens de Chasse), une constellation où les galaxies sont très particulières, des formes inhabituelles, des oeuvres d’art, des sculptures galactiques. Un régal.

Nuits des 9 et 10 mars.

Les deux nuits, les conditions étaient plutôt bonnes, température à peine sous zéro (-1°), humidité faible (55%) le 9, un peu plus forte (73%) le 10, turbulence quasi nulle, pas de vent, et une transparence en progression, moyenne le 9 et bien meilleure le 10. Deux belles nuits quasi-printanières.

Les frontières de Canes Venatici sont déjà alléchantes: Le tourbillon (M51) au nord, l’amas globulaire M3 au sud, le groupe Hickson 68 à l’est,  et un nuage de galaxies à l’ouest; et des petites merveilles un peu partout. Mais je vous recommande de commencer par le Coeur de Charles II, alias Cor Caroli. S’il s’agit de l’hommage au roi éponyme,  Alpha CVn est bien la reine de la constellation, une magnifique étoile double, un couple déséquilibré, un saphir et un petit compagnon blanc-jaune: une autre de ces doubles colorées qui ont tant de charme. Le couple se dédouble sans difficulté à 60x. Et puis, un peu plus loin, un autre couple, bien équilibré celui-là, mais c’est leur couleur orangée qui attire l’oeil; l’un des deux compagnons m’est même apparu un peu rouge au bout d’un moment. En tout cas, le spectacle de ces deux couples colorés dans le champ du 26mm vaut le détour: deux doubles très différentes et facilement résolues.

Les deux soirs, M51 était à son avantage: le pont de matière visible en direct, tout comme les deux grands bras s’enroulant l’un autour de l’autre. Une belle image, aussi bien au 26mm qu’au 13mm.

Après un bref passage par La Galaxie du Tournesol (M63), plutôt fade ces soirs, je me dirige vers Beta CVn, l’autre extrémité de ce segment qui constitue la constellation à lui seul. A environ 40′ ONO de Beta, se trouve La Galaxie du Cocon, NGC 4490. Elle est facilement repérable à environ 40′ de Beta. On remarque immédiatement la forme qui lui a donné son nom. La texture rappelle aussi le cocon du ver à soie, une surface qui semble à la fois brillante et cotonneuse, humide et translucide.  Et puis, juste à côté, NGC 4485, la même en miniature. Très bel ensemble, au nom évocateur; 4490 cache bien sa structure de galaxie spirale barrée.

A peine plus loin en remontant en direction de Phecda (Gamma UMa), une autre galaxie mérite le détour: NGC 4449. En effet, cette belle lumineuse a une forme… rectangulaire! Sa texture est là-aussi particulière, “grumeleuse” est l’adjectif qui vient à l’esprit. Le parallélépipède (on le perçoit bien comme tel) semble comme éclairé de l’intérieur, sans que l’on y distingue un véritable noyau. Le coeur est bien lumineux, les bords plus sombres mais la forme générale est visible: on dirait une compression de César! Etonnante visite. La deuxième nuit, le spectacle était vraiment fascinant, j’y suis passé plusieurs fois.

Je continue ma remontée vers Phecda pour m’arrêter sur M106 et sa cour. Elle ne déçoit jamais, belle, lumineuse, assez grande, cette superbe spirale est immanquable! Le noyau, au centre d’un bulbe, est bien brillant. On ne distingue pas de bras, mais on devine un sens de rotation. Autour de la belle,  quatre petites galaxies. Je n’en verrai, difficilement, que trois: NGC 4217, 4220, 4346. Ce sont de petits fuseaux, assez faibles ces soirs-là. Mais l’ensemble, encore une fois,  visible entièrement dans le champ du 26mm est magnifique.

Retour sur Cor Caroli, pour descendre cette fois vers le sud de la constellation. En prolongeant la ligne Alkaid-Cor Caroli d’un peu moins de la moitié de la distance, je tombe alors sur le plus étonnant des spectacles: deux petits groupes de galaxies, deux couples en fait, aux formes étranges. Et, là encore, dans le même champ! Vous l’aurez deviné, il s’agit de La Galaxie de la Baleine, et de La Crosse de Hockey. Au nord de l’oculaire, NGC 4656, une longue et fine galaxie (vue par la tranche). Sa brillance est irrégulière, une extrémité est assez brillante, l’autre est plus faible, ce qui donne à l’ensemble un air de comète. Et puis, du côté le plus brillant, un appendice prolonge bizarrement ce “bâton”: c’est NGC 4657, une petite galaxie qui semble “tordue”; je dois jouer de la vision décalée pour bien voir cette partie. Mais toujours est-il que l’ensemble est bien reconnaissable: une crosse de Hockey! Le 26mm donne sa pleine mesure, c’est lui qui restitue le mieux l’ensemble. En grossissant, les parties faibles se diluent dans le ciel, et l’ensemble perd son identité.

Mais cela n’est pas fini car, au sud de l’oculaire, une grande spirale, NGC 4631, apparait, à la fois fine et longue, mais également renflée dans sa partie presque centrale. La texture ressemble à celle de la Galaxie du Cocon, à la fois irrégulière, rugueuse, mais aussi visqueuse. C’est curieux, j’en suis bien conscient, d’utiliser de tels adjectifs pour décrire des objets que l’on ne peut toucher, mais c’est la représentation que les images me suggéraient.  Le bulbe et son noyau est un peu décentré, pas de doute: c’est une baleine ! Et de plus, le baleineau, une petite galaxie, NGC 4627, nage à ses côtés. Elle est plus faible, légèrement ovale, on dirait un coup de spatule avec de la peinture à l’huile,  sur la grande toile noire. Oui, il y a du relief dans cette image, je ne la touche pas mais j’en perçois toutes les formes, les lignes. Pas de doute, ce sont des sculptures galactiques.

Sur les deux nuits, j’ai dû passer de très longues minutes à me délecter de ces sculptures: le Cocon, puis NGC 4449, et enfin la Crosse de Hockey et la Baleine! Du grand art céleste.

Mais cela n’est pas fini. Je rejoins maintenant le point le plus méridional de la constellation. Vous me direz: où ça exactement ? Et bien, c’est facile, il est matérialisé par un objet remarquable: une merveille d’amas globulaire, M3. Pourtant, à première vue, je suis un peu déçu: le 26mm me montre une tache vaguement lumineuse en son centre. je m’apprête à changer d’oculaire, lorsque… mais… ça bouge là! Le coeur s’est mis subitement à se métamorphoser; plus je le fixe plus je vois de points distincts, et une incroyable impression de fourmillement. Je n’en reviens pas: je suis entrain de résoudre M3 avec un grossissement de 60x! Lorsqu’il me semble que l’ensemble est résolu, je passe le 13mm (123x) et le même phénomène se reproduit: les étoiles du coeur semblent s’éclairer les unes après les autres, je plonge dans cet entonnoir de diamants, mon oeil est envoûté, aimanté. Sublime.

C’était comme si ces objets, que je connaissais pourtant, m’apparaissaient pour la première fois. Il s’est passé quelque chose ces deux dernières nuits, oui, le ciel m’a bluffé.

Je passerai donc sur quelques autres recherches (Hickson 68, ou le groupe NGC 4138-4111-4143) qui nécessiteraient un ciel encore plus transparent; ou sur NGC 5005 et NGC 5033 un joli couple galactique au large de Cor Caroli. Mais rien n’y faisait, mon oiel voulait inlassablement retourner vers ces divines sculptures galactiques, et les contempler. Et aujourd’hui, ma mémoire ne veut parler que d’elles.

jp

Lendemains de fête

25 février.

Il y a plusieurs jours que je snobe le ciel; vous avez bien lu. Après dix nuits exceptionnelles, le ciel a changé. On sent les prémices du printemps, l’instabilité de l’atmosphère. Vous me direz que j’exagère, et je serais d’accord! Mais il est difficile d’accepter l’ordinaire quand on a goûté à l’excellence. Cela fait donc plusieurs soirs que je délaisse un ciel pourtant convenable: des étoiles qui claquent dans la nuit, même si quelques nappes de brumes, ou nuages isolés tentent de les effacer. Mais j’avais toujours en mémoire les images merveilleuses du début du mois; il fallait que je les oublie un peu, que le désir se réinstalle.

Il est 23h lorsque je me décide à sortir le T300. En regardant le ciel je me dis que ça devrait quand même valoir le coup, mais pourtant quelque chose est différent: le silence. Le silence a disparu. En cette période de vacances scolaires, la population du village a quadruplé, et le silence de la montagne en fait les frais: allées et venues sur la  route , éclats de rire, bruits de  voitures , portes qui claquent, lumières  incongrues; sur les flancs de la montagne, en face, les engins dament les pistes à grand renfort de moteurs diesel…  Cette ambiance me perturbe, j’aime ne rien entendre lorsque je j’observe.   Pour couronner le tout, les lumières publiques ne s’éteignent plus depuis une semaine, concession sans doute accordée aux citadins qui ne savent plus ce qu’est la nuit. Curieuse époque, on vient à la montagne non pour en apprécier le calme et la quiétude mais en y déplaçant les nuisances de la ville…

Faisant contre bonne fortune bon coeur, je pointe NGC 1976 et NGC 1982, autrement dit la grande nébuleuse d’Orion (ou bien, plus prosaïquement,  M42 et M43). Le Nagler 26mm semble être fait pour elle: le champ, mais aussi le piqué, la précision, les couleurs. La palette des couleurs me fait penser aux peintures de Velasquez, aux tableaux orientalistes  de Goya.  J’ai l’impression de la découvrir depuis que je la regarde au 26mm.

