Le temps de vivre

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Ce matin, mon grand frère Georges est parti. Avec lui, la vie était pleine de liberté, d’amour, d’espoir. Nous pouvions rêver notre vie, tout était possible et permis. Je me souviens sur les murs de ce mois de mai il me disait la certitude que tout pouvait changer. Il disait: “Nous prendrons le temps de vivre, d’être libres, sans projets et sans habitudes, nous pourrons rêver notre vie“.

Je l’aimais Georges. Avec ses copains Serge, et l’autre Georges, il m’avait rendu fier d’être méditerranéen:

Dans ce bassin où jouent
Des enfants aux yeux noirs,
Il y a trois continents
Et des siècles d´histoire,
Des prophètes des dieux,
Le Messie en personne.
Il y a un bel été
Qui ne craint pas l´automne,
En Méditerranée.

Il m’a aussi fait aimer ma solitude, “Je m’en suis fait presqu’une amie, Une douce habitude“. Mes larmes me paraissaient alors douces comme le miel de sa voix. Combien de fois ai-je pris ma guitare pour chanter avec lui ?

Ce soir, j’ai des larmes dans la voix, je revois mes 18 ans, mon frère, ma vie, mes certitudes, mes doutes, mes espoirs et mes révoltes. Et puis… une mélodie m’envahit. Je la connais bien, les paroles qui l’accompagnent aussi, je les ai fredonné tant de fois. Mais ce soir, j’ai peur de les chanter, j’ai peur de les comprendre. Enfin. J’espère qu’il n’est pas encore trop tard.

Pendant que je dormais, pendant que je rêvais
Les aiguilles ont tourné, il est trop tard
Mon enfance est si loin, il est déjà demain
Passe passe le temps, il n’y en a plus pour très longtemps“.

jp

Le dessin d’illustration est de Hugo Pratt