Mes Labyrinthes

C’est l’histoire d’un rêve.

Je me promène dans un lieu “professionnel”, une entreprise ou une organisation à la fonction mystérieuse, dans un bâtiment étrange. Le lieu est silencieux, pas un bruit. Je n’entends même pas mes pas. Un dédale de couloirs, d’escaliers étroits qui semblent aller nulle part. Une sorte de labyrinthe vertical et horizontal, tortueux, sinueux. Je monte, je descends, je tourne à gauche puis à droite, reconnais cet endroit où je suis passé il y a quelques minutes. Au détour d’une rampe d’escalier, ou du coude d’un couloir, j’aperçois une ombre, puis une silhouette, c’est une femme que je ne parviens pas à identifier. Mais je veux lui parler, je dois lui parler. J’accélère le pas, me rapproche d’elle, je ne vois toujours que son dos, il faut vraiment que je lui parle. Mais au moment de pouvoir enfin le faire, une autre femme surgit d’un autre escalier, son regard dur m’interdit le passage, elle ne dit rien mais je sens que je dois renoncer à parler. Je change alors de direction, remonte, tourne, redescend, aperçois une autre femme, tente encore de la rejoindre, de lui parler. Mais la maitresse des lieux impose son pouvoir. Il est interdit de parler avec quiconque. Je tourne en rond, ma quête se répète à l’infini.

Je me réveille, raconte ce rêve, dis que c’était comme un mouvement perpétuel. Je pense à  Sisyphe, ce héros de la mythologie grecque condamné pour avoir osé défier les Dieux à faire rouler éternellement un rocher au sommet d’une colline qui en redescendait chaque fois avant de parvenir au sommet. Je pense au Mythe de Sisyphe, ce pilier de la philosophie de l’absurde de Camus, la recherche de l’homme vaine de sens. Je dis à mon interlocuteur: c’était comme une obsession.

Obsession. Ce mot me bloque. J’arrête de parler. Une lueur traverse mon cerveau, comme une décharge électrique. Je ne parle plus. Mon interlocuteur me regarde étonné. Obsession. Je me souviens. Il y a presque onze ans, j’ai crée une série photographique dont le titre était “Obsession”. Mes yeux se troublent, se mouillent. Je raconte ces photos: un dédale de ruelles, d’escaliers, à la poursuite d’une femme dont je parviens tout juste à apercevoir le dos. Elle monte, descend, tourne à gauche, à droite. C’est mon rêve, mon labyrinthe. Ce sont mes labyrinthes, ceux de mon cerveau, de mon inconscient, de mon enfance. Les labyrinthes dans lesquels j’ai perdu ma mère.

jp

Obsession – Calvi, juillet 2006