Un court passage au Nagler 13mm (sur le trapèze) me montre que la turbulence ne me laissera pas grossir plus. Pour la suite, le 26mm ne quittera que peu le porte-oculaire.

Encore perturbé par l’ambiance sonore et lumineuse, je passe voir quelques grands classiques de l’hiver (M46+M47, la Rosette, Hubble, et le trio du Cocher M36+M37+M38). Toujours au 26mm, je prends  beaucoup de plaisir à détailler ces objets à un grossissement (62x) inhabituel pour cet exercice. Mais la précision du Nagler est redoutable. Chaque fois que je passerai le 13mm pour essayer d’en voir plus, la turbulence provoquera l’effet inverse.

C’est sans doute aussi pour cette raison, que je chercherai en vain les planétaires IC2149 et PK 158+17.1 dans le Cocher.

Une petite visite à l’Hydre, pour passer voir le Fantôme de Jupiter, NGC 3242, belle nébuleuse planétaire très lumineuse. Au bout d’un moment, et malgré la luminosité du disque, la centrale (mag 12) apparait, un petit point bien net. Puis je remonte un peu dans le Sextant et la galaxie du Fuseau (NGC 3115), belle,  un joli fuseau, avec sa région centrale bien lumineuse autour d’un noyau ponctuel.

Puis je me dirige vers le Lion, et son Triplet, un peu pâle mais le plaisir de voir ces trois galaxies dans le même champ est toujours le même. Et puis, une visite à NGC 2903, la plus belle galaxie du Lion, une de mes préférées de l’hiver. En vision décalée on devine que c’est une spirale barrée.

Je terminerai cette soirée, agréable malgré des conditions d’observation particulières, par une visite à la Grande Ourse: M81+M82+NGC 3077, autre triplet remarquable bien mis en valeur par le nagler 26mm (encore): pour une fois, M81 et M82  rivalisent de détails et sont aussi agréables à détailler. Enfin M94, dans les Chiens de Chasse,  un Oeil de Chat bien lumineux, brillant en son centre, et un large disque plus discret tout autour. Dommage que la turbulence ne m’ait pas laissé plus détailler cet oeil.

Dommage aussi que les conditions d’observation aient un peu gâché le plaisir. Je retrouverai avec joie, le silence et la vraie nuit à partir de la semaine prochaine.

jp

Une parenthèse dans l’hiver

Drôle d’hiver en vérité : une arrivée précoce, puis d’étonnantes variations de température en janvier, et maintenant un début de février printanier ! Entre le 2 et le 12 février, l’hiver a carrément fait une pause. A 1700m, en février, il est inconcevable que les températures oscillent entre 3° et 7° au milieu de la nuit, et que le taux d’humidité soit sous la barre des 40%, avec un record de 26% ( !) le 6 février à minuit ! Et le ciel, me direz-vous ? Le ciel ? Oh, il a aimé ça ! Il faut que je remonte très loin dans mes souvenirs pour retrouver trace de conditions comme celles dont j’ai bénéficié pendant dix jours : une transparence exceptionnelle, une turbulence quasi nulle, pas un souffle de vent, que demander de plus ? Je n’ai pas beaucoup dormi ces dix jours-là, sortant le T300 toutes les nuits, parfois avant minuit, souvent après ; mais quel plaisir !

Vous comprendrez bien qu’il m’est impossible de vous raconter ces dix nuits sans vous ennuyer. Je vais donc vous en rapporter les meilleurs moments, les émotions, les plaisirs, ce qu’il me reste de dix jours de pur bonheur. L’impression forte, c’est que j’ai eu le sentiment de vivre une très longue nuit car, chose rare, les conditions étaient exactement les mêmes d’un jour sur l’autre. Du coup, on prend son temps, on ne cherche pas à exploiter intensément des heures exceptionnelles, puisqu’on sait que demain sera comme aujourd’hui !

Les premiers jours, je me suis concentré sur le secteur sud-sud-ouest, celui qui me tend les bras devant chez moi aux environs de minuit, c’est à dire du Cancer jusqu’au Taureau. Bien sûr Orion est incontournable, mais j’ai un faible pour la Licorne. Tout d’abord il y a les trois nébuleuses : Rosette, Hubble, Cône, et les amas ouverts qu’elles renferment. En cherchant bien, on y découvre des petits trésors, comme la petite double orangée et bleue juste en dessous de Hubble. Mais je garde un souvenir ému de la Rosette toute entière dans le champ du Nagler 26mm, la nuit du 8 février.

Toujours dans la Licorne, je ne me lasse pas du superbe amas NGC 2301 ! Très belle vision au Nagler 26mm, avec un petit faible pour la petite étoile rouge à la base du « T » formé par les étoiles les plus brillantes de l’amas.

Et puis il y a le complexe nébulaire de la Mouette (Gum 1 + Gum 2) et les deux beaux amas ouverts qui s’y cachent (NGC 2335 et 2343). Il faut un filtre OIII assez sélectif pour en apprécier tous les méandres, (de la Mouette) mais la balade vaut le détour. Une région riche et très belle, qui demande du temps et de la patience.

De là, il est impossible de ne pas descendre voir dans la Poupe, le duo M46 et M47. J’y suis passé trois fois (les 3, 6 et 7 février) au Nagler 13mm pour les détailler, en particulier la nébuleuse planétaire NGC 2438. Avec la stabilité du ciel, la structure annulaire est facilement visible. Quant à la centrale, on voit très bien une étoile de magnitude 13 en plein centre, mais j’ai lu récemment que ce n’est pas la centrale, très proche, et qui est beaucoup plus faible (magnitude 17,7). Dont acte. Belle vision en tout cas. Le 8 février, cette nuit incroyable où je n’ai utilisé que le Nagler 26mm, les deux amas tenaient quasiment dans le même champ (il en manquait un poil !).

Pour revenir au 8 février, ce fut vraiment une nuit d’exception, au cours de laquelle j’ai pu apprécier ma récente acquisition : le Nagler 26mm. C’est simple, je l’ai placé dans le porte oculaire à 23h30, et ne l’ai retiré qu’à 1h du matin ! Tous les groupes d’objets y sont passés, et les objets étendus bien sûr (comme M45). Je ne vais pas tous les décrire, mais les visions les plus marquantes furent :
M42 et M43 : le goéland plus beau que jamais, traversant le ciel les ailes déployées ! M43 rouge, le cœur de M42 (autour du trapèze) vert, et les extensions (les ailes) roses. Cet oiseau-là (sans filtre) restera longtemps dans ma mémoire !
– Le duo M35-NGC 2158, une vision que j’affectionne particulièrement.
– Le trio M81-M82-NGC3077.
– Le triplet du Lion : M65-M66-NGC3128.
– Le Double de Persée bien sûr !!
– Le Double du Taureau : NGC 1807 et 1817.

Je passe sur bien d’autres ! La conjugaison de la qualité du ciel et du Nagler 26mm m’a incité à beaucoup de contemplation : M36, M37, M41, M44, M45 (les nébulosités visibles sans filtre), etc.

A partir du 10 février, je me suis consacré exclusivement aux galaxies, principalement dans le Lion et la Grande Ourse, avec des détours dans la Chevelure de Bérénice et la Vierge. Les grands classiques tout d’abord, et puis quelques groupes Hickson du Lion, le ciel s’y prêtait si bien !

Lion

Le Triplet est incontournable : au Nagler 26mm tout d’abord, puis aux Naglers 13, 9, et même 7 pour détailler chaque composante (NGC 3128 est magnifique de finesse). Puis, un autre triplet : NGC 3681-3684-3686, facile tant le ciel le permettait ; trois boules de coton à première vue, mais 3684 et 3686 (surtout) s’avèrent ovales et plus lumineuses. Et puis, au bout d’un moment, le quatrième mousquetaire (NGC 3691) fait son apparition, pour former avec les trois autres un T galactique que je savoure en silence.

Après un survol du groupe M95-M96-M105-3384-3367-3377, je passerai deux soirs (10 et 11) à la recherche des groupes Hickson 44, 51, et 57. H44 est le plus facile, quatre galaxies de magnitude 12-13, le 11 février je verrai les quatre au premier coup d’œil (la composante “d” approche, elle, la magnitude 14) et dessinerai le quatuor. A noter une fine bande d’absorption sur la composante centrale “a”.

Les 11 et 12 février, je partirai à la découverte des groupes 51 et surtout 57 (le Septet de Copeland). Je localise assez rapidement 3 des 7 composantes, puis 6 ( ?). Mais elles sont très faibles (toutes autour de la magnitude 15). Pas facile. Quant à H51, l’atlas Uranometria me permettra de localiser NGC 3651-3653 au large de 72 Leo, mais H51 restera invisible. Des recherches toutefois passionnantes, je n’ai pas vu le temps passer !

J’oubliais presque NGC 2903, sous le museau du Lion. Magnifique galaxie barrée, la plus belle du Lion à mon avis. La barre est visible, et le sens d’enroulement des bras perceptible, mais les bras restent difficiles.

Grande Ourse

La constellation est bien haute en cette époque, et c’est un bonheur de passer voir tous les Messiers qui la peuplent. Avec le ciel dont je disposais, les images les plus extraordinaires se sont succédé. Que dire ? Tout d’abord, un énorme coup de cœur pour M51 : à 5h du matin le 12 février, j’y ai passé une heure. Les deux bras de M51 étaient incroyablement détaillés, et même en relief ! Je n’ai pas résisté à essayer de prolonger cette vision en la dessinant. Et puis M101, dont le noyau brillant, les trois bras et quelques régions « NGC » étaient facilement visibles ! Et puis, le duo M97-M108 dans le champ du Nagler 26mm !

Bérénice

J’ai fini cette longue nuit de 10 jours par un passage dans la Chevelure de Bérénice. J’en garderai une image merveilleuse de l’Oeil Noir (M64). La bande d’absorption était très nette en vision directe, quel œil au Nagler 7mm ! Et puis, deux amas globulaires M53 et NGC 5053 dans le champ du Nagler 26mm !! M53, éclatant, dont le cœur est presque entièrement résolu ; et 5053, enfin visible, faible, pâle, peu contrasté, mais bien là ! Ces jours-là, tout était possible !

Comme je le pressentais, raconter cette aventure (c’en est une !) est impossible (j’ai oublié Cassiopée, les Gémeaux, le Cancer, la Vierge !). Et puis, mon récit doit être aussi « fouillis » que mes notes… J’espère vous en avoir néanmoins transmis quelques émotions.

Il neige aujourd’hui, l’hiver a repris le contrôle ; la parenthèse est refermée…

jp

Calme hivernal

24-25 janvier 2011

La semaine dernière, l’arrivée de la pleine Lune avait coïncidé avec le retour du froid. Une bonne nouvelle, car malgré un ciel clément depuis le début de l’année, les quelques sorties nocturnes furent très décevantes. La faute à des variations de température si extraordinaires que les masses atmosphériques au-dessus des montagnes en étaient toutes retournées. J’attendais donc deux choses depuis quelques jours: le froid, et que la Lune cesse de faire de nos nuits des nuits blanches. Hier soir, tout semblait réuni: -7°, 41% d’humidité, vent nul. Il ne fallait pas râter ça!

Dès que je suis sous les étoiles à côté du T300, je ressens un calme rare. C’est un de ces soirs où le temps semble être suspendu: pas un bruit, pas un souffle, on entendrait les étoiles respirer.  Ces moments-là appartiennent à l’hiver, il n’y a qu’en cette saison que je les ressens. J’ai le coeur qui bat, je veux croire que le ciel sera avec moi cette nuit. Lors de ma dernière sortie, la turbulence était féroce, même à 50x les étoiles dansaient dans l’oculaire ! Qu’en est-il ce soir ? Je mets le 13mm dans le porte-oculaire, et pointe directement la nébuleuse d’Orion. Je veux voir ce que montre le Trapèze ce soir. La dernière fois, seulement quatre étoiles floues, et des vagues de chaleur qui traversaient le champ. Et ce soir ? Je souris; au premier coup d’oeil: six étoiles d’une netteté absolue !  E et F sont résolues très facilement, leur finesse est un bonheur. Le calme ambiant m’envahit, je vais passer une bonne soirée.

Puisque je suis sur Orion, je me promène dans M42, grossis les détails du coeur verdâtre. La zone sombre autour du trapèze se détache magnifiquement. Au 9mm (120x) il y a des détails partout: la nébuleuse du coureur (NGC1973-75-77) pas vue aussi bien depuis longtemps. M43 est, elle, d’un beau rouge “lie de vin”, une gracieuse corolle qui entoure une merveille d’étoile . Un spectacle inoubliable hier soir.

Je remonte un peu en direction d’Alnitak pour m’arrêter sur le complexe de Sigma Orionis: je le retrouve tel qu’il devrait toujours être (!) Symphonie en bleu, une triple et une quadruple dans le même champ, et les trois petits compagnons de Sigma qui jouent aux satellites!

Je me déplace ensuite entre le Grand Chien et la Licorne pour m’arrêter sur M46 et M47, que je vois à l’oeil nu. Spectacle qui me réjouit là encore. Lors de ma dernière visite je ne voyais quasiment pas NGC2438. Là, je vois la centrale sans difficulté, et une structure annulaire en vision décalé. L’amas (M46) est beau, riche; je me régale à résoudre de minuscules points orangés. Quand je pense que j’en avais fini par penser que ma collimation était “à la rue” lors de ma précédente sortie !

Je remonte dans la Licorne, pour passer voir NGC2301, ce magnifique amas ouvert découvert cet hiver. Sa forme originale, triangulaire, et ce grand T qui se détache avec son étoile rouge à la base du T, sont une vision unique dont je ne me lasse pas.

Je continue ma remontée en direction du trio de l’hiver: la Rosette, la nébuleuse Hubble, et l’arbre de Noël. J’oublie de monter le filtre OIII, mais la Rosette se montre malgré tout facilement, ce ciel est vraiment transparent! La “comète” Hubble est toujours aussi touchante, et l’Arbre de Noël brille de tout feu. Une voie royale en direction des Gémeaux.

Direction NGC2392. Quelle folie hier soir! Une stabilité incroyable, j’ai pu grossir jusqu’à 300x. La couleur bleutée et le disque interne brillant entourant la centrale étaient presque évidents. Puis, en jouant de l’effet “blink”, un anneau sombre détache le centre de la zone périphérique bleue. Tout ça avec une turbulence nulle! Un peu plus haut, NGC2371-2 était plus discrète, je distingue faiblement le canal entre les deux lobes. Mais le Clown faisait le spectacle hier soir !!

Je sais que la Lune se lève vers 0h30, il me faut en tenir compte, le ciel s’éclaircit vers l’est. Je quitte donc le secteur pour aller vers le nord-ouest. En passant je m’arrête tout d’abord dans le Lièvre. Deux bonnes raisons: IC418 et R Lep, l’Etoile Cramoisie de Hind. La couleur de  cette étoile est toujours aussi incroyable: ce rouge est unique dans le ciel, il ne ressemble à aucun autre. Quant à IC418, je ne l’avais tout simplement jamais vue aussi bien que ce soir! Sa couleur rouge est vraiment évidente, avec sa centrale orangée, et un anneau sombre qui l’entoure. Une merveille cette nébuleuse planétaire !!

Puis, je passe voir Capella. La géante au casque d’or se montre éclatante. Une aigrette magnifique traverse le champ du 13mm. Les compagnons sont facilement visibles. Ciel bien noir par ici, couleurs qui claquent, le 300 se régale.

Je ne résiste pas aussi à m’arrêter sur le double dans Persée. L’image de début janvier était trop vilaine pour en rester là. Mais ce soir, je retrouve ce fourmillement familier, le petit diadème au centre de NGC869, les petits points orangés dans le coeur de NGC884, quel plaisir pour l’oeil…

Et puis, une idée me traverse l’esprit à la vue de la Grande Ourse. A priori je ne suis pas convaincu que ce soit bien le soir, mais j’ai envie de passer voir Bode. Dès le point rouge en place, M82 est là en plein champ. Et… la claque! J’ai toujours préféré M82 à M81, mais ce soir elle est en grande forme. Je “tourne” sur le trio (M81-M82-NGC3077) plusieurs fois. M81 est belle, bien joufflue, des amorces de bras sont visibles vers le centre. NGC3077 est très belle aussi: la zone centrale est très fournie, on dirait une grosse boule de coton. Mais à chaque tour, je reste un peu plus longtemps sur M82. Et puis j’y resterai une demi-heure non stop! Je mémorise le maximum de détails, et une fois rentré je dessine ce que j’ai vu. Exercice intéressant, suggéré par un grand dessinateur pas très loin de chez moi (sur l’autre versant de mes montagnes). Je trouve la technique efficace. Habituellement, je prends des notes, ou fais des croquis qui me permettent de reconstituer l’objet par la suite. Hier soir, j’ai emmagasiné  le maximum de choses pour en ressortir quelque chose qui est vraiment très proche de ce que je voyais. A vous de me dire ce que vous en pensez!

La Lune (et le dessin) me poussent à rentrer. Une belle portion de nuit ma foi, et des conditions idéales.

jp

Matin glacial

4h, ce matin. Le froid est intense ( -15°). Engoncé dans les nombreuses couches de vêtement, je sors avec lenteur et une certaine maladresse le T300 dans la neige. Le manteau blanc, qui amplifie la lumière des astres, crée une ambiance qui me rappelle un peu la fausse nuit des jours d’éclipse totale de Soleil.  Pas un bruit dehors, je me sens seul sur la croûte gelée. Le ciel qui me fait face est splendide. Ce secteur sud-sud-ouest est mon terrain de jeu depuis le début du mois. Orion se couche, et semble poussée par la Licorne. Les Gémeaux, eux, se tiennent sur leurs pieds, ils semblent me saluer. Je leur rend la politesse, et regarde le ciel à l’oeil nu: vision prometteuse, plusieurs amas ouverts sont nettement visibles, NGc 2244 (le coeur de la Rosette), M41 dans les pattes du Grand Chien, et puis M47 là-bas dans le prolongement de la ligne Mirzam-Sirius.

Le premier objet que je pointe est M35, là juste au-dessus de Iota Gem. Magnifique spectacle dans le champ du 13mm. D’un côté, les lumières éclatantes de M35, de l’autre la douceur de NGC 2158. Le second parait comme enveloppé dans une brume froide. Différence de taille aussi, M35 étendu, 2158 ramassé et discret: la grande ville, et le village dans la brume.

Je cherche NGC 2129 sur la carte, je sais qu’il n’est pas loin. Mais chaque fois que je baisse la tête de la buée envahit mes lunettes, il va falloir que je me débrouille tout seul. Je prolonge visuellement la ligne Eta-Iota et suis cette ligne virtuelle à partir de Iota. Le petit amas sera rapidement dans le champ. Il est petit, et compact, autour d’une étoile double plutôt blanche.

Un peu plus vers l’est, je me positionne au-dessus de Mu et Eta. L’amas Collinder 89 est comme ses congénères Collinder, très étendu, lumineux. A regarder plutôt avec une lunette. Mais juste à côté, se cache une petite nébuleuse diffuse, IC 444. Eclairée par une étoile de magnitude 7 (12 Gem) elle est toutefois très pâle. Je ne distingue (avec le filtre OIII) qu’un halo autour de 12 Gem. Pas facile.

Un peu plus bas (à hauteur d’Athena Gem) , je m’arrête sur Xi Gem. Un petit arc d’étoiles la souligne élégamment. Mais surtout, juste à sa droite se trouve le très bel amas NGC 2169.  Il se compose de deux petits groupes qui dessinent le nombre “37” (à l’envers dans l’oculaire). Contrairement à certains autres astérismes, le “37” est là évident, très esthétique. Très sympa ce petit amas!! A voir absolument. A noter que 2169 appartient en fait à Orion, la constellation voisine.

Je ne quitte pas Les Gémeaux sans passer voir les deux petits “coeurs brisés” NGC 2392 (l’Esquimau) et NGC 2371-2. L’Esquimau est très beau ce matin, avec un effet “blink” prononcé: la centrale, très brillante, ou la nébuleuse, on peut choisir son camp! Et puis, tout en haut, du côté de Castor et Pollux, NGC 2371 est, elle, plus discrète. Je distingue quand même facilement les deux lobes.

Je rejoins maintenant la Licorne. Puisque NGC 2244 est ce matin encore visible à l’oeil nu, je commence par lui. La Rosette est à peine visible sans filtre, et plutôt discrète avec. Il faut dire qu’elle commence à être basse dans le ciel. Par contre NGC 2261 (Hubble Nebula) est vraiment belle ce matin. La comparaison avec une comète est vraiment justifiée (il y a quelques jours je voyais plutôt un éventail), le “noyau” très lumineux éclaire une belle queue, plutôt large. J’ai vraiment aimé!

Un poil plus haut, petit passage par le soi-disant “Arbre de Noël”, NGC 2264. A l’endroit, ou à l’envers, je ne le vois pas cet arbre, moi… bref, néanmoins un bel amas lumineux et étendu. Il me fait plutôt penser à la cascade de Kemble !

Je commence à avoir une onglée, à travers les gants! Faut dire que le tube est vraiment froid; sa couleur blanche lui donne des airs de glaçon 😉

Je me dirige donc vers M47, pour un joli final. Facile, puisque je le vois trôner dans ce coin du ciel plutôt sombre. L’instant d’après j’admire son éclat, ses couleurs, et ses deux doubles. Et puis surtout, lorsque l’on vient sur M47, le plaisir est de pousser légèrement le tube pour se retrouver sur M46, et passer de la lumière à la douceur, de l’éclat à la finesse. Et puis, cerise sur l’amas, NGC 2438 comme un cadeau. Son étoile centrale est bien visible,  et au 7mm (220x) la structure annulaire. Avec cette autre petite étoile sur sa périphérie, c’est une très belle image de fin.

Il est 5h30, et malgré tout ce que j’ai sur le dos, j’ai froid aux mains, et au visage. Il faut dire qu’un petit filet d’air glacial me caresse depuis plus d’une heure. Je décide de m’arrêter, et d’aller me réchauffer au coin du feu!

Glacial, le réveil, mais des images réjouissantes!

jp

Deux nuits

Deux belles nuits, plutôt douces, sans humidité. Un grand plaisir que je partage volontiers avec vous.

9 décembre.

Tout d’abord, les conditions : 0°, seulement 35% d’humidité (!), pas de vent, une bonne transparence, mais malheureusement toujours de la turbulence. Il y a un moment maintenant que je n’ai pas eu une nuit sans (forte) turbulence, affectant même les étoiles…

Au programme ce soir, quelques objets sur lesquels j’avais noté de revenir. Le secteur est celui du moment, autour d’Orion : Gémeaux, Cocher, Taureau, Licorne, Lièvre, Eridan.

Sur ma liste : un petit double amas, des nébuleuses connues et moins connues, deux nébuleuses planétaires que je traque depuis un moment, quelques galaxies. De quoi passer une bonne soirée 😉

Afin d’attendre que le Lièvre et l’Eridan soient plus hautes dans le ciel, je commence par le Cocher et le Taureau, indissociables. Vous avez sans doute remarqué dans le pentagone du Cocher, une sorte « d’épée d’Orion » dans la partie basse, au centre. A l’œil nu, trois étoiles sont alignées à cet endroit. Pour les matheux, elles semblent appartenir à la médiatrice du segment Beta Aur-Iota Aur. Il y a tout d’abord 19 Aur, puis 16 Aur, et enfin 14 Aur, une petite double. A la hauteur de 19 Aur, de part et d’autre, se trouvent deux petites nébuleuses diffuses : IC410 (à gauche) et IC405 (à droite). La plus facile à localiser est IC410, car elle enrobe un petit amas ouvert NGC 1893. Sans filtre, seul l’amas est visible. De forme irrégulière, contenant une petite vingtaine d’étoiles. Au bout d’un moment, une vague forme de « V » semble se dégager. Mais une fois le filtre OIII chaussé, la nébuleuse apparaît. Elle enrobe bien le « V » comme un papier mi-transparent mi-translucide. Une jolie vision que cette nébuleuse, appelée par les photographes Nébuleuse des Têtards à cause de deux trainées gazeuses qui semblent s’échapper du nuage ; trainées bien sûr invisibles à l’oculaire.

De l’autre côté de 19 Aur, se trouve IC405, la Nébuleuse de l’Etoile Flamboyante. La dite étoile est AE Aur, une petite étoile variable. Il faut là encore le filtre OIII pour apercevoir la nébulosité, grande et (très) faible. Il faut reconnaître qu’elle n’est pas spectaculaire à ce diamètre. IC410 m’a laissée une bien meilleure impression.

Je me dirige ensuite vers le Taureau, non sans avoir rendu une petite visite de courtoisie à M37, le plus bel amas ouvert du Cocher avec son étoile orangée en plein centre. Mais ce qui m’amène dans le Taureau, c’est le double amas. Pas l’autre, non, je parle de NGC 1807 et NGC 1817. Une conjugaison lilliputienne du double amas. Les deux tiennent aisément dans le même champ, l’un est discret, fin, et dense (1817); l’autre (1807) brillant et moins riche. Une jolie variante du plus célèbre des Doubles Amas, que ce Double Amas du Taureau.

Encouragé par la vision d’IC410 avec le filtre OIII, je passe voir la Nébuleuse du Crabe. Et bien, il n’y a pas de vérité absolue en matière de filtres et de nébuleuses. M1 me montre plus sans filtre qu’avec. Je vois très bien, en vision directe, des mouvements que je sais être des filaments. En tout cas une granularité bien différente de la vision que j’en avais au T200.

Avant de redescendre vers la Licorne et le Lièvre, je me dirige vers les Gémeaux. Deux raisons, deux nébuleuses planétaires : NGC 2392, l’Esquimau, et puis surtout NGC 2371-2. 2392, que je passe souvent voir ces jours-ci, est égale à elle-même, bleutée, la centrale bien visible, et une petite structure autour, assez floue car la turbulence est trop présente. Mais c’est 2371 qui m’intéresse ce soir. J’en ai vaguement aperçu les contours la semaine dernière, mais je veux en voir plus. Environ à mi-chemin entre Iota Gem et Rho Gem, je pose mon point rouge et… la voilà, éclatante ce soir. Contrastée, de forme allongée, les deux lobes lumineux  m’apparaissent immédiatement en vision directe au 13mm. Je chausse le 9mm (170x) puis le 7mm (220x), la vision devient floue mais les deux lobes sont éclatants ; un petit canal sombre semble les séparer. La centrale n’est toutefois pas visible. Côté couleur, l’ensemble m’est apparu blanc. Quelle belle surprise, je suis heureux ! 😉

Après avoir longuement observé NGC 2371, direction le Capricorne. Un petit arrêt sur NGC 2301, découvert la semaine dernière, c’est vraiment un amas ouvert très original. Et puis direction les nébuleuses : le Cône et son amas, Hubble, et la Rosette et son amas. La Rosette sera vite repérée car je vois son amas central, NGC 2244, à l’œil nu.  Au 13mm, l’amas est éclatant, mais la nébuleuse ne se montre pas. Je ne suis pas surpris, la Rosette nécessite un filtre OIII (comme quelques autres nébuleuses). Dès le filtre en place sur le 32mm, la fleur apparaît. Comme souvent, je distingue trois zones distinctes autour de l’amas, comme trois pétales. Toujours aussi belle, la Rosette !

De l’autre côté de 13 Mon, je rencontre NGC 2261, la Nébuleuse variable de Hubble.  Avec le filtre OIII, je vois bien sa forme de « comète » : une tête brillante, et une pâle queue qui semble s’en échapper. On pourrait aussi y voir un éventail, mais je préfère l’appellation de comète. Belle vision en tout cas !

Enfin, en remontant d’un petit degré vers le nord, je tombe sur l’amas NGC 2264, dit de l’arbre de Noël. J’avoue que je ne vois pas bien le sapin et les boules 😉 La nébuleuse est, elle, décevante, même avec l’OIII. On voit des trainées nébuleuses de-ci de-là, assez pâles. Et bien sûr par le Cône, réservé aux photographes, ou aux gros diamètres.

Orion est maintenant bien haute. Je passe quand même voir M42, et aussi Sigma Orionis (superbe étoile multiple), puis me dirige vers l’Eridan. Au programme, NGC 1535 bien sûr, mais aussi quelques petites galaxies. La coquille de bleu (1535) est magnifique. Je l’admire en silence. Et puis je me dirige vers NGC 1700.  C’est une galaxie située entre Beta Eri et Mu Eri, non loin de la double 62 Eri. Elle est ovale et montre un noyau ponctuel. Continuant ma route le long de l’Eridan, je rencontre NGC 1637, non loin de Mu Eri. Elle ressemble à NGC 1700. Enfin, le vais voir NGC 1600, un peu plus bas que Nu Eri, également ovale et avec un noyau marqué.

Il est bientôt 2h. je vais terminer ma balade du jour par le Lièvre. Je cherche depuis des semaines à voir la nébuleuse planétaire IC418, dite le Spirographe. Et bien, hier soir, je l’ai trouvée… du premier coup ! Je n’en reviens pas, tellement j’ai usé mes yeux dans cette région à sa recherche. Sa centrale est bien visible au 13mm. Par contre, c’est sa couleur qui me déçoit un peu. Je m’attendais à une couleur rouge-rosée, je la vois… blanche. Après de longues minutes j’ai l’impression de voir des reflets orangés… Fantasme ou réalité ? Il faudra surveiller ça tout au long de l’hiver. Pour me consoler de cette « non-couleur », je passe revoir l’Etoile Cramoisie de Hind. Quelle couleur ! Et quel final !

10 décembre.

Le lendemain, même conditions (juste un peu plus froid, -4°, et un peu moins de turbulence: je voyais les étoiles bien ponctuelles, ce qui n’était pas le cas ces derniers jours), je remets donc ça. Sur le coup de minuit, me voilà dehors avec un programme différent. Ce soir, je ne vais pas à la recherche de l’inconnu ; j’ai envie d’approfondir certaines observations, de me concentrer sur des objets que je connais bien, ou que j’ai découverts récemment, et de chercher à voir plus et mieux. L’expérience m’a appris qu’il est rare de tout voir à la première observation, et que même des objets « connus » cachent encore des choses. J’ai sélectionné six nébuleuses planétaires, et je vais leur consacrer deux heures, les scruter, les comparer, en prenant le temps.

NGC2022 dans Orion

Elle se repère facilement, mais on ne voit pas de détails si on ne grossit pas. Au 7mm (220x) j’ai vu, après un temps d’observation conséquent, une ébauche d’anneau interne. Quant à la couleur, des reflets verdâtres se montrent de temps en temps, mais l’aspect général reste dans les gris, voire blanc cassé.

IC418 dans le Lièvre

J’ai enfin  pu l’observer le 9 décembre (voir plus haut), après des semaines de recherche. En fait, je cherchais une petite boule rouge, et sa couleur n’est pas si tranchée. La première fois je l’ai vue blanche, sans trop de détails. Je la trouve aussi un peu plus grosse que ne le laisse supposer les éphémérides (9’’). En tout cas, je l’ai encore mieux vue cette nuit. La centrale (mag 10.2) est vraiment bien visible au 13mm (120x). Au 9mm (170x) j’ai même pu apercevoir un anneau sombre autour de la centrale. Et puis surtout, j’ai trouvé la centrale légèrement orangée, à moins que ce ne soit la couleur de l’ensemble qui la montre comme ça. Toujours est-il que j’ai pu, hier soir, voir cette couleur qui rend IC418 spéciale. Il faut du temps à l’oculaire, mais cela en  vaut la peine.

NGC 1535 dans l’Eridan

Je l’ai aimé depuis ce jour de novembre 2009 où je l’ai observée dans le T200. Avec le T300 , son bleu est encore plus éclatant, sa centrale (mag 12.2) facile en vision directe. Une petite étoile est aussi visible à la limite de la couronne. Malheureusement, elle est basse (-12° de déclinaison) et la turbulence m’a empêché de grossir plus de 170x.

NGC 1360 dans le Fourneau

Là, on est encore plus sud (-25° de déclinaison), et ça « turbulait » pas mal. Je l’ai quand même localisée assez facilement, juste en dessous du « retour » de l’Eridan. Bleutée, de forme ovale, elle est quand même assez grosse (6.5’). Après de longues minutes, je pense avoir aperçu la centrale, mais comme NGC 1360 n’est pas référencée dans les éphémérides de l’hémisphère nord, je ne peux pas vérifier sa magnitude. Il faudra que j’y retourne, la vision que j’en ai eu est assez prometteuse.

NGC 7662 dans Andromède

Dans ce coin du ciel, la turbulence était moindre. J’ai pu aller jusqu’à un grossissement de 220x et même 300x. J’ai vue la centrale (mag 13) et surtout une structure en anneau que je n’avais jamais soupçonnée avec le T200. Un soir sans turbulence, il y a moyen de voir encore plus.

M76 dans Persée

Familière celle-là. Mais là encore, en prenant le temps et en grossissant (220x minimum) on voit des extensions sur l’une des extrémités. Les deux « têtes d’os » sont aussi assez lumineuses, surtout l’extrémité (vers le bas dans l’oculaire). Par contre la centrale (mag 15.9) ne se montre pas à ce diamètre.

Voilà, pour cette nuit, peu de choses, mais en profondeur. J’ai l’impression de mieux les connaître !

jp

Balade matinale

3 décembre, 3h. Hier, le ciel était magnifique, mais fatigué par la trop courte nuit (de sommeil) de l’avant-veille (vous me suivez là ?) j’ai résisté à l’appel du ciel pour prendre un peu de repos ; en me disant qu’il serait parfait de se réveiller vers 3h. Et comme souvent dans ces cas-là, ça marche ! C’est ce que j’appelle mon réveil interne 😉

Donc me voilà debout, je file à la fenêtre, et… une claque ! J’ai l’impression de regarder une photo ! Sur un ciel bien noir (aucune lumière dans les environs à cette heure-là), Orion trône majestueuse au sud-ouest. Autour d’elle, sa cour : Les Gémeaux, Le Cocher, Le Taureau, l’Eridan, Le Lièvre, le Grand Chien et La Licorne. Je reste le nez collé à la vitre, tel un enfant devant une vitrine de Noël ! J’ai encore sommeil, mais comment retourner me coucher ?! J’enfile le plus de choses car dehors il fait… -10°. Cinq minutes plus tard, je descends au garage à la simple lueur d’une petite led rouge (je n’éclaire jamais lorsque je me réveille en pleine nuit pour observer, il faut absolument conserver une vision nocturne quasi parfaite au milieu de la nuit). Dans le garage, ne pas se cogner aux voitures, trouver le tube, le sortir. Tiens, il fait moins noir qu’à la fenêtre : c’est l’oeil qui s’habitue, et puis la neige qui amplifie la lueur des étoiles. Comme il fait 3° dans le garage, le tube sera vite opérationnel ! Je retourne chercher les oculaires dans le noir. Dans la valise, je sais où les trouver : le 13mm à gauche, puis le 9mm, et le 7mm. Je ressors les poches plus lourdes.

Sans réfléchir, je sais que je vais faire le tour d’Orion. C’est la suite logique de la précédente nuit passée à explorer Orion. C’est un parcours que j’ai déjà fait l’hiver dernier, mais il est logique, et puis comme ça pas trop besoin de la carte 😉

Je regarde les Gémeaux, juste au dessus d’Orion, au niveau de la taille de Pollux (Wasat). Sur la gauche deux étoiles de magnitude 5 forment avec Wasat un triangle équilatéral. Juste à côté du sommet le plus occidental se trouve NGC2392, la nébuleuse de l’Esquimau. C’est elle que je scrute. Je pose le point rouge à cet endroit précis. La boule bleutée est superbe, la centrale (mag 10.5) est éclatante. Comme sur d’autres planétaires, l’effet blink est évident : en vision directe la centrale éclatante, noyée de bleu. En vision décalée (200x), un petit disque entoure la centrale, autour de lui une séparation plus sombre délimite la partie périphérique plus claire, d’un joli bleu turquoise. Je pousse le grossissement à 300x, ça danse dans tous les sens. Mais de temps en temps j’aperçois des « lueurs » dans la partie centrale, des sortes de tirets blancs. Jolie vision que cet esquimau.

Puisque je suis dans les Gémeaux, et que le ciel est assez transparent, j’ai envie de tenter deux autres nébuleuses planétaires : NGC2371-2 et PK205 (Medusa). Je les ai souvent tentées avec le T200, mais jamais vues. Pour 2371, il faut aller plus haut entre les « cous » de Pollux et Castor, un peu au-dessus de Iota Gem. Je balaie le secteur, 2371 est plutôt grande comparée à l’Esquimau (44’’ vs 20’’). Au bout d’un moment, je finis par apercevoir une nébulosité, pâle, très pâle. Je sais que c’est elle. Mais il me faudra revenir, et tenter de voir les deux lobes qui sont, parait-il, visibles dans un T300. Quand même satisfait de ma découverte, je descends maintenant vers le « genou » de Pollux  (Lambda Gem), 4° en direction de Procyon se trouve PK205. Pour repérer l’endroit, deux petits amas ouverts jalonnent l’espace : NGC 2395 et un peu plus loin NGC 2355. 2395 est plus grand et plus lumineux que 2355, plus discret. Mais la Méduse, pourtant assez grande (10’) restera invisible.

Poursuivant ma descente, je passe par la Licorne, et le bel amas ouvert NGC 2301. Il est superbe ! Riche et assez dense, mais c’est sa forme qui est unique : une sorte de grand T, certains y voient un volatile 😉 En tout cas, c’est un très bel objet.

Juste en dessous de la Licorne, se trouve une grande nébuleuse, la nébuleuse de la Mouette. C’est en fait un ensemble d’objets qui s’étendent depuis l’amas ouvert NGC2335 jusqu’à Ced 90.  Au gré des visites, certains apparaissent mieux que d’autres. Ce matin là, c’est Gum 1 (la tête de la Mouette) qui était la plus évidente. Lumineuse, circulaire, elle entoure une étoile brillante. NGC 2335 est aussi assez joli. NGC 2343 est plus discret. C’est en tout cas un arrêt à ne pas manquer que cette Mouette, on y trouve toujours quelque chose d’intéressant à voir, et pas toujours la même chose, ce qui la rend imprévisible.

En sortant de la Mouette, on entre dans le Grand Chien. La première rencontre est celle d’un autre amas ouvert (NGC 2345 – la région en regorge). De là, en se dirigeant vers l’ouest, on tombe sur NGC2359 la nébuleuse dite du Casque de Thor. Elle n’est pas en forme ce matin. Je distingue la forme, mais je vois habituellement plus de détails.

En glissant légèrement vers l’ouest, on entre dans la Poupe, riche constellation. Deux trésors sont incontournables : M46 et M47. Deux mondes, deux visions d’un amas ouvert. Le clinquant M47, étendu et brillant, à l’opposé de M46, plus dense et surtout d’une grande finesse. En regardant M46 on ne peut s’empêcher de penser à NGC7789, ou à M37. Et puis surtout, il y a NGC2438 posée sur le bord de M46. Une boule bleue posée sur un coussin de poussière d’argent (selon l’expression de Dédé !), c’est une merveille. En fait 2438 est en avant-plan de l’amas, et au bout d’un moment on ressent bien ce décalage de plan. Mais le premier coup d’œil est bluffant, et l’on croit que la planétaire fait vraiment partie de l’amas. Une étoile de magnitude 13 est bien visible près du centre de 2438, mais ce n’est pas la centrale beaucoup plus faible (magnitude 17.5). En grossissant un peu (220x) on devine aussi une ébauche de structure annulaire.

Je passe ensuite sous Orion, pour aller dans le Lièvre, voir IC418, une petite nébuleuse planétaire. Plutôt petite effectivement (14’’x 11’’),  et dans un secteur assez pauvre en points de repères. De plus, il est plus de 5h, et le Lièvre est assez bas, où la turbulence est la plus forte. Une fois de plus je ne repèrerai pas cette nébuleuse planétaire rouge, l’une des très rares. Fin janvier, ce sera plus facile.

Je remonte maintenant sur la droite d’Orion. L’Eridan est la première constellation que je rencontre. Une très belle nébuleuse planétaire est aussi sur mon chemin : NGC1535. Je l’avais découverte l’hiver dernier. Petite (21’’), elle est d’un bleu magnifique, avec une zone centrale d’un bleu plus soutenu, et une centrale visible en vision directe. Une « petite coquille de bleu », qui tremble dans la turbulence ce matin. Mais elle peut se montrer bien mieux lorsqu’elle est un peu plus haute dans le ciel (janvier-février). A suivre 😉

Me voilà dans le Taureau. La nébuleuse du Crabe est droit devant. Souvent décevante, elle m’a agréablement surpris le mois dernier. J’avais vu assez nettement son aspect granuleux, et des impressions de filaments. Même chose ce matin, le T300 semble plus adapté à cet objet assez faible. Le diamètre permet d’en voir un peu plus.

On approche 6h, le ciel ne va pas tarder à s’éclaircir (le soleil se lève tôt à l’est !). Je vais terminer ma ronde sur le plus bel amas ouvert du Cocher : M37. Il est encore magnifique aujourd’hui : un poudroiement d’étoiles,  et au centre une étoile rouge-orangée !

Le jour va se lever. Comme toujours j’ai les pieds gelés, mais je me suis offert une bien belle balade matinale ! 😉

jp

Photo: Le Cians en hiver. (Joel Pinson – 2006)

Dessert givré

1er décembre. Il est 23h30 lorsque je rejoins le T300 posé dans la neige depuis une bonne heure. Le ciel est très pur. C’est le même plaisir tous les hivers : la neige qui crisse sous les pas, le froid intense (–8°, 70% d’humidité), l’étendue blanche qui réfléchit la lueur des astres, les gestes lents et gauches à cause des épaisseurs de vêtements. A minuit, lorsque l’éclairage public s’éteint, la neige réfléchit encore plus la lumière de la Voie Lactée, c’est une atmosphère étrange : dans ma combinaison de ski, sur cette surface gelée, je me prends pour un cosmonaute sur la surface lunaire 😉

Ce soir, j’ai décidé de me concentrer sur la constellation reine de l’hiver : Orion. Un petit plaisir. Vous savez ? Celui que procure ces petits desserts givrés qui finissent si bien les repas ; on les regarde avec envie, et on les déguste avec lenteur en savourant chaque bouchée. Hmm… Orion ce soir c’était un merveilleux dessert givré !

Le ciel semble magnifique, mais il ne s’avère pas exceptionnel derrière l’oculaire : si la transparence est correcte, la turbulence est gênante (3/5) et ne me permet que rarement de dépasser le grossissement du Nagler 13mm (123x).

Ce soir, je voudrais regarder Orion d’une autre manière : ses étoiles, et ses petites nébuleuses.

Les étoiles.

Je commence par Lambda Orionis, au centre de l’amas Collinder 69, tout au nord de la constellation. Son nom arabe, Meissa « la brillante », incite à la visite. Et cela en vaut la peine car c’est une étoile multiple dont les cinq composantes sont facilement résolues. La dominante de couleur de l’ensemble est le bleu.

Un peu plus bas, je passe ensuite voir la nébuleuse planétaire NGC2022, incontournable. Je ne vois pas sa couleur verdâtre ce soir, elle m’apparaît comme une petite boule ronde plutôt blanche. Néanmoins, c’est toujours un plaisir de la voir dans ce secteur très chargé en étoiles et autres nébuleuses.

Continuant ma descente le long du corps du guerrier, je m’arrête un peu plus bas que Bellatrix sur un groupe d’étoiles multiples : 23 Ori, 25 Ori, 33 Ori.

23 Ori est une belle double, facilement résolue. Ses deux composantes sont d’un bleu assez soutenu.

25 Ori est une triple, facilement résolue. Les trois sont également bleues.

33 Ori ne sera pas résolue, il faudrait grossir 300x.

Aux alentours de ces trois-là, en cherchant un peu on découvre d’autres étoiles multiples, plus petites, et toutes bleues. En fait, toute la région regorge d’étoiles jeunes et chaudes (donc bleues), confirmant si besoin l’intense activité de cette région.

En s’éloignant du corps d’Orion, en direction de l’extrémité sud de son arc, on découvre Rho Orionis. Cette double asymétrique est superbe ! La principale orangée s’oppose à son compagnon plus faible et bleuté. Joli spectacle.

Je me dirige ensuite vers Pi-6 Ori, l’extrémité sud de l’arc. De là, je prolonge en direction du corps d’Orion pour trouver une petite double symétrique, assez serrée et bleutée. Puis, en poursuivant, une discrète et petite carbonée W. Encore une fois, ce secteur regorge de petits trésors, il fait bon y passer du temps.

Direction la ceinture maintenant. Mintaka (aka Delta Ori) est en fait un système stellaire multiple dont la plus brillante (Delta) est composée de deux étoiles bleues. La petite composante est faible (mag 14) mais au bout d’un moment elle apparaît sous la forme d’un petit point bleu à la limite nord du disque de Delta.

L’autre extrémité de la ceinture, Alnitak, vaut également le détour. Je pensais bien la connaître pour avoir usé ma pupille dans ce coin à la recherche de la Tête de Cheval. Mais je n’avais pas fait attention qu’il s’agit d’une belle étoile triple. Il est difficile de voir le compagnon le plus proche d’Alnitak, très lumineuse, mais le 3éme compagnon, plus faible, est un peu à l’écart et facilement identifiable.

Juste en dessous d’Alnitak, se trouve mon coup de cœur de la soirée : Sigma Orionis, superbe étoile multiple. Dans une symphonie de bleu (toujours) Sigma est en fait une quadruple, ses trois petits compagnons sont proches d’elle, alignés à la façon de satellites planétaires. Mais à peine plus loin, se trouve aussi une étoile triple (STF 761), ce qui donne à l’oculaire : une triple et une quadruple. Magnifique spectacle ! Tout ce beau monde se résout facilement au 13mm (123x).

Eta Orionis va compléter ma ballade en étoiles multiples. Une très belle conclusion que cette belle double : deux compagnons d’un bleu profond qu’il me faudra dédoubler au Nagler 9mm (178x).

Nébuleuses

Je vais commencer par le duo M40-NGC2071, un bel objet que je néglige trop souvent. Le couple se localise aisément à mi-chemin entre 56 Ori et Alnitak. M78 est la plus lumineuse de ces deux nébuleuses diffuses. Deux étoiles sont bien visibles, comme des yeux, sur lesquelles un nuage blanc semble posé comme un drap sur un fantôme ! Un peu plus loin (15’) se trouve NGC 2071, plus petite. En plein centre une étoile brillante (mag 9). L’ensemble tient dans le champ du Nagler 13mm (0,7°). C’est un joli spectacle, il faudra que je le dessine une de ces nuits.

Un peu au sud de l’épée, je m’arrête sur 49 Ori. Immédiatement, je distingue un petit nuage qui l’enveloppe : il s’agit de la nébuleuse par réflexion IC 430. En vision décalée, elle est plutôt étendue (10’) et sa forme ressemble à celle d’un éventail. Je suis heureux de la voir si facilement, et sans filtre, comme toujours 😉 Elle porte bien son nom de « nébuleuse par réflexion » tant 49 Ori semble la rétro-éclairer.

Je passe ensuite voir IC434. Sa forme en écharpe autour d’Alnitak est toujours aussi belle. Je me déplace le long du ruban, il semble interminable. Je la connais bien IC434, en raison des heures passées à y chercher B33 la nébuleuse de la Tête de Cheval. A deux occasions, j’eu le plaisir de la voir, avec mon T200 ! Mais ce soir, je sais qu’il ne sert à rien d’essayer. Pour réussir cette gageure, il faut un ciel d’une transparence exceptionnelle, et ça n’est pas le cas ce soir. Pas grave, c’est un secteur où il fait si bon flâner ! 😉

Evidemment, j’ai prévu de terminer par la grande nébuleuse. Mais auparavant, je veux me faire un autre plaisir. Pour un instant, je vais m’éloigner d’Orion pour aller voir R Lep dans le Lièvre. Son petit nom « l’étoile cramoisie »  (Crimson Star) est déjà tout un programme. Cette couleur ne ressemble à aucune autre. Pour la trouver, il suffit de prolonger le segment Arneb-Mu Lep (de la moitié de sa longueur) en direction d’Eridan. A partir de là, impossible de manquer cette couleur « rouge cramoisie », elle saute littéralement à l’œil. Je lui trouve des reflets orangés ce soir, un rouge moins profond que dans mes souvenirs. Mais il faut dire qu’elle est assez basse. En tout cas, on ne lasse pas de cette couleur.

Final

La Grande Nébuleuse d’Orion est une évidence quand on passe deux heures à tourner autour d’elle. L’oiseau est splendide et coloré. Le trapèze me montre au premier coup d’œil six étoiles. Au 13mm, ça regorge de détails ! Et de couleurs aussi. Au T200 je voyais du vert. Avec le T300, je vois bien le rouge des ailes, et la zone sombre autour du Trapèze. Le cœur de la nébuleuse est aussi très riche en détails. Quel spectacle, il faut que mes pieds douloureux à cause du froid me disent de rentrer pour enlever l’œil de l’oculaire.

Il est 1h30. Le dessert givré était excellent ! 😉

jp

Photo: Le Cians en hiver. (Joel Pinson – 2006)

Sur la route de Polaris

23h45. Me revoilà sous un ciel magnifique, pour la troisième nuit d’affilée. Impossible de se reposer avec de tels ciels. D’ailleurs, dès que les lumières du village s’éteignent, la fatigue a disparu. Je me remets en route avec le même plaisir qu’il y a trois nuits.

Comme souvent lorsque j’enchaine les observations, je commence par aller revoir des objets de la veille. La mémoire visuelle aime ces retours, sans carte. Cela lui permet de progresser. Et puis, comme l’essentiel est déjà mémorisé, cela permet d’apprendre l’environnement, un petit astérisme par là, une petite double, une couleur. On ressent alors la sensation de connaitre mieux le lieu, d’y être chez soi. On me demande souvent (avec l’espérance d’une méthode rapide et efficace) comment apprendre le ciel ? Et bien… il faut du temps, et du travail. Sans cesse revenir, sans cesse mémoriser, sans cesse observer!

Je retourne donc dans Camelopardalis – que ce nom est doux, je le préfère au nom français – du côté de NGC1502, une belle connaissance. Il suffit de suivre cet arc de quatre étoiles, de le prolonger un peu visuellement, et de poser le point rouge à cet endroit: voilà le bel amas dans le champ du Nagler 13mm, avec seulement 0,7° de champ! Qui a dit qu’un pointage au point rouge n’était pas précis ? J’inspecte les environs, je me délecte de ce grand V et de la belle double qu’il referme. Et puis doucement, je me laisse glisser vers NGC1501. Je sais qu’elle va apparaitre dans le champ, donc pas de précipitation, regarder le paysage défiler, mémoriser. Là… la voilà, la grosse boule bleu nuit! Le 9mm vient remplacer le 13mm, et la centrale apparait. Parfois j’ai l’impression que l’absence de surprise décuple le plaisir: on sait ce que l’on cherche, ce que l’on va voir, on est donc tout entier tourné vers l’apparition. Beau quartier en tout cas chez Camelo’ !!

Je m’y sens tellement bien que vais y passer deux heures! En effet, il y a un moment que je veux explorer les galaxies de la Girafe. Alors, en partant de NGC1502, je vais remonter le chapelet des galaxies jusqu’à Polaris, notre repère céleste. Sur le papier (page 11 du PSA) rien de plus simple. Quoique, en y regardant de plus près, le papier est relativement blanc page 11 (!) c’est à dire que les repères sont peu nombreux et les étoiles de faible magnitude. Si on rajoute que la constellation de la Girafe est sujette à diverses interprétations selon les cartes… je m’attends quand même à quelques difficultés. Au bout du compte, les difficultés seront réelles, et ce chemin jusqu’à Polaris ressemble un peu à la photo ci-dessus: beaucoup de chemins, de pièges, de fausses routes, dans une géographie céleste où il n’est pas toujours évident de se repérer!

Suivez le guide: Depuis NGC1502, je vais successivement aller à la rencontre de NGC1569, 1961, 1560, 2146, 2336, 2268, 2300 et 2776. Un chemin galactique quasi-évident vers Polaris. Elle, au moins, est facile à repérer, je la soupçonne même d’avoir rigolé en me voyant, pauvre terrien, errer d’un coin à l’autre de la constellation!

NGC1569

Le début du voyage est assez simple. Depuis NGC1502, je suis la direction d’Alpha Cam, à mi-chemin se trouve 1569. C’est une belle galaxie ovale (environ 4’x2′), facilement identifiable à côté d’une petite étoile de magnitude 10, au nord du noyau.

NGC1961

En poursuivant dans la même direction, je dépasse Alpha Cam, et me dirige vers une étoile de magnitude 6. Un peu après la moitié de la distance, légèrement sur la droite, je trouve NGC1961. Elle est faible (mag 12, 4,5’x3′). On perçoit néanmoins que c’est une spirale vue de 3/4. Aucun autre détail n’est visible.

NGC1560

Changement de direction, un peu plus d’un 90° sur la droite pour aller rejoindre NGC1560 au large de Gamma Cam. Une belle surprise m’y attend: une galaxie spirale vue par la tranche, assez longue (10′) et assez renflue (5′) mais de magnitude surfacique plutôt faible. En vision décalée, le spectacle est quand même bien joli!

NGC2146

Après ce petit détour, je reprends ma marche en direction de Polaris en visant une étoile de magnitude 5 dans l’axe de la polaire (il n’y en a pas beaucoup dans cette direction). Au large de cette étoile (HIP33694) se trouve une autre étoile de mag 6, au-delà de laquelle se trouve 2146, une spirale au centre assez brillant. En fait, Il s’agit de deux galaxies siamoises (2146 et 2146A), mais je n’en ai rien deviné à l’oculaire.  Elle est quand même faible (mag 13).

NGC2336

C’est là que mes ennuis vont commencer. Sur le papier, pourtant, rien de bien sorcier. Depuis 2146 il faut trouver un petit triangle d’étoiles dans l’axe même de Polaris. Oui, mais je vais y passer une bonne demi-heure. Avec la nuit bien installée, et ma vision nocturne bien en place aussi, je vois de plus en plus d’étoiles dans ce secteur. Après vérification je voyais du mag 7,5! Du coup,  je me perds plusieurs fois. Je reviens au PSA, regarde le ciel à nouveau, retourne sur 2146, refait le cheminement à l’oeil nu, puis au télescope… et ne trouve rien.  Trois fois je retourne sur 2146 pour finalement trouver 2336 au moment où le découragement me guettait. Quelle recherche! 2336 est une belle spirale vue de dessus, assez faible toutefois.

NGC2268

Depuis 2336, la route est plus facile car Polaris est maintenant droit devant. Il suffit de passer une étoile de magnitude 4-5, 2268 est quelques deux degrés derrière. C’est une spirale barrée vue de 3/4. On voit bien sa forme ovale, et un noyau ponctuel.

NGC2300/NGC2276

Dernier arrêt avant Polaris. Encore 2° dans la direction de la polaire, je tombe sur 2300 et 2276. Elles sont espacées de 6′. 2300 est la plus brillante des deux, noyau ponctuel bien marqué. Par contre 2276 est assez faible et je ne distingue même pas de noyau. J’ai appris deux choses depuis: 1) les deux galaxies appartiennent à la constellation de Céphée, et 2) 2276 n’a pas de noyau!

Je pousse jusqu’à Polaris, belle étoile double. Il est presque 2h. Je suis heureux d’avoir réussi mon périple!

Un demi-tour sur moi même, Orion m’attend! M42 et M43 sont aussi belles qu’hier. Le bel oiseau montre son plumage: les ailes virent au rouge, le corps entre vert et blanc. Le trapèze me montre encore 6 étoiles. Je ressens la fatigue de trois belles nuits d’observation. Mais ce sont des observations comme celles de ce soir qui donnent envie de recommencer!

jp

Un oiseau dans la nuit

Avez-vous déjà vu une forêt de mélèzes en automne ? Que la nature est belle en ce moment par ici ! Des forêts multicolores, des sommets recouverts de leur première neige, une neige si blanche qu’elle semble irréelle, des roches si rouges que l’ocre semble terne, un ciel si bleu que les oiseaux chantent en volant, et un soleil si doux qu’il fait bon rêver. Oui, il fait bon vivre en Mercantour, et le soir venu partir le cœur léger explorer le ciel.

La nuit est déjà bien avancée lorsque je sors. Mais le ciel n’en est que plus beau, il n’a cessé de s’améliorer au fil de la nuit.

Je commence ma promenade par la constellation du Triangle. Depuis la nuit dernière, l’image de M33 ne m’a pas quittée, tout dans cette galaxie me fascine : sa taille, sa forme massive, ses petites nébuleuses satellites, le mystère qui s’en dégage. Je veux y retourner. La transparence est meilleure ce soir, je vois plus rapidement et mieux. La « robe » de la galaxie est assez sombre, les deux bras principaux se détachent de la zone centrale, mais s’estompent en s’en éloignant. Je ne perçois pas le troisième. NGC604, le plus gros de ces petits nuages d’hydrogène ionisé, attire rapidement mon attention de par sa taille, sa brillance, la proximité d’une étoile, et sa position sur la galaxie : la nébuleuse semble accrochée à l’extrémité d’un bras. Au bout d’un moment, une autre de ces petites nébuleuses apparaît à hauteur du noyau, de l’autre côté de la galaxie: il s’agit de NGC595. Je reste encore un moment à observer ce vaisseau fantôme qui m’impressionne plus que M31, sans doute à cause du mystère qui entoure un objet difficile à apprécier dans sa totalité.

Au sud du Triangle, je passe ensuite voir le duo de galaxies NGC672 et IC 1727. 672 est de loin la plus brillante des deux. Elle est aussi très allongée. IC1727 est, elle, plus discrète, un peu à l’écart (8’) et de forme similaire mais plus petite. Le duo est attachant, de par leur orientation on pense aux Antennes.

Je retourne aussi dans la Baleine. La meilleure qualité du ciel me donne envie de revoir certains des objets de la veille. Tout d’abord NGC246 (la nébuleuse planétaire du Crâne). Je repère facilement le groupe de 5 étoiles, la planétaire est parfaitement visible ce soir, on voit bien sa forme asymétrique. L’appellation de « beignet mordu » me semble juste ce soir ! Et comme souvent, je la vois mieux sans filtre !

Petit passage par le groupe de galaxies NGC584-596-615, plus lumineuses aussi, sans pour autant montrer beaucoup plus de détails. Et puis aussi M77, magnifique. Le noyau est imposant et très brillant, et en grossissant un peu j’y distingue une petite forme « saturnesque » : un point central très lumineux barré par un trait, cela me fait penser à une petite Saturna. Très belle galaxie.

Me voilà maintenant parti tout en haut du ciel, dans la Girafe. Deux raisons : l’amas NGC1502 que je n’ai pas vu depuis longtemps, et puis la planétaire NGC1501 pas encore observée dans le T300. L’amas est fidèle à sa réputation, j’y arrive par la Cascade de Kemble, arrivée toujours magique, je l’admire un long moment. La diversité de ses composantes est un vrai régal, autour de la belle double centrale. Environ deux degrés plus bas me voici sur NGC1501, une grosse planétaire bleu sombre. Au 13mm on ne distingue pas de détails, mais au 7mm (230x) la centrale est visible en vision directe ! Le petit plus du diamètre 🙂

Je file ensuite sur M76, Little Dumbbell dans la constellation de Persée. La forme d’os est très claire, avec, en vision décalée, une vague impression d’extension sur la partie nord. Par moments, me crois sur M27 !

Je continue ma balade par un passage par le Cocher et ses deux amas vedettes M36 et M37. M36 est très joli, riche et brillant. Mais M37 reste le plus beau de la constellation : très riche, et très dense, plus de 500 étoiles le composent. La proximité des deux amas permet de passer de l’un à l’autre en un clin d’œil, je me régale à les comparer.

L’heure tourne, les vedettes de l’hiver prochain entrent en scène. Les Gémeaux pointent le bout de leurs pieds, je passe voir les amas M35 et NGC 2158. Je commence par M35 que je vois à l’œil nu. Le contraste entre les deux amas fait le charme de l’association : M35 brillant et bleu, 2158 blanc et fin, discret. Très belle vision d’ensemble.

Le Taureau voisin m’attire. Et la bonne transparence me dit de passer voir M1, la Nébuleuse du Crabe. Souvent décevante, je suis content car j’ai enfin l’impression de l’avoir vue hier soir : une forme générale bien présente et comme des filaments qui s’échappent du pourtour, justifiant pour une fois l’appellation de crabe ! Au bout d’un moment, le centre m’apparaît aussi un peu granuleux. En tout cas, je crois bien que c’est la meilleure vision que j’en ai eu à ce jour.

Et puis, je l’attendais, voilà Orion. Je commence par la nébuleuse planétaire NGC 2022, dans le chapeau d’Orion. Je la repère facilement au 13mm (120x), une petite boule verdâtre, sans détails. Grossir ne donnera rien de plus. Alors je fonce voir la grande nébuleuse. Quel plaisir de la retrouver ! Et quelle palette de couleur ! Du blanc, du rose, du vert ! Depuis l’hiver dernier, je l’avais observée en septembre lors de la nuit au col de la Cayolle, mais que cette vision sent bon l’hiver ! Le bel oiseau étend ses ailes, la vision au Nagler 13mm est magnifique. Le trapèze montre 5 étoiles, et puis même 6 au bout d’un petit moment, à seulement 120x. Je vois des détails partout : dans le cœur, dans les bras, dans M43, dans le Trapèze : un plaisir inouï.

Il est plus de 2h, je décide d’arrêter sur cette belle vision. Je m’endormirai avec la vision de ces ailes déployées sur le noir du ciel.
jp